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Réforme constitutionnelle : Vers une société d’Ancien régime
Publié le lundi 28 decembre 2020  |  Gabon Review
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© Autre presse par DR
Liste de tous les députés proclamés élus par la Cour constitutionnelle
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Depuis un peu plus de deux ans, le Gabon connait un flottement institutionnel sans précédent. A travers la très controversée décision n° 219/CC du 14 novembre 2018, une notion peu courante dans la littérature juridique fit son apparition : l’indisponibilité temporaire. Dès lors, tous les bricolages juridico-institutionnels et toutes les mise en scène politiciennes devenaient possibles. A la faveur de la révision en cours, le gouvernement s’est employé à mettre fin au semblant d’État de droit tout en abolissant la République. En invitant la Cour constitutionnelle à se mêler de la gestion quotidienne de la cité, il lui a donné des prérogatives reconnues aux politiques. En adoptant des protections diverses et variées, il a rompu le principe d’égalité des citoyens devant la loi. Comme si le Gabon avait vocation à devenir une république des juges. Comme si le peuple gabonais était prédisposé à vivre sous une société d’Ancien régime.

Dangereux glissements

S’étant évertué à renforcer les pouvoirs du président de la République, le régime entend construire des féodalités. Ayant œuvré au bouleversement des pouvoirs constitués, il cherche à légaliser les inégalités sociales. N’en déplaise aux zélateurs de tout poil, la révision constitutionnelle induit un changement des plus rétrogrades : la création d’une caste de privilégiés, décideurs de tout mais responsables de rien. Pour ainsi dire, cette réforme va à contre-courant de la promesse républicaine. Pourquoi le président de la République et les parlementaires doivent-ils jouir d’une immunité à vie ? N’est-ce pas une façon d’en faire des citoyens au-dessus des lois ? N’est-ce pas une manière de leur donner droit de vie et de mort sur leurs semblables ? Pourquoi le président de la République doit-il avoir le pouvoir de nommer des sénateurs ? La souveraineté nationale lui appartient-elle désormais ?

En portant de telles idées, le régime a opté pour une société féodale. Le président de la République pourra-t-il nommer des sénateurs, c’est-à-dire des ’’élus’’ nationaux censés assurer la représentation des collectivités locales ? Il offrira plutôt une immunité totale à des citoyens choisis par ses soins. Dans le même temps, il bousculera les équilibres politiques nés du suffrage universel. C’est dire s’il se placera désormais en concurrent du peuple souverain. C’est aussi dire s’il disposera du pouvoir de hiérarchiser les citoyens, au risque de consacrer l’impunité pour une certaine caste. C’est enfin dire s’il pourra constituer un réseau de barons locaux acquis à sa seule personne. Les concepteurs de ce projet avaient-ils conscience de tous ces dangereux glissements ?

Déconstruction de la République

En croyant «combler le vide juridique lié à certains événements majeurs qui ont impacté le fonctionnement régulier des institutions et des pouvoirs publics», le gouvernement a joué les apprentis-sorciers. Tout en érigeant le président de la République en quasi-monarque de droit divin, il lui a donné la possibilité de désigner des seigneurs locaux, jetant les bases d’une société d’ordres. Dans cette nouvelle hiérarchie sociale, on distinguera : les juges constitutionnels, omniscients, compétents en toute matière et jouissant de tous les privilèges ; les parlementaires, au-dessus des lois ; et le petit peuple, assujetti à tous les devoirs, y compris celui de ne rien dire. Pour la République, cette révision constitutionnelle ressemble à des «obsèques», selon la formule de Minault Maxime Zima-Ebeyard. «Maintenant que la République est bien installée dans le cercueil (…) c’est quoi le coup d’après», a lancé le député de l’Okano à Rose Christiane Ossouka Raponda. On serait tenté de lui répondre : «L’instauration d’un régime féodal, avec un roi, des seigneurs et des serfs.»

Pourtant, moins de 24 heures après l’audition de la Première ministre, l’Assemblée nationale adoptait le texte à une écrasante majorité. Malgré les craintes exprimées par les forces sociales, en dépit des railleries entendues çà et là, les députés affiliés au Parti démocratique gabonais (PDG) ou à ses alliés choisissaient l’obéissance aveugle aux consignes partisanes. Espèrent-ils jouir d’une impunité à vie ? On ne se privera guère de leur rappeler les cas Justin Ndoundangoye et Tony Ondo Mba : couverts par le statut de députés, les deux anciens ministres croupissent aujourd’hui au pénitencier de Sans-Famille, leur immunité parlementaire ayant été levée au pas de course ou simplement niée. Au vu de ces précédents, les votants d’aujourd’hui n’ont pas des raisons de se réjouir. Sauf s’ils ont définitivement renoncé à leur libre-arbitre. En attendant, ils viennent de prendre une part active à la déconstruction de la République voire à l’instauration d’une société d’Ancien régime.
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