Si l’enquête menée par la plateforme Forbidden Stories, en collaboration avec le Security Lab d’Amnesty International, révèle qu’environ 50 000 numéros de téléphone ont été mis sur écoute par plusieurs gouvernements, y compris en Afrique, beaucoup s’inquiètent déjà de ce que les autorités gabonaises, parmi les mieux équipés du monde en matière d’espionnage, ne sont pas elles aussi clientes de ce logiciel espion distribué par l’entreprise israélienne NSO Group.
En termes d’espionnage, le Gabon est plutôt bien outillé. Une partie de l’opinion le considère d’ailleurs comme un des pays du continent le mieux informé, notamment grâce au Silam, son centre d’interception mis en place au début des années 80 avec l’aide de la France. D’aucuns pensent toutefois que l’évolution de la technologie a convaincu les autorités gabonaises de renforcer cet outil permettant d’effectuer des écoutes téléphoniques, d’intercepter des SMS ou des échanges de courriels. En cela, le logiciel Pegasus pourrait faire l’affaire.
Aussi, depuis la publication, dimanche 18 juillet 2021, des résultats de l’enquête menée par la plateforme Forbidden Stories, en collaboration avec le Security Lab d’Amnesty International, beaucoup se demandent si la présidence de la République ne fait pas partie, elle aussi, des clients de l’entreprise israélienne NSO Group. Relayée sur plusieurs médias à travers le monde ces derniers jours, cette enquête révèle en effet qu’environ 50 000 numéros de téléphone appartenant pour la plupart aux journalistes, activistes et aux opposants avaient été les cibles du puissant logiciel espion.
Si le concepteur de ce logiciel assure n’avoir vendu son produit qu’à 36 gouvernements dans le monde, VOA Afrique croit savoir qu’au moins 7 pays africains ont eu recours à cet outil. Il s’agit du Maroc, du Rwanda, du Togo, de la RDC, de l’Ouganda, de l’Algérie et de l’Égypte.
Si le Gabon ne figure pas dans cette short-list, on note néanmoins qu’en juillet 2020, parlant d’un conflit d’influence au sein du Silam, Africa intelligence indiquait que la présidence gabonaise avait sollicité quelques spécialistes britanniques et israéliens. Vous avez dit Britanniques et Israéliens? Comme par hasard, NSO Group est majoritairement contrôlé par la firme britannique Novalpina Capital et aucune vente du logiciel ne peut se faire sans l’onction du ministère israélien de la Défense. Cinq mois auparavant, en février 2020, The Africa Report affirmait que Jean-Charles Solon, l’actuel patron de l’antre des écoutes au Gabon, avait sous sa botte des subordonnés israéliens du fait que «depuis plusieurs années, les entreprises israéliennes dominent le marché de la surveillance en Afrique subsaharienne». Toutes choses (notamment la présence de «subordonnés israéliens» au Silam) qui laissent penser que le Gabon n’a pas pu rater la Rolls de l’espionnage téléphonique.
«Le programme malveillant infecte aussi bien les iPhone que les appareils Android, et permet aux opérateurs de siphonner, en sourdine, des localisations, des messages, des photos, voire des captations inopinées d’appels ou de visuels via l’activation secrète de microphones et de caméras», explique Jeune Afrique.
À ce jour, l’AFP dénombre parmi les cibles de Pegasus 180 hommes et femmes de presse, 600 politiciens, 85 militants des droits humains et 65 chefs d’entreprise. La liste remonte à 2016, année de l’élection présidentielle au Gabon.