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Couverture controversée de la réforme du Code civil au Gabon : manque de professionnalisme ou malveillance de la part de RFI ?
Publié le dimanche 28 mars 2021  |  LaLibreville.com
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© Autre presse par DR
Medias : Records d’audience au Gabon pour RFI et France 24
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Autrefois très respectée, la radio RFI est de plus en plus brocardée au Gabon, comme ailleurs en Afrique, pour sa couverture biaisée de l’actualité comme pour ses « approximations ». Une nouvelle illustration en a été donnée cette semaine dans un reportage consacré à la réforme du Code civil destinée à garantir une meilleure égalité entre les femmes et les hommes au Gabon.

« Le projet de loi adopté par le gouvernement gabonais mardi permet plus d’égalité entre l’homme et la femme, contrairement à l’actuel Code civil », indique le correspondant de RFI, Yves Laurent Goma dans un reportage diffusé mercredi 24 mars sur les ondes.

Si tout le monde s’accorde sur le principe, le détail donné de cette réforme est en revanche bien peu conforme à la réalité.

« Dans un couple, le mari devra partager le rôle de chef de famille. Et les époux pourront choisir ensemble la résidence familiale », indique le reporter qui ajoute : « Concernant le divorce, désormais, les fautes commises par l’homme peuvent aussi justifier la séparation. C’est le cas, par exemple, de l’adultère. Actuellement, le divorce est prononcé seulement lorsque l’adultère a été commis par la femme. Le nouveau texte introduit, par ailleurs, le concept du divorce par consentement mutuel. Et la femme n’est plus obligée, en cas de voyage avec ses enfants, de demander une autorisation à son époux. »

Et de compléter : « Le mari gagne tout de même quelques galons. En cas de décès de son épouse, sa part de l’héritage lui revient directement. Les hommes battus par leurs femmes peuvent également obtenir le divorce. »

Des explications qui, le moins que l’on puisse dire sont truffées d’approximations, comme l’indique un éminent juriste gabonais, grand spécialiste du sujet.

« Il convient tout d’abord de préciser que la modification du Code civil vise essentiellement à supprimer du Code civil l’ensemble des dispositions de nature discriminatoire envers les femmes. Par conséquent, il est effectivement envisagé de supprimer du Code civil le statut de chef de famille et le devoir d’obéissance de l’épouse qui en est le corolaire, pour introduire dans le Code civil une gestion conjointe de la famille par les époux, dans l’intérêt du ménage et des enfants, avec notamment le choix conjoint de la résidence familiale, et ce afin de garantir une véritable égalité entre les femmes et les hommes au sein du foyer », commence par rappeler l’homme de droit.

Il en vient ensuite au sujet. « Concernant le divorce, il n’est pas exact d’indiquer que la modification envisagée du Code civil introduit la possibilité d’un divorce pour les fautes commises par le mari : le Code civil actuel prévoit déjà le divorce pour faute, de la part du mari comme de la femme, dans certains cas précis et comprenant notamment l’adultère. En matière de divorce pour adultère, la modification envisagée ne ferait que préciser la définition juridique de l’adultère afin de s’assurer que les tribunaux saisis d’un cas de divorce pour adultère appliquent les mêmes critères à un homme ou à une femme. La vrai réforme envisagée en matière de divorce est l’introduction du divorce par consentement mutuel, permettant aux couples souhaitant divorcer de le faire sans avoir à établir de faute, tout en demeurant encadré par une procédure judiciaire assurant la protection des intérêts de chacun des époux et de leurs enfants », explique de manière limpide notre juriste. Or, étrangement, RFI dans son reportage ne s’appesantit pas sur le divorce par consentement mutuel qui est pourtant l’une des grandes innovations de la réforme.

Autre erreur de RFI ponté du doigt par ce spécialiste : « la référence dans le reportage à l’exigence pour la femme de demander l’autorisation du mari pour voyager avec ses enfants n’est pas exacte et ne s’appuie sur aucun fondement légal ou règlementaire actuel en droit gabonais. »
Ironie douteuse
« Enfin », rappelle-t-il, « affirmer que ‘le mari gagne quelques galons’ au motif que la modification du Code civil envisagée lui permettrait de récupérer la part d’héritage de son conjoint directement est inexacte ». En effet, vérifications faites, même si des discussions ont pu avoir lieu, le projet de loi modifiant le Code civil tel qu’approuvé en Conseil des ministres, ne prévoit pas d’augmenter la quotité successorale revenant au conjoint survivant, homme ou femme.
De même, peut-on faire observer, il est étrange de présenter comme un « avantage » pour le mari le fait que la modification du Code civil prévoit que les violences domestiques soient un cas de divorce, quand ce sont les femmes qui sont en grande majorité victimes des violences domestiques. A se demander si le correspondant de RFI n’a pas, en l’espèce, entendu faire un trait d’ironie plus que douteux ou tourner en dérision de façon très hasardeuse la réforme dont les avancées sont pourtant largement saluées, y compris par l’ONU femmes.

Vif débat sur les réseaux sociaux

S’agit-il d’un manque de professionnalisme de la part de RFI ou bien est-ce intentionnel, ce qui caractériserait ni plus ni moins un acte de malveillance ? Sur les réseaux sociaux au Gabon, le débat est vif à ce sujet.

Autrefois en situation de quasi-monopole et peu contestée, RFI subit aujourd’hui la concurrence d’autres médias, occidentaux mais également issus des pays émergents qui offrent une couverture alternative et moins subjective de l’actualité du pays.

Régulièrement, la radio est pointée du doigt pour sa couverture partiale ou approximative (comme en l’espèce) de l’actualité gabonaise (lire notre article). Pour certains, cela relèverait d’un manque de professionnalisme ; pour d’autres, ce serait davantage intentionnel.

La conséquence est la même : la dégradation régulière de la qualité de la couverture journalistique. Il y a près de deux ans le correspondant de RFI dans le pays, Yves-Laurent Goma, avait même vu sa carte de presse suspendue temporairement pour diffusion de fake news (lire notre article).

Selon les spécialistes, RFI est victime d’une dérive générale dans les médias français où l’information cède de plus en plus le pas à l’opinion (lire cette analyse). « En Afrique, les journalistes des médias occidentaux ont une vision manichéenne : romantique de l’opposition et démoniaque du pouvoir », résume avec un sens consommé de la formule ce journaliste d’un grand quotidien gabonais. « Une approche idéologique, qui, fait du pouvoir un adversaire par nature mais qui », ajoute-t-il aussitôt, « ne résiste pas à la réalité ».
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