Le chef de l’Etat gabonais, qui fête ce mercredi ses 63 ans, est en position de force sur le plan politique où son parti, le PDG, est hégémonique face à une opposition étêtée et atone. Il enchaîne également les succès sur le plan diplomatique. De bonne augure pour 2023, date prévue pour l’élection présidentielle.
« En forme olympique ». C’est ainsi qu’un de ses proches décrit le président Ali Bongo Ondimba. « Moi, je le comparerai à un coureur de 110 mètres haies. Il a une capacité hors-norme à franchir les obstacles, quel qu’en soit la hauteur », dit de lui un chef d’Etat d’Afrique de l’Ouest pour filer la métaphore sportive.
Qui l’aurait cru ? Il y a trois ans, le 24 octobre 2018, le président gabonais était victime d’un terrible accident vasculo-cérébral (AVC). Depuis à force de volonté, de rééducation (« et de prières », ajoute ce proche), l’épisode n’est plus qu’un mauvais souvenir. Certes, la démarche est encore empruntée (le président se déplace avec une canne). Mais c’est un moindre mal. Il n’a rien perdu de sa vivacité intellectuelle, rien perdu de sa force de travail, et surtout rien perdu de sa volonté si caractéristique des grands dirigeants politiques.
Politiquement d’ailleurs, Ali Bongo Ondimba est en pleine forme. Son parti, le PDG, est ultra-dominant sur la scène politique. Lors des élections générales d’octobre 2018, il a remporté 120 sièges sur les 143 que compte l’Assemblée nationale. Un chiffre qui a augmenté depuis car un certain nombre de partis satellites, créés il y a quelques années et qui avaient emporté quelques sièges (RV, SDG…), ont fini par rentrer dans le rang et fusionner avec le PDG dans un mouvement centripète.
Tout l’inverse de l’opposition qui est, elle, soumise à des forces centrifuges, qui la poussent à l’atomisation. Sortie affaiblie de la présidentielle perdue de 2016, elle n’a su ni évoluer ni se renouveler. « L’opposition gabonaise vit encore sur le mythe de l’élection présidentielle de 2016 qu’elle estime avoir gagné. Résultat : elle a gaspillé son énergie pour tenter de faire reconnaitre sa victoire. En pure perte. En attendant, elle n’a pas développé un projet attractif pour les Gabonais, montré qu’elle pouvait être une alternative crédible. D’où la sanction lors des élections de 2018, catastrophiques pour elle », explique un professeur en science politique de l’UOB.
Si l’opposition est aussi faible, c’est aussi en raison des querelles de leadership en son sein. Jean Ping, qui aura 81 ans l’année prochaine, n’apparait plus comme une option crédible pour mener l’opposition à la victoire. Pourtant, le patron du CNR qui se mûre dans le silence depuis quelques mois n’entend pas laisser « sa » place. Aucun autre leader ne trouve grâce à ses yeux : ni Alexandre Barro Chambrier, ni Guy Nzouba-Ndama, ni un autre. De son côté, l’UN entend bien présenter un candidat mais devra faire avec les ambitions électorales de Paul-Marie Gondjout. Quant aux jeunes loups de la politique gabonaise (dont certains sont réunis au sein du collectif « Appel à agir »), ils entendent bien pousser la « veille génération », selon leur expression, à la porte. De fait, l’unité de l’opposition, qui agite beaucoup commentateurs et médias, n’est qu’une chimère. Sans réel adversaire, on voit mal Ali Bongo Ondimba ne pas s’imposer haut-la-main en 2023.
D’autant que sur le plan diplomatique, les astres pour le président gabonais n’ont jamais été aussi favorablement alignés. Il est vrai que « désormais », comme le dit un ambassadeur occidental catalogué comme « africaniste », « le Gabon n’est plus un pays parmi 54 sur le continent africain ». Depuis la montée en puissance de l’enjeu climatique, le Gabon est une puissance qui compte. La COP 26 de Glasgow en novembre dernier l’a, si besoin en était encore, rappelé. On y a vu le président gabonais, qui fut parmi les premiers à prendre la parole, bras-dessus bras-dessous avec son homologue américain Joe Biden.
Mieux, depuis le 1er janvier, le Gabon est auréolé d’une stature toute particulière. Il siège pour les deux années à venir au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Il en assurera même la présidence à partir de septembre prochain. Conséquence : le nombre de coups de fil au Palais Rénovation a sensiblement augmenté. Certains, à l’instar du chef de l’Etat ivoirien Alassane Ouattara, aux prises avec le coup d’Etat au Burkina Faso, n’hésitent pas à faire le déplacement à Libreville pour venir sensibiliser Ali Bongo Ondimba à leur cause ou recueillir ses conseils.
Preuve que le Gabon n’est plus un « pays lambda » en Afrique, il est l’un des rares sur le continent à pouvoir se targuer de nouer des accords successifs avec le FMI. Alors que d’autres éprouvent les pires difficultés à convaincre l’institution de Bretton Woods de se pencher à leur chevet (Congo-B ou RDC, etc.), le Gabon enchaine les accords avec une facilité déconcertante. A peine le dernier accord de prêt triennal noué en 2017 arrivé à échéance, le pays en a conclu un autre mi-2020 pour une période de 3 ans également. « Si le FMI n’hésite pas, contrairement à d’autres, à soutenir le Gabon, c’est pour deux raisons », explique avec clarté un économiste. « Un, le pays est solvable. C’est-à-dire qu’il est capable par sa croissance de tenir ses engagements et faire face à ses échéances. Deux, le pays s’est nettement réformé ces dernières années à la fois du point de son appareil étatique mais aussi économique ». En outre, ces dernières années, le Gabon a entrepris un effort inédit de lutte contre la corruption. Plusieurs anciens responsables publics sont en prison et des centaines de milliards de francs CFA ont été économisés grâce à la mise sur pied de task force sur la dette intérieure et extérieure supervisées par l’ex-coordinateur général des affaires présidentielles, Noureddin Bongo Valentin.
A un an de l’élection présidentielle, Ali Bongo Ondimba, qui n’a pas encore fait acte de candidature, est en position de force. Sans réel opposant, il a fait le clair dans son entourage (longtemps, son principal handicap). Surtout, il a su surmonter la crise de la Covid-19 à la fois sur le plan sanitaire et économique. Et, à bas bruit, a entrepris une transformation à marche forcée du pays, comme en témoigne la réforme de l’enseignement orientée vers le technique et le professionnel (promesse du quasi-plein emploi à terme), la fin du tout pétrole avec la montée en puissance d’autres secteurs plus diversifiés (le bois, le tourisme, les mines…) ou la construction d’infrastructures utiles et durables (les anti-éléphants blancs) dont la Transgabonaise, plus longue infrastructure terrestre d’Afrique qui sortira dans quelques mois, sera le symbole.
A n’en pas douter, le Gabon pourra compter sur Ali Bongo Ondimba dans les années prochaines. A 63 ans à peine, le numéro un gabonais a encore tout l’avenir devant lui.