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Accusation de torture contre Christian Patrichi Tanasa au Gabon : Pourquoi Me Anges Kevin Nzigou est difficilement crédible
Publié le jeudi 30 janvier 2020  |  LaLibreville.com
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© Autre presse par DR
Me Anges Kevin Nzigou
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Lors d’une conférence de presse ce mercredi 29 janvier dans l’après-midi, Me Anges Kevin Nzigou a déclaré que son client, l’ex-ADG de la GOC, Christian Patrichi Tanasa, placé sous mandat de dépôt fin novembre 2019 à la prison centrale de Libreville dans le cadre de l’enquête anti-corruption Scorpion, aurait été torturé dans la nuit de samedi à dimanche 26 janvier. Des déclarations prises avec beaucoup de circonspection. Voici pourquoi.

« En allant voir mes clients ce matin, j’ai été tenu informé de la survenue d’un acte barbare. Dans la nuit du samedi 25 au dimanche 26 janvier, aux environs de deux heures du matin, trois hommes cagoulés portant des uniformes de l’administration pénitentiaire (« je pense que ce sont les services spéciaux qui sont intervenus », croit-il savoir) se sont introduits dans la cellule d’isolement de mon client, M. Christian Patrichi Tanasa, ancien DG de la GOC », a déclaré Me Anges Kevin Nzigou.

« Après lui avoir demandé de se déshabiller intégralement », a-t-il poursuivi, « ces agents lui ont intimé l’ordre de mettre ses mains derrière le dos et de se coucher à plat ventre, les jambes écartées, chacune tenue par un agent. M. Tansa a ensuite reçu des coups dans les testicules de la part du troisième agent à l’aide d’une corde nouée à son extrémité (…) Il a alors reçu plusieurs coups de genoux dans le ventre et dans les côtes (…) deux heures durant. »

Et l’avocat d’ajouter que les supposés tortionnaires auraient exigé de M. Tanasa de ne rien révéler à son avocat sous peine de « tuer ses enfants et de violer sa femme ». « Il aurait pu mourir », a conclu Me Anges Kevin Nzigou, qui indique qu’il déposera plainte pour torture sans toutefois préciser quand ni devant quelle juridiction.

Ces accusations, d’une extrême gravité, ont laissé pour le moins sceptiques le parterre des journalistes convoqués au pied levé pour l’occasion.

« Comment les trois agents dont vous parlez ont-ils pu pénétré dans la prison sans que cela se sache, a fortiori dans l’espace de cellules d’isolement ? », interroge l’un de nos confrères. « C’est possible car nous sommes au Gabon », se contente de balayer, au moyen d’un argument d’autorité, l’avocat.

Un autre journaliste, tout aussi sceptique, demande à son tour : « quelles sont les éléments de preuve que vous avez à disposition ? Toute la prison a entendu des cris. Et j’ai vu les hématomes sur son corps », avance Me Nzigou. Des affirmations qui ne reposent, force est de constater, que sur la foi de son seul témoignage.

Un troisième confrère, circonspect lui aussi, se fait alors plus insistant. « En tant qu’avocat, vous savez que vous devez prouver vos allégations avec des éléments matériels ? », fait-il observer. Réponse pour le moins surprenante de l’avocat : « Ça n’est pas à moins de le prouver. C’est à eux de le faire », rétorque-t-il avec aplomb, laissant sans voix son auditoire. Constant la réaction des journalistes, celui-ci fait l’effort d’ajouter : « Toute la prison sait. Il y a des témoins. »

Déjà fin novembre dernier, Me Anges Kevin Nzigou avait affirmé sans preuves avoir été l’objet d’une tentative d’arrestation de la part d’un commando

Si les journalistes prennent avec ces déclarations avec autant de pincettes, c’est aussi parce que Me Anges Kevin Nzigou, par ailleurs membre du parti politique d’opposition PLC et du collectif d’opposants Appel à agir, est un habitué de ce genre de procédé. Le 25 novembre dernier, il avait déclaré avoir été victime d’une tentative d’ « arrestation » de la part d’un « commando ». Là aussi, l’accusation ne reposait sur un seul témoignage : le sien (le sien). Les doutes sur la véracité de ses propos sont d’autant plus forts que l’intéressé n’a jamais porté plainte, au Gabon comme à l’extérieur (lire notre article).

Quoi qu’il en soit, au sein de l’ordre des avocats, les déclarations de Me Nzigou provoquent, comme souvent, un certain malaise. « Porter des accusations aussi graves et dire ensuite que c’est à l’accusation de faire la preuve de son innocence, c’est surréaliste de la part d’un professionnel du droit », commente un avocat expérimenté du barreau de Libreville.

Pour lui, il s’agit probablement d’une stratégie de défense mais qu’il juge maladroite, voire dangereuse. « Me Anges Kevin Nzigou (qui défend plusieurs clients dans le cadre de l’opération Scorpion, outre Christian Patrichi Tanasa, également les frères Laccruche, Brice et Grégory, NDLR), a d’emblée fait le choix de plaider cette affaire non pas devant les tribunaux mais dans les médias », rappelle-t-il. Or, « ce type de déclarations, si excessives qu’elles paraissent difficilement crédibles, visent probablement à susciter l’attention des médias et à jouer l’opinion contre les magistrats. Mais je ne suis pas sûr au final que les juges, qui sont peu perméables à ce genre de pressions, voient l’initiative d’un bon œil. Au contraire, cela risque de les raidir », prévient ce fin connaisseur des arcanes de la Justice gabonaise.

« A force de crier au loup et qu’il n’y a pas de loup, à la fin, on ne vous écoute plus », lâche notre homme en fin d’entretien. C’est ce qui risque fort d’arriver tôt ou tard à Me Anges Kevin Nzigou si les graves accusations qu’il a portées ce jour ne sont pas étayées par des preuves tangibles.
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