Parti pour comprendre un accident, survenu à Akanda, entre un cheval et un 4×4 de luxe, Gabonreview a découvert, au hasard des pérégrinations, bien d’autres coutures de «la ville dans le parc». Entre gestion originale des ordures, urbanisation contrôlée ou jardinage public, la nouvelle ville se transforme à sa vitesse. Deviendra-t-elle le «Beverly Hills à la gabonaise» tant fantasmé ? Tout dépend des autorités gabonaises.
Fait insolite dans la commune d’Akanda : le 23 novembre dernier, dans le quartier dit Amissa, un cheval entre en collision, sur la chaussée, avec une voiture de marque Porsche Cayenne. La bête, selon le conducteur, a foncé sur l’automobile. Morte du choc violent, elle endommagé l’automobile, avec un capot bien enfoncé et bien d’autres dégâts.
Cheval, Porsche Cayenne et police
Pourquoi et comment de grands mammifères domestiques de ce genre errent-ils en zone urbaine, dans une cité ayant de surcroit des voies à grande vitesse ? Pourquoi ces chevaux ne sont-ils pas enfermés dans un enclos ou chez leur propriétaire ? Qui a dédommagé l’automobiliste ? Autant de question ayant amené les reporters de Gabonreview à une descente dans la commune ayant pour baseline «La ville dans le parc». Au hasard des pérégrinations pour comprendre, la petite enquête se mue en reportage laissant entrevoir une municipalité qui travaille, qui a des réalisations et bien de projets d’avant-garde.
Également sur le terrain pour l’affaire Porsche Cayenne et cheval, une équipe de Police municipale enquête. Elle recherche le propriétaire des chevaux en question. L’enquête, selon les policiers, a été ouverte sitôt l’accident insolite connue. Les agents refusent cependant d’en communiquer l’évolution à Gabonreview. «Il s’agit d’une enquête officielle en cours dont ne nous pouvons divulguer les détails», explique le Capitaine Auderick Ibouandamoueli, chef de l’unité de police municipale d’Akanda.
Gestion des ordures et lutte contre la ‘’mapanisation’’
Rebroussant chemin et revenant vers Libreville, les yeux n’en restent pas moins aussi émerveillés que curieux. Au rond-point Amissa, des équipes de la société SDN chargée du balayage des artères akandaises sont à l’ouvrage. Fait curieux, les bacs à ordures sont pratiquement vides. On comprend mieux en s’en approchant. Une affiche de la mairie d’Akanda informe : « Heures de dépôt des ordures : de 18 à 21h. Il est strictement interdit de jeter les ordures en dehors des horaires indiqués, sous peine d’amende ». La prescription a pour objectif et avantage de garder propre la périphérie des bacs à ordures durant la journée. Pas un seul petit détritus au sol comme on le voit ailleurs, notamment à Libreville. Akanda tenterait-elle de se hisser au niveau de propreté d’une ville telle que Kigali qui, à force de mesures fortes et de poigne, a su changer les mentalités et devenir une référence mondiale en termes de salubrité publique ?
A bien d’endroits dans «La ville dans le parc», on remarque sur les murs et chantiers des croix à la peinture rouge, des interdictions de poursuivre les travaux ou des instructions pour la démolition des constructions. « De vous à nous, explique un Akandais interrogé, la Mairie a raison. Ces constructions peuvent être qualifiées d’anarchiques. On ne doit pas encourager la ‘’mapanisation’’ de notre belle cité. On doit empêcher qu’Akanda ne devienne un bidonville inesthétique.» Vraisemblablement, la mairie d’Akanda s’attèle à un plan d’urbanisme permettant d’encadrer l’occupation foncière. Celui-ci s’articule autour de la délivrance de différentes autorisations (permis de conduire, de lotir, d’assainir et d’occupation du domaine public, etc.).
Le smart code d’Ali Bongo
Ces actions de la municipalité d’Akanda ne sont pas sans rappeler l’idée, quelque peu oubliée, d’un smart code pour cette commune crée en 2013 à la faveur d’un scrutin local : une politique pragmatique d’urbanisation répondant à des schémas directeurs d’aménagements et à des plans d’occupation des sols. En août 2018, à cet effet, le président Ali Bongo s’était entretenu avec le prince Charles, à Ballater en Ecosse. Il était question d’un «projet de construction d’un quartier modèle dans la commune d’Akanda, à partir du smart code existant de cette même ville d’Akanda», selon les termes du Conseil des ministres.
