La présidente de l’Union nationale (UN) a pris l’engagement d’être à «l’écoute de tous» et d’«agir de concert avec toutes les forces acquises à l’idée de changement.» Au nombre de ses priorités, une réforme du système électoral.
Durant sa campagne, Paulette Missambo n’a eu de cesse de décliner son ambition : «Renforcer les pouvoirs de la base» ; «faire plus de place aux jeunes et aux femmes» ; «être au rendez-vous des échéances futures : locales, législatives et présidentielle.» Le 08 janvier courant, elle a fixé ses priorités : mettre (son) parti en ordre de bataille», «obtenir la réforme du système électoral» et, «contribuer (…) à la construction de l’unité de l’opposition.» Ainsi veut-elle «poursuivre (l’) implantation et (…) faire régner la discipline dans (ses) rangs.» Aussi entend-elle faire des propositions relatives aux «modalités de confection ou de révision des listes électorales, au déroulement des campagnes (…) à la gestion des scrutins, au dépouillement et à l’annonce des résultats ainsi qu’à l’observation indépendante.» En outre, espère-t-elle impulser une «unité (de l’opposition) qui prépare l’avenir des jeunes générations et les met en capacité d’accéder aux fonctions électives.»
Résultats erronés
A première vue, la présidente de l’Union nationale (UN) a déjà procédé au diagnostic de situation de son parti, de l’opposition et de l’environnement politique. Ses orientations, comme ses exigences, le laissent croire. Ses priorités ? Avec clarté et en toute lucidité, elle les a déclinées. Quand on se remémore la violence des «attaques ad hominem», quand on se souvient du soutien appuyé de son prédécesseur à son adversaire, quand on analyse les scores, on peut effectivement nourrir quelques inquiétudes. Mais on peut aussi lui reconnaitre le mérite d’avoir mis l’accent sur la nécessité de «rassembler, se rassembler, se réorganiser et se réimplanter.» Au-delà, on peut lui savoir gré d’avoir exhorté les «responsables (des) organes de base (…) (à être) au rendez-vous de la sensibilisation, de la conscientisation et de la mobilisation.»
Instruit par l’expérience du passé, on peut tout autant lui donner acte de s’être engagée à se battre pour un «système électoral qui garantit dans les faits le choix librement exprimé dans les urnes.» Loin de gratter les blessures, il faut dire les choses comme elles furent. En 2009, la présidentielle fut marquée par deux événements : la charge de l’armée contre les candidats et, l’inversion des chiffres. Saisie conformément aux textes, la Cour constitutionnelle valida ces résultats erronés. Sept années plus loin, elle n’en tira aucun enseignement, s’autorisant à annuler 21 bureaux de vote sans pour autant ordonner la reprise du scrutin, comme le lui recommande la loi. C’est dire si les révélations a postériori de Michel de Bonnecorse, ancien conseiller Afrique de Jacques Chirac, ou les câbles de WikiLeaks n’eurent aucun effet. C’est aussi dire si les démocrates de tout bord ont intérêt à encourager Paulette Missambo à faire connaître ses «propositions (…) à l’ensemble des forces vives du pays ainsi qu’aux partenaires techniques et financiers du Gabon.»
Prudence
Sur l’unité de l’opposition, son appel à une «analyse froide et lucide» n’est pas moins pertinente. Certes, Alexandre Barro Chambrier et Guy Nzouba-Ndama ont déjà fait part de leur volonté de prendre langue avec elle. Mais, sur ce point, le passé incite à la prudence. En 2014, l’entrée de Jean Ping dans l’opposition prît des allures d’offre publique d’achat (OPA). L’UN fut bousculé de l’intérieur, le point de bascule étant le départ de certains cadres, regroupés sous le label Les Souverainistes. Plus proche dans le temps, en prévision des élections d’octobre 2018, Les Démocrates (LD), le Rassemblement pour la patrie et la modernité (RMP) et l’UN entamèrent des pourparlers afin de présenter des listes et des candidats uniques sur l’ensemble du pays. A quelques semaines de la date-butoir, LD vira casaque. Il n’en fallut pas plus pour voir le soupçon s’installer. Du coup, le RPM et l’UN eurent beaucoup de peine à parvenir à une véritable alliance, de nombreux arbitrages ayant été rendus impossibles par des considérations personnelles.
De tout cela, Paulette Missambo doit se souvenir. Si elle a pris l’engagement d’être à «l’écoute de tous» et d’«agir de concert avec toutes les forces acquises à l’idée de changement», elle a affirmé sa conviction : «L’heure du changement est venue.» Par cette profession de foi, elle a, d’une certaine manière, fixé un rendez-vous. D’aucuns ne manqueront pas de lui reprocher de ne pas avoir joué les fanfarons en balançant des paroles en l’air. Mais, dans sa longue quête de liberté, le peuple gabonais a déjà eu l’occasion de voir où mènent les fanfaronnades : à l’impasse. A chacun de revisiter l’histoire.