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Sommet sur le financement des économies africaines : Une fausse-bonne idée
Publié le mardi 18 mai 2021  |  Gabon Review
Conférence
© AFP par LUDOVIC MARIN
Conférence de presse du Président Français Emmanuel Macron à la résidence de l`ambassadeur de France en marge du 5ème sommet UA-UE
Mercredi 29 novembre 2017. Conférence de presse à la résidence de l`ambassadeur de France en marge du 5ème sommet Union africaine - Union européenne (UA-UE) à Abidjan
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La proposition du président français doit être mise en perspective. Précarisées par des mesures coupées du réel, les peuples africains en appellent à des réformes structurelles.

Emmanuel Macron, sauveur de l’Afrique ? Le président français le pense. En toute bonne foi, ses services l’affirment. Mais, on connaît l’homme : banquier de profession, il se soumet volontiers aux exigences du marché. Quand il se fait le héraut d’un ‘’New Deal’’, le chantre d’une annulation partielle de la dette ou de l’injection de liquidités dans les économies africaines, sa proposition doit être mise en perspective. Elle doit être confrontée aux aspirations des peuples. Censé se tenir aujourd’hui et demain, le «Sommet sur le financement des économies africaines» ne doit pas échapper à cette règle. Autrement, il y a risque d’encourager une fausse-bonne idée.

Suivisme de dirigeants enclins à reproduire des recettes importées

Appelée à réunir des dirigeants africains, de hauts responsables européens et des représentants d’organisations internationales, la rencontre de Paris doit accoucher d’un plan d’atténuation du «choc économique» consécutif à la crise sanitaire. D’apparence généreuse, cette ambition ne saurait occulter la réalité : contrairement aux prévisions, l’Afrique n’a pas été secouée par le coronavirus. S’il y a effectivement circulé, ce virus y a fait 130. 000 victimes, un bilan humain nullement comparable à ceux des Etats-Unis, de la France ou du Royaume-Uni. En réalité, le continent a davantage souffert du suivisme de dirigeants enclins à reproduire des recettes importées. Partout, ces restrictions ont entraîné un effondrement du système éducatif, une faillite de l’économie populaire, une paralysie du système de protection sociale, des pertes d’emplois et un recul de la démocratie.

Reprenant la doxa dominante, d’aucuns ergoteront sur le principe de précaution. Ils présenteront ce ‘’New Deal’’ comme une chance. Mais, l’émission de Droits et tirages spéciaux (DTS) ne constituera jamais une mesure de lutte contre la pauvreté. Elle ne permettra pas non plus de conjurer cet «afflux (…) de migrants (aux) portes (de l’Europe)», tant redouté par Dominique Strauss-Kahn. Quant au moratoire sur la dette, il ne règlera rien, le remboursement devant être suspendu et pas annulé. Or, depuis près de vingt ans, la Conférence des Nations-unies sur le commerce et le développement (Cnuced) n’a de cesse de l’affirmer : Si «le surendettement de l’Afrique est (…) l’héritage de gouvernements (…) irresponsables et corrompus, [il est aussi la conséquence] des programmes de réforme mal conçus et (de) l’attitude des créanciers.»

Mise en place des conditions d’une croissance inclusive

Pour régler un problème, il faut en déceler les causes. Pour éloigner les risques d’illiquidité, il faut s’attaquer à la gouvernance. Pour traiter de la question de la dette, il faut se pencher sur la gouvernance. Or, déclinant son «Plan pour l’Afrique», en avril 2020, Emmanuel Macron avait assimilé la situation de l’Afrique à celle de l’Europe. Jouant les Cassandre, il recommandait la mise en œuvre du «confinement», la «diffusion (…) du traitement et du vaccin» et l’«accès aux soins primaires, à l’alimentation et à la survie». Il s’était aussi prononcé pour l’émission de «bonds de tirage spéciaux» pour un montant de 500 milliards d’euros, appelant à un «moratoire qui touche les membres du club de Paris, mais aussi la Chine, la Russie, l’ensemble des économies du Golfe, et les grands bailleurs multilatéraux». Une année plus loin, son analyse est ruinée par les faits. Sauf à poursuivre des desseins inavoués, il ne peut la maintenir. A moins de jouer les charlatans, il ne peut défendre le même protocole. Encore moins prescrire la même ordonnance.

Pour l’heure, les populations africaines veulent retrouver la vie normale. Paupérisées par les restrictions de toutes sortes, elles ont hâte de produire de nouveau. Précarisées par des mesures coupées du réel, elles aspirent à une meilleure redistribution des richesses. Autrement dit, elles en appellent à la mise en place des conditions d’une croissance inclusive. Cela suppose des réformes structurelles visant le système éducatif, le climat des investissements, le marché du travail et la protection sociale. Est-ce envisageable quand la politique politicienne l’emporte sur le droit ? Est-ce possible quand la corruption endémique tutoie le sectarisme partisan ? Ou quand les dirigeants ne se sentent responsables de rien ? Même en faisant confiance à la magie des DTS, personne ne peut le prétendre. Durant la présentation de l’«American Rescue Plan», Joe Biden n’avait nullement négligé la gouvernance politique : «Nous devons prouver que la démocratie fonctionne toujours. Que notre gouvernement fonctionne toujours et qu’il peut servir le peuple», avait-il lancé. Accusés d’atteintes à l’Etat de droit, la Pologne et la Hongrie furent mis en garde avant l’adoption du «Plan de relance européen». Pourquoi en irait-il autrement pour l’Afrique ? Au nom d’un relativisme culturel confinant à l’infantilisation ? Pour lui-même, pour son pays et pour les peuples africains, Emmanuel Macron ferait mieux d’y réfléchir.
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