Ville bordant le parc national éponyme, Akanda doit donc se construire dans le respect des principes dudit smart code, un modèle international de développement urbain qui place l’aménagement durable au centre des priorités. Si plus personne ne parle aujourd’hui du smart code promu par Ali Bongo, l’évolution d’Akanda démontre que les différents maires de cette jeune commune ont toujours ce concept dans un coin de leur tête.
Fichage économique inédit
Les pérégrinations à travers ce «Beverly Hills aux portes de la jungle», selon le mot d’Elise Esteban de Jeune Afrique, amènent les reporters de Gabonreview dans une petite épicerie de la zone dénommée Beaulieu. Là, d’autres gilets jaunes, toujours estampillés Mairie d’Akanda, échangent avec le boutiquier. Ce sont les équipes du service financier municipal. Elles enregistrent dans une application téléphonique des informations recueillies sur les lieux. L’équipe est dirigée par une dame nommée Ada. Elle explique : «nous utilisons une application numérique qui est plus sécure pour l’opérateur économique et qui nous permet d’être plus efficaces car nous permettant un accès instantané à toutes les informations sur les acteurs de la vie économique au sein de la commune».
Le boutiquier, lui, se réjouit plutôt de ce système qui lui évite des contrôles anarchiques et parfois racketteurs de divers autres services municipaux. La municipalité d’Akanda recense ainsi, numérise et connecte à des logiciels les opérateurs économiques de la ville, toutes tailles confondues. Ce qui lui permet de gérer avec une certaine rationalité le paiement de redevances municipales. Une première au Gabon.
Ville verte, municipalité dynamique et manque de moyens
Allant du rond-point Avorbam et passant par celui de Gigi, la colonne vertébrale routière de ce «Beverly Hills à la gabonaise» – l’expression est de Marc Ona, le leader de la société civile – montre bien l’attachement de la municipalité au développement d’une ville verte : le terreplein de cette longue allée à 2×2 voies est agrémenté de palmiers, plantés au début de l’année finissante.
En suivant la pancarte indiquant l’hôtel de ville d’Akanda, on roule dans une petite rue pavée pour découvrir une villa moderne abritant les services centraux de la municipalité. Si la rencontre de l’équipe municipale ou du maire central n’a pas été possible, les échanges avec un autre hiérarque des lieux, permettent de comprendre les motivations et surtout les objectifs d’un conseil municipal ayant des assises ponctuelles. Un conseil municipal où «l’opposition et la majorité travaillent en symbiose». L’une des dernières délibérations du conseil, adoptée à l’unanimité et soutenu par une campagne intensive, a poussé massivement les Akandais au stade de l’Amitié pour se faire vacciner contre le Covid-19.
Résolument ancrés dans la modernité, les élus municipalité d’Akanda ont des projets plein les cartons. Entre construire un hôtel de ville digne de ce nom pour sortir de la location, améliorer et moderniser le fichier d’état-civil, créer des parcs, des aires de jeu et des promenades, verdir davantage la ville, construire des écoles et lycées… il y a tant à faire. Mais cette bonne volonté se heurte à une dure réalité : l’absence de moyens conséquents. Si la concertation économique entre les agents économiques locaux et la municipalité est visiblement en amélioration, l’absence d’harmonie économique réelle entre l’Etat et les collectivités locales est à déplorer, la décentralisation restant une vue de l’esprit. La modicité des dotations de l’Etat et leur caractère erratique expliquent largement pourquoi les collectivités locales gabonaises sont littéralement impuissantes face aux vastes défis en présence. Pourtant actée par des textes législatifs et pourvue d’un ministère, la décentralisation au Gabon est dans l’impasse, limitant ainsi l’action des élus locaux.
Si on est encore loin du Beverly Hills fantasmé, «La ville dans le parc» avance tout en gardant son charme. Le rêve doit se matérialiser. Avis aux plus hautes autorités.