Elue le 13 novembre, Paulette Missambo est déterminée pour l’alternance démocratique au Gabon. Pour sa première intervention officielle en tant que présent de l’Union nationale(UN), elle s’est entretenue avec les journalistes dans le cadre d’un club de la presse. Dans cet échange présenté ci-dessous par Gabonreview, elle est revenue sur la campagne, son élection et les grands chantiers de sa présidence.
Gabonreview : Vous êtes la première femme élue d’un parti politique par ailleurs engagé dans la conquête du pouvoir. Comment vous sentez-vous dans cette nouvelle posture ?
Paulette Missambo : Je suis fière de mon élection et heureuse de pouvoir être l’élue. Ce qui importe désormais, c’est ma capacité à mettre en œuvre le programme pour lequel j’ai été élue. Avec mon équipe, il n’y a pas de complexe, pas de discrimination homme/femme. Ce combat je l’ai mené des années durant. C’est la première fois qu’une femme est élue à la tête d’un parti, mais c’est surtout la première fois qu’un président de parti est élu. Et ce président est une présidente. C’est une première pour le Gabon, un signal fort pour l’ensemble des partis politiques. Et c’est de cette manière que nous allons faire avancer la démocratie dans notre pays. Je ferai en sorte que cet espace démocratique soit ouvert à tous les Gabonais qui le souhaitent.
Certains disaient en 2020 que vous étiez incapable de diriger le parti à cause de votre état de santé. Comment allez-vous ?
Moi je me porte bien. Mais vous savez, la maladie on ne l’achète pas. Chacun peut se retrouver malade au moment où il ne s’y attend pas. A ce moment-là, oui j’étais souffrante et en France pour mes contrôles médicaux et c’est normal. Ce qui n’est pas normal, c’est qu’on cache aux militants, lorsqu’on a des responsabilités, son état de santé. Je suis allée faire mon check-up, je l’ai dit au bureau national, c’est mon droit. Si certains en ont fait leur fonds de commerce pour faire croire que j’étais à l’article de la mort et incapable de diriger l’Union nationale (UN), c’est leur problème.
Comment appréciez-vous les primaires qui ont précédé le congrès ?
Nous avons ensemble décidé du principe de renouveler la direction de notre parti par l’élection. Le congrès de décembre 2020 avait constaté que la liste électorale n’était pas ouverte. J’ai demandé que cette situation soit revue, que les assemblées générales soient reprises au niveau des coordinations pour qu’elles désignent elles-mêmes leurs représentants. Ce qui a été fait. Le bureau du congrès a proposé deux listes concurrentes. Les primaires ne sont pas dans nos statuts. C’est une dérogation que le bureau a adopté. Chacun a mené campagne. C’est vrai qu’il y a des moments où elle est sortie du Code de bonne conduite que nous prêchons dans notre parti, je le regrette. Mais je ne reviens pas sur ces sorties de piste. Nous devons revenir aux valeurs fondamentales qui caractérisent notre parti : le respect de l’autre, le débat démocratique, la diversité d’opinion. J’ai remporté l’élection avec 10 voix d’avance. C’est celui qui a une voix de plus qui gagne, c’est la démocratie.
Si les primaires étaient à refaire, les referiez-vous ?
A l’UN, le débat a toujours été franc, quelques fois rude. C’est la démocratie. Ce qu’il faut espérer par la suite, c’est qu’il y ait un Code de bonne conduite. Nous devons rompre avec les habitudes héritées de la confiscation de la parole. Ce ne sera pas à moi de décider s’il n’y aura plus de primaires pour le renouvellement du bureau de notre parti, c’est le parti qui en décidera. Cette fois, il y a eu une élection. Autrefois, c’est le consensus qui avait prévalu. Le mode choisi n’est pas statutaire.
Vous vous êtes déplacé à travers le pays avec un état-major. Qui a financé votre campagne ?
Ce sont les militants et j’ai été très heureuse. Par exemple ce quartier général où nous sommes aujourd’hui, ce sont les militants qui ont décidé de le rechercher pour notre équipe. Chacun d’eux cotise chaque fin du mois pour que nous ayons un lieu de travail. Pendant la campagne, ça a été la même chose. Chacun a cotisé à la mesure de ses moyens. J’ai eu le plaisir de parcourir notre pays et les militants se sont mobilisés pour nous nourrir, nous loger, renflouer notre caisse.
