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[Tribune Libre] La primauté du droit
Publié le dimanche 26 avril 2020  |  Gabon Review
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© Autre presse par DR
Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, commissaire national en charge du Budget au sein de l’Union nationale (UN)
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Sans contester la réalité de la crise sanitaire consécutive à la pandémie du nouveau Coronavirus, ni juger de l’opportunité des mesures prises à cet effet au Gabon, Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, diplômé de l’ENA de France, cadre de l’Union nationale, revient sur le vote par l’Assemblée nationale, le 24 avril, de la prorogation pour 15 jours de l’état d’urgence. Il se demande «comment les députés ont-ils accepté d’examiner un projet de loi et de le voter sans disposer de la matière qui devait leur permettre de se prononcer ?»

Le vote par l’Assemblée Nationale de la prorogation pour 15 jours de l’état d’urgence résume plus que tout l’insécurité juridique qui entoure la gestion de la crise sanitaire du Covid-19 dans notre pays.

En effet, ce vendredi 24 avril 2020 en fin d’après-midi, l’Assemblée Nationale a voté dans la précipitation un projet de loi «portant prorogation de l’État d’urgence sanitaire». Ce projet de loi a été adopté le jour même au cours d’un Conseil des ministres qui se serait tenu par Vidéoconférence à 14h.

L’état d’urgence a été proclamé par décret du Président de la République pris en Conseil des ministres en sa séance du 09 avril 2020. Mais jusqu’à ce jour, ce décret n’a jamais été publié au journal officiel, ni dans un autre journal d’annonces légales ou de toute autre nature. Il n’a jamais été rendu public de quelque manière que ce soit. L’Assemblée Nationale, qui a été saisie du projet de loi portant prorogation de l’état d’urgence, n’a pas reçu ce texte et ne l’a jamais vu. Dès lors, nul ne sait dire à partir de quelle date court l’état d’urgence proclamé par décret du président de la République pour déterminer ensuite à quelle date celui-ci arrive à son terme. Comment les députés ont-ils accepté d’examiner un projet de loi et de le voter sans disposer de la matière qui devait leur permettre de se prononcer ? Pour être bien plus explicite, tout se passe comme si les députés avaient voté l’avenant à un contrat sans qu’on ne leur présente le contrat.

L’absence du décret proclamant l’état d’urgence est lourde de conséquences. Le confinement du Grand Libreville, l’interdiction de circuler sur l’ensemble du territoire entre 19h 30 et 06h et le port obligatoire du masque sont autant de mesures de restriction des libertés que permet la proclamation de l’état d’urgence. Chacune de ces mesures de restriction des libertés doit faire l’objet d’un texte réglementaire, notamment un arrêté du Ministre de l’Intérieur, en application du décret sur l’état d’urgence. Or il n’en est rien. Aucun arrêté n’a été pris par le Ministre de l’Intérieur. Et les forces de sécurité et de défense qui sont déployées sur toute l’étendue du territoire exercent sans protection juridique pertinente.

Nul ne conteste ici la réalité de la crise sanitaire. Et l’objectif n’est pas ici de juger de l’opportunité de la proclamation de l’état d’urgence, mais l’enfer est pavé de bonnes intentions. Il serait de bonne administration, dans l’intérêt de la République, que le cadre juridique dans lequel l’autorité publique assure la gestion de cette crise soit connu de tous et conforme à la loi.

Le rôle du Parlement est de voter la loi, consentir l’impôt et contrôler l’action du Gouvernement. Le Sénat devrait, avant l’examen du projet de loi portant prorogation de l’état d’urgence, s’assurer de ce que cette situation d’exception est juridiquement encadrée. Avant l’examen du projet de loi, le Sénat gagnerait à apprécier la pertinence du cadre juridique mis en place par le Gouvernement. Il devrait à cet effet obtenir la présentation du décret relatif à la proclamation de l’état d’urgence, et aussi les arrêtés relatifs au confinement du Grand Libreville, à l’interdiction de circuler entre 19h 30 et 06h (couvre-feu) et au port du masque obligatoire. Enfin, il devra conditionner l’entrée en vigueur de chaque mesure de restriction des libertés à la publication du texte réglementaire y relatif.

En dehors de la loi, rien de positif ne peut se construire.

Jean Gaspard Ntoutoume Ayi

Diplômé de l’ENA de France, cadre de l’Union nationale.
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