Au Gabon, le foncier fait toujours couler autant d’encre et de salive. Alors que d’un lieu à un autre, l’accaparement des terres par des dignitaires ou des étrangers fait jaser, le ministre de l’Habitat assure que l’Etat ne vend pas des terres aux non gabonais. Une task force sur la réforme foncière devrait permettre de mieux réguler le secteur.
«D’ici 2023, l’Etat mettra à disposition des populations, aussi bien des logements sociaux que des parcelles constructibles, à des prix très abordables», a informé le ministre de l’Habitat et de l’urbanisme, Olivier Abel Nang Ekomiye, lors de son passage à l’émission « Face à vous ». Aux difficultés liées à l’obtention des titres fonciers, s’imbriquent très souvent des litiges fonciers. Si la zone de Malibé dans la commune d’Akanda en est un exemple assez évocateur, les populations souvent lésées et l’opinion pointent du doigt une sorte d’impuissance de l’Etat face à la résolution de ces conflits fonciers. Or, selon la loi sur les Domaines de 1963 qui régit le secteur jusqu’à présent, «la terre appartient à l’Etat».
«L’Etat ne peut pas vendre à un étranger»
Selon Olivier Abel Nang Ekomiye, l’attribution des terres dans le pays à l’instar d’autre du monde, obéit à des critères d’éligibilité. Le ministre affirme que l’Etat ne vend pas des terres à des coûts exorbitant. «Ce sont les particuliers qui spéculent», a-t-il déclaré. «On est dans une économie libre, les gens ont le droit de vendre leurs biens aux prix qu’ils veulent», a-t-il évoqué. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir ici et là, des terrains à vendre à des coûts allant jusqu’à 100 millions de francs CFA et au-delà. Ces parcelles chères et souvent très prisées, sont dans plusieurs cas, acquises par des « dignitaires », mais surtout, par des étrangers souvent opérateurs économiques qui disposent de pouvoirs d’achat conséquents.
Ces transactions soulèvent quelques inquiétudes, d’aucuns estimant qu’elles portent atteinte aux droits fonciers des nationaux autant qu’elles compromettent leur sécurité. «C’est une tendance inquiétante», regrettait récemment Donald dont le père compte vendre une bonne partie du terrain familial à des syro-libanais. Considérant que ces acquisitions étrangères entravent les efforts faits par des familles modestes pour laisser des terres en héritage à leurs progénitures, il estime que le gouvernement doit d’avantage réguler le secteur d’autant plus que dans d’autres cas, des étrangers se prévalent d’avoir obtenu des terrains selon la démarche légale. «Un non gabonais peut acquérir un terrain d’un autre gabonais, par contre l’Etat ne peut pas vendre à un étranger», a soutenu le ministre de l’Habitat sans doute, pour couper court.
«Le droit coutumier de propriété n’existe pas»
Selon Abel Nang Ekomiye, dans le cadre du Plan d’accélération de la transformation (PAT), une task force sur la réforme foncière est prévue et devrait permettre d’élaborer un Code de l’urbanisme autour duquel, s’articuleront d’autres textes qui délimiteront les droits et les obligations de chacun dans le domaine. «Cette task force permettra de résoudre une bonne partie des litiges qui minent le foncier», a promis le ministre. «Si vous achetez la terre à quelqu’un d’autre, vous ne l’avez pas acheté au bon propriétaire», a souligné le ministre selon qui, l’État a le droit de céder des terres pour la réalisation de projets jugés d’utilité publique.
Plusieurs habitants de Libreville notamment, se sont pour ainsi dire, déjà vus chassés de leurs terres soit par de nouveaux propriétaires fonciers à qui l’État a cédé le titre foncier, soit par l’Etat. S’il est vrai que dans le cas des projets d’utilité publique les populations sont indemnisées pour rendre moins pénible leur déguerpissement, la démarche se heurte souvent à des risques de conflits, plusieurs populations revendiquant des terres ancestrales sur la base du droit coutumier. Mais Abel Nang Ekomiye affirme qu’il n’en n’est rien. «Tout ce qui est droit coutumier de propriété n’existe pas. Ils ont été spécifiquement exclus par la loi gabonaise», a-t-il soutenu.