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Amnistie fiscale : Indécence et pratiques douteuses
Publié le lundi 12 juillet 2021  |  Gabon Review
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© Gabon Review par DR
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Volonté de recycler l’argent sale, concessions à la tête du client, bénéficiaire à l’abri de toute poursuite judiciaire… La «loi instituant des mesures spécifiques incitatives pour le rapatriement des capitaux» offre un large spectre de possibilités caractéristiques du blanchiment d’argent.

Contraire à la morale, le principe choque. Aux confins de l’indécence, il détonne : à l’initiative du gouvernement, les «personnes physiques ou morales (ayant) commis des faits constitutifs de violation des textes régissant l’acquisition, le transfert, la conservation ou le placement (…) de ressources» pourront contribuer à «l’investissement national.» La «loi instituant des mesures spécifiques incitatives pour le rapatriement des capitaux» constitue un tournant dans la gouvernance financière. Même aux heures les plus sombres du parti unique, jamais le pouvoir politique n’a autant laissé l’impression de cautionner le blanchiment d’argent. Jamais, il n’a eu l’outrecuidance d’exprimer publiquement sa volonté de recycler l’argent sale. Cette réticence ne relevait ni de la lâcheté ni d’un déficit d’idée. Elle procédait d’un désir de sauvegarder l’image du pays et d’en garantir la crédibilité auprès des partenaires techniques et financiers.

Pratiques douteuses

Susceptible de ruiner la confiance, le mode opératoire consacre le règne de l’arbitraire : suite à un «accord transactionnel», des «avantages fiscaux» seront octroyés. Autrement dit, les «avoirs, capitaux et devises (…) dont l’origine de l’enrichissement est le Gabon» seront «amnistiés fiscalement» moyennant un «prélèvement libératoire (…) inférieur (ou égal) à 40% des sommes rapatriés.» Anticipant sur une contestation à naître, l’administration engagera des négociations avec des personnalités ou entités off-shore soupçonnées d’enrichissement illicite. Bien entendu, elle fera des concessions à la tête du client. Le contrat ainsi signé sera frappé de l’autorité de la chose jugée, mettant le bénéficiaire à l’abri de toute poursuite judiciaire. Comme si le Gabon avait vocation à protéger les délinquants en col blanc. Comme si son développement pouvait se faire en mélangeant les flux noirs issus des détournements de deniers publics aux flots gris générés par l’optimisation fiscale.

Dans son exposé des motifs, la ministre de l’Économie souligne sa volonté d’accroître les «opérations d’investissement sur le territoire national.» Mais son initiative met en lumière la propension de l’exécutif à s’accommoder de pratiques douteuses. Par son contenu relativement vague, cette loi offre une multitude de possibilités caractéristiques du blanchiment d’argent, donnant du Gabon l’image d’une lessiveuse. Pêle-mêle, elle permet : le schtroumpfage, c’est-à-dire l’ouverture d’une multitude de petits comptes afin d’éviter le seuil de déclaration ; la complicité bancaire, c’est-à-dire l’engagement des banques à s’affranchir de leurs principes ; l’achat de biens au comptant, c’est-à-dire le paiement en numéraire pour l’acquisition d’objets de grande valeur ; l’usage des cartes de crédit, notamment les prépayées ; l’altération des valeurs, c’est-à-dire l’achat de biens en deçà ou au-dessus des prix réels. Surtout, ce texte facilite le rapatriement d’argent jadis transféré à l’étranger selon des modalités non élucidées.

Le règne du soupçon

Pourtant, c’est une vérité de La Palice : l’argent obtenu en «violation des textes régissant l’acquisition, le transfert, la conservation ou le placement» est forcément domicilié dans des pays peu vertueux ou peu respectueux des normes internationales. En autorisant son rapatriement, le Gabon consent à le blanchir, à l’insérer dans le circuit régulier. Dans le même temps, il prend le risque de s’aliéner la sympathie de certains partenaires, notamment les membres du Groupe d’action financière (Gafi). Certes, cette loi ne s’applique pas aux «fonds provenant d’activités liées au terrorisme, au trafic de drogues et au trafic d’êtres humains.» Mais en absence d’un mécanisme visant à garantir la traçabilité, ce sera le règne du soupçon. Certes, les «agents habilités de la direction générale des Impôts», les «officiers et agents de police judiciaire» disposent «des pouvoirs d’investigation les plus étendus», y compris celui d’exiger la levée du secret bancaire. Mais en vertu du principe de territorialité, aucune banque étrangère ne sera tenue de leur obéir.

La confiance reste à construire. Et la pertinence de cette loi à démontrer. A ce jour, la Convention de Mérida reste le seul instrument juridique international capable de faciliter «la coopération (internationale) (…) en vue de lutter contre le blanchiment d’argent.» En application de ses dispositions, des institutions nationales ont été créées, notamment la Commission nationale de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite (CNLCCEI) et l’Agence nationale d’investigation financière (Anif). Mais ni l’une ni l’autre n’ont été prises en compte dans le montage institutionnel censé favoriser le «rapatriement des capitaux sur le territoire national.» Il en va de même pour l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol), royalement ignorée. Sauf s’il nourrit d’inavouables desseins, le gouvernement ferait mieux de réfléchir aux moyens de combler ces lacunes.
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