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Maintien de l’état d’urgence sanitaire : Soupçons d’instrumentalisation
Publié le jeudi 1 octobre 2020  |  Gabon Review
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© Autre presse par DR
Vue aérienne de la ville de Libreville
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Eu égard à son silence assourdissant dans le débat sur la fin des 45 jours prescrits par l’ordonnance du 14 août dernier, le gouvernement laisse le sentiment de poursuivre des desseins inavoués.

En mai dernier, des députés s’étaient élevés contre la loi sur les catastrophes sanitaires. Dénonçant son «inconstitutionnalité», la jugeant «ostensiblement liberticide», ils avaient saisi la Cour constitutionnelle. Et, ils n’étaient pas seuls : accusant le gouvernement d’avoir usurpé des prérogatives propres au président de la République, les collectifs Appel à agir et Touche pas à ma terre avaient, eux aussi, engagé la même démarche. Quand bien même elle formula des observations, la juridiction constitutionnelle débouta les requérants, jugeant leurs saisines «irrecevables». Fidèles à leur singulière lecture du jeu institutionnel, Marie-Madeleine Mborantsuo et ses pairs volaient au secours de l’exécutif. Depuis lors, un climat de suspicion s’est installé, le gouvernement étant accusé de se servir de la lutte contre la covid-19 pour brider les libertés publiques. Autrement dit, la crise sanitaire ne serait plus une cause objective mais un vil prétexte.

Doutes sur ses réelles intentions

Dans le silence assourdissant du gouvernement, ce débat a cours. Aux dires de certains, les 45 jours prescrits par l’ordonnance du 14 août dernier sont arrivés à leur terme le 29 du mois courant. A en croire d’autres, l’échéance est plutôt fixée au 4 octobre prochain, c’est-à-dire dimanche de la semaine en cours. Dans cette atmosphère de joutes verbales, le ministre de la Santé a été auditionné, le 30 de ce mois, par l’Assemblée nationale. Décidée en opportunité, cette audition devait déboucher sur la ratification de deux ordonnances en lien avec la lutte contre les catastrophes sanitaires. Quel intérêt de discuter de textes à portée limitée dans le temps et aux effets révolus ? Si les députés avaient rejeté ces ordonnances, quelle aurait été la réaction du gouvernement ? Aurait-il consenti à des réparations vis-à-vis des populations et entreprises impactées ?

Les ordonnances ont, certes, valeur de lois. Mais on ne peut en user dans toutes les matières. Encore moins, en toutes circonstances. Dans la lutte contre la covid-19, le vote parlementaire n’est pas un simple exercice législatif. Il participe d’abord du contrôle de l’action gouvernementale. Après tout, l’alinéa 2 de l’article 6 de la loi n° 003/2020 dispose : «La prorogation de ces mesures, au-delà des quarante-cinq jours, est autorisée par le Parlement sur le base d’un rapport circonstancié.» En prorogeant l’état d’urgence sanitaire par ordonnance, le gouvernement a subrepticement dénié au Parlement ses prérogatives constitutionnelles de contrôle, le ravalant au statut de chambre d’enregistrement. S’il avait voulu faire les choses proprement, l’exécutif aurait plaidé pour la convocation d’une session extraordinaire. Au lieu de se conformer aux règles, il a choisi de les contourner, légitimant les doutes sur ses réelles intentions.

Tirer toutes les conséquences juridiques et opérationnelles

Ayant proclamé sa volonté de «prévenir toute épidémie», le gouvernement a fini par laisser le sentiment de poursuivre des desseins inavoués. Ayant affirmé vouloir «protéger les populations», il a fini par donner l’impression de chercher à confisquer les libertés publiques. Comment adhérer à l’idée de lutte de contre l’«épidémie» quand des mesures draconiennes sont maintenues en dépit de la tendance baissière ? Ou quand le passage en force semble devenu la règle, quand la malice l’emporte sur le respect des procédures ? Comment croire en la volonté de «protéger les populations» quand leurs représentants sont mis devant le fait accompli ? Ou quand on évite les débats de fond au moyen d’ordonnances ?

En mars 2016, Guy Nzouba-Ndama dénonçait «l’usage inflationniste des ordonnances.» Si l’ancien président de l’Assemblée nationale reconnaissait alors au gouvernement le droit d’en user en «cas d’urgence», il mettait néanmoins en garde contre le «risque d’un péril.» Le gouvernement est-il conscient des risques inhérents à sa pratique politique ? On voudrait le croire. Pour l’heure, il lui appartient de ne pas nourrir les soupçons d’instrumentalisation de la crise sanitaire. A cette fin, il doit commencer par clarifier le débat sur la fin de la période des 45 jours. Puis, il doit en tirer toutes les conséquences juridiques et opérationnelles, y compris en levant toutes les mesures de restriction. Ne pas le faire reviendrait à sombrer dans la politicaillerie. Chercher à contourner la procédure équivaudrait à délégitimer la lutte contre la covid-19.
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