La presse centrafricaine, dans sa très grande majorité, doute du fait que certains soldats gabonais se soient rendus coupables d’exploitation et d’abus sexuels. Des allégations qui ont conduit l’ONU à, avec une rare célérité, retirer le contingent gabonais de la Minusca alors que celui-ci est présent en RCA sans discontinuité depuis… 25 ans. Les ONG censées avoir pris en charge les cinq victimes auraient pu être trompées par des familles avides d’argent. Les enquêteurs auraient désormais du mal à recueillir leurs témoignages. Pour les journalistes centrafricains, l’affaire prend de plus en plus la tournure d’une « machination » et d’un « règlement de comptes ». Explications.
Les interrogations qui initialement ont entourées la décision de l’ONU, il y a deux semaines, de retirer précipitamment les troupes gabonaises de la Minusca en RCA (lire notre article), font désormais place à une forte suspicion.
Ces dernières jours, les médias centrafricains ont multiplié les révélations pour le moins troublantes. A commencer par celle-ci. Les enquêteurs gabonais, rapidement désignés le 19 septembre dernier (soit deux jours seulement après la communication de l’ONU) par le ministère gabonais de la Défense pour faire la lumière sur les allégations d’exploitation et d’abus sexuels dont se seraient rendus coupables certains membres du contingent gabonais de la Minusca sur cinq filles, ont eu le plus grand mal à recueillir le moindre témoignage que ce soit à Alindao ou à Mobaye, localités où ils se sont rendus les 20, 21 et 22 septembre dernier, renseignent les médias centrafricains.
Ayant souhaité rencontrer les présumées victimes, la délégation gabonaise « se serait heurtée à une fin de non-recevoir catégorique de la Minusca, de l’Unicef et des ONG qui auraient rapporté les faits à travers des enregistrements audios [qu’elles] détiennent et ne veulent pas communiquer », indique L’Expansion dans un article daté du 23 septembre 2021.
Le journal centrafricain, réputé pour sa rigueur et son professionnalisme, qui cite des sources locales à Alindao et à Mobaye, rapporte en outre que « toutes les personnes représentant l’administration, rencontrées par la délégation gabonaise, à savoir les représentants des ONG, l’administration judiciaire et médicale, disent avoir été informées par voie médiatique et déclarent tous n’avoir pas constaté ni entendu des plaignants au regard des allégations formulées ».
Les médias centrafricains soupçonnent en réalité une « manipulation » dont se seraient rendues complices, à leur insu probablement, certaines ONG sur place. Une hypothèse qui corrobore le point de vue majoritaire au sein de la classe politique centrafricaine qui voit dans le retrait aussi précipité qu’inattendu des troupes gabonaises, un possible règlement de compte motivé par les bonnes relations qu’entretient le Gabon avec la Russie, ainsi que la volonté récente du Gabon d’adhérer au Commonwealth, bouleversant ainsi les équilibres géopolitiques en Afrique centrale.