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Confidences de l’ex-patron d’Elf : l’argent du pétrole a permis de financer Omar Bongo et c’est pas fini
Publié le lundi 5 octobre 2020  |  Gabon Review
Loïk
© Autre presse par DR
Loïk Le Floch-Prigent, PDG, entre juillet 1989 et 1993, de la compagnie pétrolière française Elf
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Des révélations du journal en ligne Mediapart basées sur les confidences de l’ancien patron d’Elf, Loïk Le Floch-Prigent, entendu dans l’affaire des biens mal acquis (BMA), confirment que de l’argent illicite du pétrole français a permis de financer Omar Bongo et ses proches, mais aussi l’opposition gabonaise ou encore la famille Sassou-Nguesso. Selon l’ex-PDG d’Elf, le même système de financement et de corruption perdure aujourd’hui, mais via d’autres sociétés sur lesquelles se penchent actuellement les enquêteurs.

Entendu en France dans l’affaire des biens mal acquis – un feuilleton judiciaire qui met à jour les biens mobiliers et immobiliers de plusieurs dirigeants acquis via des détournements de fonds publics – l’ancien patron de la major pétrolière Elf devenue Total, Loïk Le Floch-Prigent, confirme au juge d’instruction français Dominique Blanc l’existence d’un vaste système de corruption entre la France, le Gabon, et aussi le Congo-Brazzaville.

A l’époque d’Elf, la compagnie pétrolière adoubée par le pouvoir français avait mis en place des financements illicites pour les dirigeants Omar Bongo et Sassou-Nguesso au Congo, explique Le Floch Prigent. Celui qui fut notamment PDG de la compagnie pétrolière française entre juillet 1989 et 1993 ajoute qu’un tel système existe toujours aujourd’hui… avec d’autres sociétés.

Des extraits du procès-verbal de Le Floch-Prigent, entendu le 15 novembre 2019, viennent d’être publiés par le journal en ligne Mediapart, connu pour ses révélations judiciaires souvent fracassantes. L’ancien PDG du groupe français Elf avait déjà été condamné en 2003 à cinq ans de prison et 375.000 euros d’amende pour des détournements de plusieurs centaines de millions d’euros dans le cadre de “l’affaire Elf”. Cette affaire avait mis à jour un système de corruption impliquant des membres haut placés de l’exécutif français et des dirigeants africains – et surtout Omar Bongo.

Pour faire le lien entre l’affaire Elf et l’enquête sur les biens mal acquis (BMA) dans le cadre de laquelle onze personnes sont actuellement mises en examen, Le Floch-Prigent, 77 ans, a donc été entendu à titre de témoin il y a près d’un an. Selon ses dires, une grande partie de l’argent des BMA, qui a permis aux familles Bongo et Sassou-Nguesso de s’enrichir, provenait de la corruption pétrolière via la société française Elf.

De l’argent d’Elf directement versé aux familles Bongo et Sassou-Nguesso

Le Floch-Prigent s’exprime devant le juge sans tabou. «Les frais [issus de détournements via le groupe Elf – ndlr] partaient sur des comptes qui avaient été ouverts par MM. Tarallo et Sirven [deux anciens dirigeants d’Elf en Afrique – ndlr] pour le compte d’Omar Bongo, Denis Sassou-Nguesso et ceux qu’ils nous désignaient», détaille l’ex-PDG dans son témoignage à la justice, cité par Mediapart.

Des comptes avaient été ouverts en Suisse et au Luxembourg, via des sociétés basées au Liechtenstein, et le montant des fonds occultes se chiffrait à des centaines de millions de francs par an, détaille Mediapart. En France, Elf prenait même en charge «en liquide» les venues des présidents africains.

La France utilise la corruption pour “stabiliser” le Gabon et s’assurer le pétrole

L’ex-patron d’Elf est formel : l’exécutif français était informé de ce vaste système de corruption. Elf agissait même comme un État dans l’État. Alors ministre du Budget (1993-1995) sous la présidence de François Mitterrand, Nicolas Sarkozy avait été «affolé quand il a vu les chiffres [présentés par Le Floch-Prigent – ndlr] Il n’imaginait pas que cela puisse exister comme ça.»

A l’origine, tout ce système se base sur une volonté politico-économique de l’ex-puissance coloniale, alors particulièrement préoccupée par le devenir du Gabon, riche en pétrole. «Les premiers présidents d’Elf […] ont eu pour première tâche d’augmenter le pétrole disponible du pays», explique l’ex-PDG. «Leur opinion, c’est que l’instabilité gouvernementale conduit à des soubresauts trop importants. On a demandé aux présidents successifs d’Elf de veiller à la stabilité de ces États, stabilité institutionnelle et juridique. Le premier pays qu’on voulait stabiliser était le Gabon.»

Selon Le Floch-Prigent, Elf était directement impliqué dans l’accession au pouvoir d’Omar Bongo, et était au centre de la diplomatie française au Gabon. «À la mort du président gabonais [Léon Mba – ndlr], Pierre Guillaumat [premier président d’Elf – ndlr] présente son directeur de cabinet (du président gabonais) [Omar Bongo – ndlr] au général de Gaulle en lui disant que c’était lui qu’il fallait au pouvoir pour être tranquille. À l’époque, tous les dirigeants deviennent marxistes et on voit arriver des révolutionnaires. Le directeur d’Elf dans ce pays change de rôle et prend un rôle d’ambassadeur, l’ambassadeur de France devenant presque un employé d’Elf.»

Dans toute cette “cuisine”, l’ex-patron de la major pétrolière française ajoute qu’une opposition “de façade” approuvée par Bongo était payée par Elf: «au Gabon, Omar Bongo considérait qu’il fallait toujours qu’il existe une opposition formelle, et cette opposition devait être incarnée par des personnes qu’il adoubait. Ces personnes étaient prises par les effectifs d’Elf Gabon, qui les rémunérait.”

Un système toujours en place, avec d’autres sociétés dans le viseur des enquêteurs

Aujourd’hui, un système de corruption du même acabit que celui révélé par l’affaire Elf «continue d’exister»… mais sous une autre forme, précise Le Floch-Prigent au juge. Les enquêteurs sont actuellement sur la piste des sociétés qui le composent, écrit Mediapart.

Pour conclure son témoignage à la justice, Le Floch Prigent se montre pessimiste et triste : «d’un système régulé considéré comme opaque et puni, on est arrivé à un système complètement fou qui conduit globalement les États et les peuples en question à ne plus être rétribués vraiment de l’exploitation pétrolière. La transparence demandée a conduit à un système encore plus opaque et encore plus désastreux pour les pays. C’est ce que j’ai constaté et qui me rend malheureux.»

Interrogé par Mediapart, l’ancien patron d’Elf commente : «j’ai voulu aider le juge à comprendre pourquoi la situation que nous avons créée a toujours un présent et pourquoi celui-ci est détestable». Il ne s’étonne donc pas du “french bashing” actuel dans «certains pays d’Afrique.»
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