Selon le Fonds monétaire international (FMI), les exonérations fiscales sont élevées au Gabon et constituent un problème majeur pour la mobilisation des revenus non pétroliers, la gouvernance et la transparence. Raison pour laquelle l’institution a demandé aux autorités de prendre des mesures pour réduire les exonérations à l’horizon 2023. Dans ce cadre, une liste des mesures fiscales à prendre pour y parvenir a déjà été établie. Dans cet entretien réalisé le 14 décembre 2021, Boileau Loko, chef de mission du FMI pour le Gabon donne le bien-fondé de la suppression ou de la réduction de certaines exonérations fiscales pour l’économie du pays.
Dans une récente note relative au nouveau programme économique avec le Gabon, l’on apprend que le Gabon a établi une liste de mesures fiscales dans le but de réduire certaines exonérations fiscales même pour les entreprises situées dans une zone économique à régime spécial. Cette décision ne va-t-elle pas tuer ces zones économiques qui attirent les investisseurs grâce à ces exonérations ?
Il faut mobiliser toutes les ressources nécessaires pour développer le secteur hors pétrole. Chaque année sur le marché de l’emploi, il y a des jeunes qui arrivent et il faut créer de l’emploi pour ces jeunes. Ça veut dire qu’il y a des investissements énormes à faire que ce soit en termes d’infrastructures, que ce soit en termes de capital humain pour promouvoir l’investissement privé. Et comment on finance ces infrastructures, ces investissements à capital humain ? Il n’y a que deux moyens pour les financer. Soit les ressources internes soit la dette. Et la dette a une limite. Donc, il faut aussi penser à ces ressources internes. Au Gabon, ces ressources internes sont les ressources pétrolières, minières, et les impôts sur le secteur non pétrolier et le secteur non minier. D’où l’urgence de prendre des mesures pour limiter les exonérations.
Nous n’avons jamais dit qu’il faut éliminer les exonérations. Il y a des exonérations qui ont une valeur ajoutée positive parce qu’elles permettent de générer des emplois. Il y a des exonérations qui n’ont pas une valeur ajoutée très positive. Celles-là, il faut les éliminer ou les réduire. Dans ce sens, une action importante qui a été prise, c’est celle de l’adhésion du Gabon à l’ITIE (Initiative pour la transparence dans les industries extractives). Et dans la loi de finances rectificative de 2021, il y a beaucoup d’actions qui ont été prises pour limiter les exonérations. Ces actions ne deviennent effectives qu’à partir du premier janvier 2022. Et donc, c’est en 2022 qu’on verra l’impact de ces mesures sur les recettes. S’il faut regarder la loi de finances 2022, il y a aussi des actions qui vont dans la direction d’éliminer ou de réduire un certain nombre d’exonérations, et cela permettra justement de pouvoir accroître les recettes nécessaires pour l’investissement et la promotion du secteur privé.
Je voudrais préciser que le FMI n’est pas contre les zones économiques spéciales. La question qui se pose c’est comment cette zone économique spéciale va apporter le maximum d’impact pour l’ensemble de l’économie. C’est dans ce sens que nous travaillons avec les autorités gabonaises.
Une entreprise ne doit pas venir au Gabon parce qu’elle a des exonérations, mais, elle doit venir parce que les conditions lui permettent d’être profitable. Ce n’est pas à coups d’exonération qu’on attire les entreprises. Je pense que faire des efforts pour améliorer l’environnement des affaires, qu’il y ait un Etat de droit qui fonctionne, qu’il y ait des facilités pour la création d’entreprises, … sont des étapes importantes pour promouvoir l’investissement privé pas seulement étranger mais, aussi local.
Il a également été décidé de l'application progressive d'un taux réduit au lieu d'une exonération totale sur les produits de première nécessité. Sachant que le Gabon est un grand importateur des produits de première nécessité, cette mesure ne va-t-elle pas renchérir le coût de ces produits ?
S’agissant de la vie chère, telle qu’elle est faite aujourd’hui tout le monde est impacté. Imaginons un instant qu’on parvienne à mieux cibler toutes les familles de Gabonais économiquement faibles (GEF). Et qu’au lieu d’avoir un système de vie chère qui impacte sur tout le monde, même les plus démunis, que les Gabonais économiquement faibles soient plus accompagnés grâce à l’argent tiré de la réduction des exonérations. L’impact sera très fort sur ces familles qui seront capables d’envoyer leurs enfants à l’école, de soigner leurs enfants. Ils seront capables de sortir de la pauvreté. Le but n’est pas de garder les gens dans la pauvreté mais, de les aider à sortir de la pauvreté. Ce sont les Gabonais économiquement faibles qui ont le plus besoin de l’aide et des subventions de l’Etat gabonais. C’est pour cela que nous travaillons à ce que l’Etat fasse une réflexion pour voir comment mieux aider les GEF à travers un mécanisme d’aide directe ciblée. Il me semble aujourd’hui important que l’Etat fasse une réflexion pour voir comment on peut cibler les subventions au lieu d’avoir les subventions généralisées. Et c’est dans ce sens que nous travaillons avec les autorités.
Dans le cadre du programme avec le FMI, le Gabon s'est engagé à publier une liste d’entités publiques à fermer à fin septembre 2021, afin de rationaliser les dépenses non prioritaires de l'Etat. La liste a-t-elle déjà été publiée et cela ne va-t-il pas augmenter le taux de chômage ?
La liste est encore en cours d’élaboration. Nous ne l’avons pas encore reçu.
Il y a un certain nombre d’entités qui travaillent et qui apportent une certaine valeur ajoutée à l’économie. Il n’y a aucune raison de fermer ces agences. Elles créent de l’activité, elles donnent des services publics. Ce qui est important pour le pays. Mais, il y a d’autres agences qui sont logées dans les ministères avec des personnes compétentes qui peuvent faire le travail correctement. Il se pourrait que ces agents puissent être plus efficaces dans d’autres domaines que dans l’agence dans laquelle ils sont. Ils peuvent être plus efficaces en retournant dans leur ministère de tutelle par exemple. Donc la question n’est pas de mettre les gens au chômage, mais de réfléchir en se disant où est ce que les gens sont plus efficaces, où est ce qu’on peut les mettre pour tirer le maximum de service public pour l’économie gabonaise. Et je pense que c’est vraiment dans le sens de l’efficacité qu’il faut aller, parce que le Gabon a besoin de se développer, le Gabon a des besoins en termes d’infrastructures, des besoins en termes de capital humain, et il faut absolument trouver des ressources pour cela. Et trouver des ressources c’est améliorer les recettes mais, c’est aussi améliorer l’efficacité des dépenses.
Comment trouvez-vous l’environnement des affaires au Gabon ?
Le climat des affaires au Gabon a encore besoin de beaucoup d’améliorations. Mais, ce n'est pas que le Gabon. C’est globalement tous les pays africains. C’est une question de compétitivité. L’électricité au Gabon est encore chère. Il faut arriver à générer plus d’électricité, à baisser le coût de l’électricité. Il faut développer les routes… Il y a un certain nombre d’efforts à faire pour améliorer l’environnement des affaires. C’est ce qui va permettre aux jeunes d’investir dans le pays et développer les industries.