Le deuxième bureau (B2) – ou renseignements militaires – épluche depuis cinq semaines environ les déclarations douanières soumises à Sydonia, le système informatique de dédouanement des marchandises acquis par le Gabon début 2020. Deux opérateurs et un transitaire ont déjà été indexés et frappés d’amende. Les douaniers corrompus sont eux-mêmes dans l’angoisse et l’expectative. Il est question de récupérer l’argent ayant frauduleusement échappé au Trésor public.
Alors qu’Africa Intelligence annonce que les limiers de la Direction générale de la recherche (DGR, les renseignements de la gendarmerie gabonaise) mènent, depuis un peu plus d’un mois, une vaste enquête sur les fraudes douanières dans les ports gabonais, il se trouve, en réalité que cette enquête est menée par la Direction générale des Contre-ingérences et de la sécurité militaire, le fameux B2.
Si Mayumba figure également dans la liste des ports du Gabon, l’enquête ne concerne que les gares maritimes de Port-Gentil et de Libreville qui compte aussi les bureaux de douanes de l’aéroport et du Port-môle. On ne sait pas si les services de colis postaux, la zone de Nkok et le terminal intermodal dénommé port sec de Franceville, directement connecté au port d’Owendo, sont concernés par les investigations en cours.
L’opération vise, selon les informations d’Africa Intelligence, à «déterminer si les déclarations en douane sont fidèles au contenu des conteneurs et récupérer, le cas échéant, les sommes qui ont échappé au Trésor gabonais.» Des sources internes aux douanes indiquent qu’elle porte également «sur la sortie frauduleuse des containers et les manifestes non apurés». Sont essentiellement concernés, les logisticiens et les transitaires actifs dont les spécialistes du B2 passent au microscope «les déclarations soumises par tous ces acteurs dans le système informatisé de traitement des déclarations en douane Sydonia».
Sydonia World au révélateur
Lors de son déploiement, en janvier 2020, dans les principales portes douanières du Gabon, Sydonia World était présenté par les autorités gabonaises, dont le Premier ministre d’alors, comme un système performant et fiable. Le logiciel permettrait de sécuriser la chaine logistique des marchandises, l’envoi automatisé des manifestes jusqu’à leur enlèvement dans les ports et aéroports. Pourtant, Sydonia World serait loisiblement contournable par les acteurs et opérateurs douaniers, selon les témoignages et documents à preuve fournis à Gabonreview, en juin dernier, par bien de transitaires, de douaniers et d’importateurs mécontents (Lire «La ‘’Caverne d’Ali Baba’’ du DG Douanes ?» ). L’enquête du B2 devrait définitivement fixer les esprits.
Selon les prévisions au moment de son adoption par le Gabon, Sydonia World devait favoriser une amélioration des recettes douanières de l’ordre de 15 à 20%. Est-ce le cas aujourd’hui ? Pourquoi le ministère de l’Economie, tutelle des douanes gabonaises, a-t-il demandé cette enquête au B2 ? Menée tambour battant, l’enquête, selon le média d’information confidentielles, «a déjà donné des résultats : deux opérateurs et un transitaire ont d’ores et déjà été frappés d’une amende».
Interrogés à ce sujet, les opérateurs économiques eux-mêmes espèrent que cette opération ne permettra pas seulement d’épingler et mettre à l’amende ceux d’entre eux qui se livrent à des magouilles. Ils espèrent qu’un bon nombre de douaniers, hiérarchie comprise, sera dans la nasse, même s’il est bien connu que la douane n’est qu’un maillon dans la longue chaine logistique de l’import-export au Gabon. Ce qui renvoie à l’analyse éthique de la corruption réalisée par le philosophe Alain Etchegoyen et démontrant «qu’il n’y a pas de corrupteur quand il n’y a pas de corrompu.»