D’une certaine manière, les récentes déclarations de la présidente de la Cour constitutionnelle font écho à une exigence exprimée par l’opposition et les missions d’observation électorale de l’Union européenne et de l’Union africaine.
A moins de deux ans de l’échéance, la prochaine présidentielle hante les esprits. Acteurs politiques ou de la société civile, dirigeants d’institutions ou d’entreprises, tout le monde y pense. En atteste, la dernière entrevue entre le président de la République et la présidente de la Cour constitutionnelle. Au sortir de cette audience, Marie-Madeleine Mborantsuo s’est quelque peu épanchée sur les élections. «Souvent, les citoyens ainsi que les acteurs politiques attendent la dernière minute pour réfléchir à la question électorale», a-t-elle lancé, ajoutant : «Il y a suffisamment de temps pour que les uns et les autres puissent voir dans quelle mesure le processus électoral peut être amélioré.» De par son statut de magistrat, lui revient-il de le faire remarquer ? Est-ce de sa responsabilité d’initier ou suggérer des réformes en sens ? Est-ce de sa compétence d’en fixer le calendrier éventuel ? Ça peut se discuter.
Clarification des rôles
Dans l’immédiat, on prendra acte de sa déclaration. Pour conjurer les critiques entendues lors des précédentes présidentielles, il faut poursuivre un objectif simple : la transparence électorale. Autrement dit, il est effectivement urgent de remettre à plat un système électoral jugé trop favorable au pouvoir en place. En août 2016, la Mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE-UE) n’avait pas dit autre chose. Ouvrant des pistes de solutions, elle avait suggéré l’adoption d’un règlement intérieur de l’autorité électorale, précisant ses domaines de compétences, les modalités de prise des décisions et de mise en œuvre de celles-ci. Surtout, elle avait recommandé la révision du règlement de procédure de la Cour constitutionnelle, la mise en place de procédures de recomptage ou de confrontation des procès-verbaux, la clarification des modalités de traitement des mémoires en défense et l’établissement de règles pour les demandes reconventionnelles ou recours en révision des jugements. Au total, la MOE-UE avait recommandé une clarification des rôles de la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap) et de la Cour constitutionnelle dans le processus électoral.
Révélatrices des insuffisances et limites des réformes engagées suite au Dialogue national d’Angondjé, les récentes déclarations de Marie-Madeleine Mborantsuo font écho à cette exigence. D’une certaine manière, elles rejoignent une demande moult fois exprimée en pure perte. Depuis de trop longues années, l’opposition et la société civile n’ont de cesse de plaider pour une refonte de notre système électoral. Mais, désireuse de conserver le pouvoir, la majorité ne l’entend pas de cette oreille, se contenant de réformettes. Dans de nombreux cas, elle se satisfait de tours de passe-passe. Il en va ainsi de la transformation de la Cenap en CGE (Centre gabonais des élections). Comme l’avait relevé la Mission d’observation électorale de l’Union africaine (MOE-UA), en octobre 2018, «l’indépendance du CGE (…) est sujette à caution, dans la mesure où la préparation matérielle de ces mêmes élections relève toujours du ministère de l’Intérieur.»
Des recommandations restées lettre morte
Comme la MOE-UE deux ans plus tôt, la MOE-UA avait formulé des recommandations. Au gouvernement, elle avait conseillé de «veiller à ce que le ministère de l’Intérieur prenne les dispositions nécessaires pour garantir le bon déroulement des opérations électorales, en particulier en assurant la distribution du matériel électoral dans les délais raisonnables.» De même, elle avait invité l’exécutif à «considérer l’observation électorale comme une contribution à la crédibilisation du processus en vue de rassurer toutes les parties prenantes au processus électoral», lui recommandant d’«étudier la possibilité d’accréditer des observateurs nationaux.» Comme on pouvait le prédire, tout ceci resta lettre morte, le gouvernement ayant fait de la lutte contre la covid-19 l’essence de son action tandis que le CGE est tombé dans une proverbiale léthargie.
Pour sûr, la présidente de la Cour constitutionnelle avait de bonnes raisons de plaider pour une amélioration du système électoral. Au vu de l’expérience historique, nul ne saurait lui faire grief d’y réfléchir. Peut-elle, pour autant, désigner des responsables supposés ? Peut-elle feindre de ne pas saisir la différence entre majorité et opposition, au point de mettre toute la classe politique dans le même sac ? Ne lui en déplaise, les problèmes, solutions et entités concernées sont connus. Idem pour les responsabilités, déjà établies. Si une remise à plat s’avère nécessaire, elle doit être conduite par les institutions indiquées, sans calcul ni arrière-pensée politicienne. D’où l’urgence de donner suite aux rapports des différentes MOE. Parler de transparence électorale est une chose. La traduire en actes en est une autre.