Véritable rocher de Sisyphe des gouvernants du pays, la route méritait absolument un focus à la faveur de la célébration de l’An 61 du Gabon dit indépendant. L’hebdomadaire Gabon Matin s’y est attelé, relevant notamment qu’à ce jour, le réseau routier du pays d’Ali Bongo est de 10348 km pour seulement 20% bitumés. Soit un peu plus de 2000 kms dans un pays où le kilomètre bitumé coût entre 1 et 3 milliards de francs CFA.
La commémoration de la fête de l’indépendance, le 17 août 1960, est l’occasion idoine pour dresser le bilan de l’évolution du pays dans les domaines les plus importants pouvant traduire son développement ou son recul. 61 ans après l’accession du Gabon à la souveraineté internationale, on note surtout que, tel le rocher de Sisyphe, la construction des infrastructures routières est, pour les gouvernants, un travail difficile, toujours recommencé et interminable.
Les chemins de l’enfer
A titre d’exemple, le tronçon Libreville-Kango, long d’environ 92 Km et normalement praticable en moins de 2 heures, reste le cauchemar des transporteurs. En mai dernier, du fait de son impraticabilité ayant bloqué le trafic routier entre l’Estuaire et l’arrière-pays, le bourbier du village Nsilé a provisoirement été réparé grâce à l’appui du Génie militaire. Mais les choses n’ont réellement pas été réglées, sur de nombreuses autres zones de ce tronçon les automobilistes et voyageurs sont toujours à la peine.
Dans le même esprit, il a fallu attendre la prolifération des images sur les réseaux sociaux démontrant que l’axe routier Ebel Abanga-Bifoun était devenu le «chemin de l’enfer» pour que des équipes spécialisées en travaux publics soient envoyées sur les lieux pour la réhabilitation de ce tronçon essentiel de la route nationale. Par endroits et ailleurs dans le pays, un notable recul a été enregistré avec certaines localités coupées, par moments, du reste du pays. Les cas de Mimongo dans la Nyanga, ou encore celui de Pana dans l’Ogooué-Lolo sont, entre autres, l’illustration du retard enregistré dans ce domaine depuis lors, et ce, malgré les projets pharaoniques annoncés et les montants engagés.
900 km de routes goudronnés en 49 ans
Il ressort notamment du dossier réalisé par notre confrère Gabon Matin qu’en réalité, depuis 1960, «la route n’a pas connu un véritable bond en avant» au Gabon. Au départ de l’administration coloniale, le pays ne disposait que de 4019 km de réseau routier dont 1656 km de routes nationales et 2363 km de voies régionales. Des chiffres tirés d’une étude de l’Institut de recherche en sciences humaines (IRSH) réalisée par Fred-Paulin Abessolo Mewono, consulté par l’hebdomadaire. Il reste que grâce au boom pétrolier des années 1970, les projets se sont multipliés. Entre 1980 et 1996, des plannings, à l’instar du Programme d’aménagement du réseau routier (PARR), du Programme triennal d’entretien routier (PTER) et du Fonds d’entretien routier (FER) ont été mis en place. Mais, résultat des courses : toujours pas d’évolution.
Gabon Matin se réfère à une tribune du Conseiller-chef de département Infrastructures et Transport du Président de la République, Jean-Pierre Boussougou, laissant entendre que de 1960 à 2009, seuls 900 km de routes ont été goudronnés. Avec l’arrivée d’Ali Bongo au pouvoir et la mise en place du Schéma directeur national d’infrastructures routières (SDNIR) contenu dans le Plan stratégique Gabon émergent (PSGE), 730 km de route se sont ajoutés à ce chiffre de 2009 à 2018.
Entre 1 et 3 milliards de francs CFA, l’un des kms de route bitumée les plus chers d’Afrique
À ce jour, le Gabon a près de 2038 km de routes bitumées. Soit 20% seulement des 10348 km existants. Les 80% restants sont en latérite, selon un rapport de la Direction générale des études et Infrastructures. Dans le même temps, le Gabon est, sur le continent, l’un des pays où le coût du kilomètre de route bitumée est le plus élevé. Il se chiffre entre 1 et 3 milliards de francs CFA, selon les experts des Travaux publics et du bâtiment (BTP) consultés par notre confrère, tandis qu’un km de route en latérite peut couter plus de 15 millions de francs CFA.
Lors de son récent passage sur l’émission «Face à Vous», le ministre des Travaux publics, Léon Armel Bounda Balonzi, déclinait quelques déterminismes de cette facturation. Au titre de ces causes, on note : l’importation du goudron (la Société gabonaise de raffinage – Sogara – ayant arrêté la production de bitume il y a une quinzaine d’années). Mais aussi le fait que les intrants sont produits par des carrières qui sont le plus souvent la propriété d’entreprises privées. La problématique de la corruption n’est pas en reste puisque de nombreux projets sont lancés et en fin de compte, ne sont pas réalisés.
La Transgabonaise : nouveau gouffre à sous ? éléphant blanc prochain ?
Récemment encore, à grand renfort de publicité et communication, le gouvernement a lancé la construction de la Transgabonaise : un nouvel axe logistique crucial entre Libreville et Franceville, fruit d’un partenariat public-privé. 780 km de routes sont à reconstruire dans le cadre de ce projet officiellement lancé par Premier ministre, Rose Christiane Ossouka Raponda, le 25 septembre 2020. Presqu’un an plus tard, les Gabonais se demandent où est ce chantier dont on ne voit les engins nulle part. Initialement annoncée pour mars 2022, la livraison en théorie du premier tronçon de cette nouvelle route économique aura finalement lieu en juillet de la même année. Chargée de sa réalisation, la Société autoroutière du Gabon (SAG) accusait des difficultés relatives au transport du matériel.
S’achemine-t-on vers un autre gouffre à sous, vers un éléphant blanc comme ceux recensés un peu partout dans le pays ? Rien n’est moins sûr lorsqu’on sait les affaires de corruption ayant souvent émaillé les projets, programmes et chantiers de ce secteur.