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Gestion du conflit homme-faune à Mékambo : Conservation et loi de la nature
Publié le mardi 1 juin 2021  |  Gabon Review
Écogardes
© Gabon Review par DR
Écogardes du Gabon en exercice
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En confiant la gestion de la crise actuelle aux ministres de la Défense et de l’Intérieur, le gouvernement a déplacé le débat sur le terrain sécuritaire. Or, en mettant en place des brigades mixtes, il a accordé aux écogardes des prérogatives reconnues aux gendarmes et policiers. Et tant pis si leur statut juridique fait débat !

Pour faire appliquer la loi, il faut être en règle avec celle-ci. Pour accomplir des missions de police, il faut en avoir compétence et qualité. Depuis 2015, les interpellations et charges de gendarmes contre les fonctionnaires des Eaux et forêts soulèvent des questions sur leur statut. Depuis un peu plus d’une année, les plaintes des écogardes en rajoutent aux incertitudes. A coups de grèves, ces personnels de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) disent évoluer dans une insécurité juridique. Mais, pour leur grand malheur, leurs jérémiades ne contribuent nullement à faire bouger les lignes, le gouvernement ayant opté pour l’enfermement, l’autocélébration et la menace.

Dindons de la farce

Face à la tournure prise par le conflit homme/éléphant dans la région de Mekambo, le gouvernement va-t-il poursuivre sur cette lancée ? Va-t-il continuer à se faire le défenseur d’une écologie au bénéfice exclusif de la faune ? Va-t-il brandir la loi sans faire cas des droits des populations ? Va-t-il continuer à s’appuyer sur des personnels sans statut juridique ? On peut le craindre. On peut même se demander si les écogardes ne sont pas les dindons de la farce. Sur leur champ d’intervention et les protections y attachées, on ne peut ne pas se poser des questions. De même, on ne peut ne pas s’interroger sur la validité des procédures initiées par leurs soins. S’étant fait à cette idée, le président de l’Union nationale des forgerons (Unaf) n’a pas manqué d’exprimer ses réserves : «On s’interroge sur le périmètre réel de compétences des écogardes», a-t-il lancé.

Derrière cette interrogation faussement naïve, se pose la question de la crédibilité de la chaîne de commandement. Les écogardes sont-ils des auxiliaires ou des officiers de police judiciaire ? Ont-ils compétence générale ou spéciale ? Exercent-ils des missions de surveillance et de sensibilisation ? Sont-ils habilités à rechercher et constater les infractions ? Peuvent-ils conduire des transactions ou saisir les autorités judiciaires ? Sont-ils autorisés à agir en dehors des parcs nationaux ? Dans quelles conditions et sous l’autorité de qui ? Du procureur de la République ? Quelle est leur responsabilité en cas de préjudice infligé à autrui ? Quel régime de sanction leur est applicable ? Quelle assistance pour leurs ayants-droit en cas de décès en mission ?

Insécurité juridique

Mille fois évoquées, ces questions n’ont jamais fait l’objet d’un traitement sérieux. Usant de la novlangue en vigueur dans les fora internationaux, le gouvernement se plaît à présenter la conservation de la nature comme un impératif de premier ordre. Sous le regard approbateur de la coopération internationale, il s’est lancé dans une sorte de course à l’échalote, formulant des propositions toujours plus contraignantes pour les populations. Pis, en confiant la gestion de la crise actuelle aux ministres de la Défense et de l’Intérieur, en lieu et place de leurs collègues des Forêts et de l’Agriculture, il a déplacé le débat sur le terrain sécuritaire. Or, en mettant en place des brigades mixtes, il a accordé aux écogardes des prérogatives reconnues aux gendarmes et policiers. Et tant pis si eux-mêmes crient leur mal-être depuis de longs mois ! Tant pis si leur statut juridique fait débat ! Tant pis si cela crée une insécurité juridique pouvant conduire à la nullité des procédures !

Conformément à son engagement pour un ‘’Gabon vert’’, le gouvernement peut avoir de bonnes raisons d’agir avec fermeté : les ayatollahs de l’écologie lui en sauraient gré. Mais, entre les plaintes des populations et l’absence de statut des écogardes, sa stratégie paraît bien risquée : les chantres du développement durable auraient peine à le suivre. Peut-on faire régner la loi quand on s’affranchit soi-même de celle-ci ? Peut-on prétendre instaurer l’ordre en agissant sans couverture juridique ou en ayant recours à un corps sans existence légale ? N’est-ce pas contraire à l’ordre de la loi ? Est-ce une manière de soustraire l’Etat de toute responsabilité ? Ou plutôt un moyen détourné d’engager la responsabilité pénale individuelle des écogardes ? Au risque de consacrer la loi de la nature, la conservation ne saurait obéir à la loi du plus fort.
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