Il se susurre que vous avez géré le retour de certains congressistes. Quid du financement du congrès ?
Nous avons une trésorerie générale qui a géré les dépenses et chaque liste avait son trésorier. Donc, ils l’ont fait ensemble. On a auparavant organisé deux congrès, des journées de réflexion, un conseil national, on n’a jamais mis sur la place publique des problèmes d’argent. Moi en tant que présidente de l’UN, je ne reviens pas sur des ragots. Le bureau du congrès va publier son rapport, il dira ce qu’il s’est passé et les différents trésoriers feront leur rapport. L’important c’est que nous avons bien accueilli les congressistes, ils sont rentrés chez eux. Nous déplorons simplement le décès de l’un d’entre eux parce qu’il était malade.
Des anecdotes de la campagne ?
Partout où je suis passée j’ai reçu un accueil chaleureux. J’ai relevé un symbole du nord au sud : les femmes m’offraient un panier. Ce panier qui symbolise la responsabilité, la femme gabonaise qui nourrit, reçoit les confidences de tout le monde, les garde, les analyse et en fait un moyen de rassemblement.
Vous héritez d’un parti en lambeaux, et il se dit que votre candidature a été poussive. Comment rétablir la sérénité ?
Nous venons d’administrer une leçon de démocratie et de responsabilité à tout le pays, je dirai même à toute l’Afrique. Donc ce n’est pas un parti en lambeaux. J’ai participé à la création de l’UN, j’ai occupé de hautes responsabilités. Tous les grands moments de l’UN, c’est moi qui les ai présidés. Tout le monde s’attendait naturellement à ce que je sois candidate. Quand les premières candidatures ont été déposées, j’étais à l’étranger. Et puisque ma candidature était attendue, quand je suis rentrée j’ai constaté que le congrès avait échoué et j’ai posé ma candidature. Une candidature poussive suggère que la personne n’est pas capable d’assumer charges liées à ce poste. Or, j’ai toujours été aux avant-postes du débat démocratique dans notre parti. Mes compagnons ont reconnu la place que j’ai toujours occupée dans ce parti, comme mes capacités et m’ont choisi pour que je sois candidate.
Il se dit que vous devez votre élection à des militants venus du département de Mouloundou dont vous êtes originaire, et qui ont voté par procuration.
Ce sont des mensonges. J’ai le tableau des procurations, de la concentration des résultats. Il indique que Lastourville a eu 11 procurations, essentiellement des personnes qui travaillent dans des chantiers forestiers. Il indique également que Lambaréné a eu 17 procurations. Donc Lastourville n’est pas la championne des procurations comme cela a été dit. Il y en a qui ont tenté de faire signer des procurations séance tenante, mais ce n’était pas des gens de ma liste. Pendant ce congrès, tous les militants ont été vigilants. C’est ça aussi la transparence. Quand le bureau du congrès publiera son rapport, vous retrouverez bien ces chiffres.
Pensez-vous que le poids et le souvenir de Casimir Oye Mba ont joué en faveur de votre élection ?
Je ne peux pas vous le dire. Ce qui est certain, c’est que M. Casimir Oyé Mba et Mme Marie-Agnès Koumba étaient membres de notre caravane de campagne avant l’élection. M. Casimir Oyé Mba était membre fondateur de notre parti, je pense que son départ a touché tout le monde. Personne dans les deux listes n’était indifférent au drame que nous avons subi. Au-delà, chaque militant a voté en conscience et en fonction des projets présentés. Il se trouve que c’est le mien qui a reçu la faveur des congressistes, je m’en réjoui.
Depuis la fin de l’élection avez-vous appelé votre adversaire ?
Notre parti est organisé. Nous avons des instances qui nous permettent de nous retrouver au sein du parti. M. Paul-Marie Gondjout a dit qu’il restait disponible pour le parti. Donc le moment venu, nous allons faire la passation des charges avec le président Myboto.
Au regard des résultats serrés, certains parlent d’une guerre de clans.
