La chaîne publique française France 24 a diffusé vendredi 23 avril un reportage sur une proposition de loi du Sénat. Avec quelques erreurs et un parti-pris discutable.
Dans son reportage diffusé sur la version anglaise de France 24, une proposition de loi du Sénat, actuellement en cours de discussion, est présentée comme ayant été définitivement adoptée. Ce qui n’a pas manqué de faire réagir le porte-parole de la Présidence gabonaise sur Twitter.
« France 24, merci de noter que la proposition de loi du Sénat citée dans votre sujet n’est pas adoptée. Donc le terme « officiellement » n’a pas lieu d’être », cingle Jessye Ella Ekogha.
Pour être adoptée, une proposition de loi du Sénat au Gabon doit en effet être votée dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale qui a le dernier mot. Ce qui est loin, en l’espèce, d’être acquis. Qui plus est, le texte en question doit, au final, pour être appliqué, être promulgué par le Président de la République, Ali Bongo Ondimba, connu pour être un fervent promoteur du droit des femmes. Il n’est qu’à voir la présence des femmes en politique aujourd’hui au Gabon pour s’en convaincre.
Mais ça n’est pas tout. « Je vous invite à regarder tout ce qui se fait autour de Gabon Égalité (programme ambitieux mis en œuvre au Gabon pour assurer l’égalité entre les hommes et les femmes, NDLR) », ajoute le porte-parole de la Présidence, connu pour son aisance dans le maniement des réseaux sociaux.
Il faut dire que le reportage de France 24 est pour le moins partial. Alors que le Gabon est considéré en Afrique subsaharienne comme l’un des trois pays (avec l’Ethiopie et le Rwanda) où les droits des femmes ont le plus progressé durant la dernière décennie, qu’il vient d’adopter trois projets de loi (début mars) visant à garantir à un niveau inédit l’égalité entre les hommes et les femmes et que le pays vient de célébrer en grande pompe le 17 avril dernier la Journée de la femme gabonaise, une initiative inédite en Afrique, France 24 choisit de mettre l’accent sur… une proposition de loi du Sénat, à contre-courant des efforts faits par l’Exécutif.
« Il y a dans les médias occidentaux une volonté de ne parler que des choses négatives, des trains qui n’arrivent pas à l’heure comme on dit dans le jargon journalistique », explique un politologue français, spécialiste de l’Afrique. « En outre, le Gabon, pour des raisons largement idéologiques, est encore aujourd’hui, malgré des évolutions récentes, perçu dans les médias français de manière négative. Du coup, lui consacrer un reportage positif est pour beaucoup inconcevable », explique l’universitaire, pointant du doigt « une dérive idéologique plus générale dans la majeure partie du service public de l’audiovisuel français. »
Il faut dire que France 24 est un habitué du genre. Au Gabon, sa couverture très partisane et biaisée de la présidentielle de 2016, à la limite de la déontologie journalistique, est encore dans les mémoires. « A ce moment-là, on avait plus affaire à des journalistes mais à des militants dont la mission n’était plus d’informer mais de s’opposer », se souvient un ancien porte-parole du gouvernement.
Reste que ce travers, largement français, qui épargne fort heureusement les médias d’autres nationalités, n’est pas une fatalité. TF1, la chaine la plus regardée dans l’Hexagone, consacre actuellement une série de reportages – remarquables – sur la manière dont le Gabon défend l’environnement et protège la biodiversité (voir ici et ici). Un regard positif qui change des vieilles lunes habituelles. France 24 devrait s’en inspirer.