Il n’y a pas de guerre de clans. Chez nous c’est le débat démocratique. Au contraire, la diversité d’opinion fait la force de l’UN. La campagne a été rude et quelques fois heurtée mais après, la famille UN se trouve. Et autour de notre projet politique que nous avons adopté ensemble en décembre 2020, nous allons nous retrouver pour rassembler toutes les forces vives de la Nation. Notre point de vue ne diverge que sur le mode de gouvernance du parti.
Des élections générales pointent à l’horizon, votre parti accuse du retard sur le terrain. Comment comptez-vous rattrapez ce gap ?
Par la mobilisation de nos compatriotes. Nous avons eu comme slogan, « Rassembler pour reconstruire notre parti ». Donc, notre première mission va être de parachever l’implantation de notre parti dans tout le pays. Nous irons à la conquête des Gabonais, leur présenter notre projet pour l’alternance. Nous allons très prochainement lancer une campagne d’adhésion pour que les Gabonais nous rejoignent. Dès que j’ai annoncé ma candidature, j’ai eu des dizaines d’adhésions. Depuis que j’ai été élue, mon téléphone explose. Les Gabonais veulent adhérer à notre parti et je les y invite massivement.
Au-delà des clivages, l’UN est-elle prête à se rapprocher d’autres partis politiques ?
Oui, bien sûr. D’abord, parce que dans notre tradition nous avons toujours été à la rencontre des autres. Nous avons été quasiment à l’origine de tous les regroupements qu’il y a eu au niveau de l’opposition et des forces vives de la Nation. Nous allons poursuivre cette mission. C’est le rassemblement de toutes les forces vives qui fera en sorte que nous atteignions l’alternance. Je suis disposée à travailler avec tous ceux qui le souhaiten.
La présidentielle, y pensez-vous déjà ?
Pour le moment, l’objectif principal c’est de mettre notre parti en capacité de rassembler le plus grand nombre. Si nous avons des ambitions pour la présidentielle, il faut d’abord que nous préparions notre parti pour les élections générales : les locales, législatives et la présidentielle. Notre objectif est d’avoir un parti fort avec des élus. La présidentielle est portée par cette base. Si nous avons des élus partout, notre candidat à la présidentielle, si nous en avons un, sera porté par tout ce monde. Nous voulons d’abord renforcer le socle du parti.
Pensez-vous avoir des coudées franches pour battre une campagne conquérante sur ces trois fronts ?
C’est l’objectif que nous poursuivons. Par la mobilisation, par la conscientisation des Gabonais et nous les invitons à nous rejoindre. Les candidatures seront proposées par la base qui étudiera les modalités de la sélection. On n’est pas toujours obligé de recourir à des primaires. Les militants pourraient s’entendre pour proposer un candidat. S’il y a nécessité de passer par des primaires, le bureau national décidera parce que ce mode de désignation n’est pas statutaire.
Alexandre Barro Chambrier vient de vous faire un appel du pied. Etes-vous favorable à l’Alliance de l’opposition qu’il souhaite ?
Oui. Je suis tout à fait ouverte à l’Union des forces du changement. Mais avant, je veux d’abord renforcer ma chapelle. Chaque fois qu’il y aura un besoin, nous nous retrouverons pour travailler ensemble, nous l’avons toujours fait. Dans les collectivités locales, nous avons présenté une liste commune avec le RPM. Pour nous, il n’y a aucun problème. L’unité est toujours un moyen sûr pour atteindre un objectif commun.
Le siège actuel de l’UN est un bien de la famille Myboto, sera-t-il toujours le siège de l’UN ? Quels sont vos rapports avec Zacharie Myboto depuis votre élection ?
Le siège de l’UN qui est à l’ancienne Sobraga a été mis à la disposition de l’UN par M. Zacharie Myboto. Nous devons le remercier d’avoir fait ce sacrifice parce que ce bien aurait pu être loué ou vendu pour renflouer la bourse de sa famille. Pour l’avenir, nous verrons avec lui. C’est à lui de décider, c’est son bien. Nous en tant que militant, je vous l’ai dit en parlant du QG, nous avons pris l’habitude de cotiser pour payer notre loyer. Le moment venu, cette question sera discutée. Pour le moment, je ne n’ai pas rencontré le président Zacharie Myboto parce qu’il est souffrant.