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Levée de l’immunité parlementaire de Ndoundangoye : le député de l’Union nationale ne votera pas et invite les autres députés de bien réfléchir
Publié le vendredi 27 decembre 2019  |  Gabon Actu
Maxime
© Autre presse par DR
Maxime Minault Zima Ebeyard
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Le Docteur Minault Maxime Zima Ebeyard, député élu de la commune de Mitzic pour le compte de l’Union nationale (UN, opposition) a adressé une lettre ouverte à Justin Ndoundangoye, et à ses homologues députés dans laquelle il annonce clairement qu’il ne votera pas en faveur de la levée de l’immunité parlementaire de Justin Ndoundangoye par principe. Il invite aussi ses autres collègues d’agir avec sagesse car l’immunité parlementaire est un droit consacré par la constitution gabonaise.

Voici l’intégralité de cette lettre au contenu scientifique :

Lettre à l’honorable Justin Ndoundangoye et à l’ensemble des Députés de la 13ème Législature sur la demande de levée de l’immunité parlementaire du député, élu de la commune de Franceville

Monsieur le Député Justin Ndoundangoye,

L’Assemblée Nationale est réunie ce jeudi 26 décembre 2019 pour se prononcer sur la demande de levée de votre immunité parlementaire. Je ne vous connais pas personnellement, je n’ai donc à votre endroit aucun sentiment personnel. Politiquement, vous et moi appartenons à deux bords politiques opposés quant à leurs visions du Gabon et de son devenir. À ce titre nous avons vous et moi bien peu de chose en commun.

Depuis plus d’un an, comme responsable politique et en tant que citoyen, je dénonce l’imposture qui s’est installée dans toutes les institutions de notre pays pour permettre à ce pouvoir dont vous vous réclamez de se maintenir coûte que coûte, y compris en violation de notre constitution, des lois de notre pays et au péril de notre vivre ensemble. Ma démarche, conforme à mon engagement de toujours, est républicaine.

La négation permanente de l’État de droit, qui caractérise depuis toujours ce pouvoir que vous avez librement choisi de servir, et que vous avez servi avec zèle jusqu’à ces dernières semaines, s’applique désormais à vous. Comme bien d’autres compatriotes avant vous, vous devez être particulièrement surpris de constater que le traitement qui ne s’appliquait qu’à ceux que vous appeliez « Opposants » s’applique subitement à vous. Personnellement, je ne suis pas surpris de ce qui vous arrive. Je vous l’avais même prédis au mois de mars dernier.

Je ne voterai pas la levée de votre immunité parlementaire. Non pas que je vous crois innocent, bien au contraire. Ma conviction est que vous êtes certainement coupable de bien pire que ce qui est inscrit dans votre acte d’accusation. Mais je ne suis pas juge et ne peux donc vous déclarer coupable ou innocent. Je ne voterai pas la levée de votre immunité parlementaire parce que je me refuse à être le complice d’une manipulation honteuse de la justice. Et peu importe que ce soit vous ou un autre, je ne saurais l’admettre.

Honorables députés, chers collègues,

La représentation nationale est réunie ce jeudi 26 décembre 2019 pour se prononcer sur la demande de levée de l’immunité parlementaire du député Justin Ndoundangoye. En réalité, ce qui est demandé à l’Assemblée Nationale, c’est d’enduire du vernis de la légalité la violation de l’immunité parlementaire de l’honorable député Justin Ndoundangoye.

En effet, l’immunité de Justin Ndoundangoye a été levée, pour ne pas dire niée, le jour où, dans la quasi-indifférence de tous, les forces de l’ordre l’ont interpellé et humilié à Port-Gentil. Ce jour là, ce n’est pas seulement Monsieur Justin Ndoundangoye qui a été humilié, c’est l’immunité parlementaire, consacrée par la Constitution de la République, qui a été niée et violée par le Gouvernement sous l’autorité duquel agissaient les forces de sécurité. Tout comme lorsque, derrière des arguments qui cachaient mal sa démission, l’Assemblée Nationale a livré le député Tony Ondo Mba aux forces de l’ordre ; c’était aussi le cas lorsque le député Arsène Nkoghe a été, par des méthodes vicieuses, convoqué et menacé de se rendre à la Direction Générale de Recherche. Et comme pour mieux signifier la fin de l’immunité parlementaire au Gabon, un député a été gardé à vue toute une nuit par des gendarmes à Libreville qui ont purement et simplement ignoré son statut et l’immunité qui s’y rattache.

Le silence complice qui a accompagné tous ces faits d’une extrême gravité doit interpeller chaque parlementaire sur le respect par le pouvoir exécutif de la séparation des pouvoirs, des droits du parlement et des parlementaires.

C’est en réalité ce débat auquel nous invite la demande de levée de l’immunité parlementaire de Justin Ndoundangoye.

Chers collègues,

L’immunité n’est pas un luxe pour les députés. Elle n’a pas été instituée pour protéger le député mais pour garantir sa liberté d’action dans l’exercice de son mandat. La réussite de notre action a besoin que ce principe ne soit jamais écorné. C’est pour cela que chaque fois que nous devons répondre à une demande de levée de l’immunité d’un de nos collègues, nous devons le faire en prenant toutes les précautions pour ne pas créer une jurisprudence qui serait préjudiciable à l’action du député, à son indépendance. Chaque fois que nous examinons une demande de levée de l’immunité d’un collègue, nous examinons en même temps les conditions de la levée de notre immunité à tous. Ce dont il est donc question aujourd’hui, ce n’est pas la levée de l’immunité de notre collègue, mais la mise en place des conditions de la levée de notre immunité à tous demain. Cette question interpelle la conscience de chacun et de chacune d’entre nous et transcende les clivages partisans. La question qui nous est posée est d’abord une question de conscience et la réponse que nous livrerons engagera la responsabilité de tous et de chacun devant l’histoire et le Gabon éternel.

C’est parce qu’il y a eu le précédent Alain Claude BILLIE BY NZE que nous sommes arrivés au cas Tony ONDO MBA. Ces interprétations de la loi pour régler des comptes personnels, humilier les adversaires ou asseoir les intérêts d’un groupe ne grandissent pas notre institution. Bien au contraire, elles fragilisent le Parlement et l’éloignent de son rôle de contre-pouvoir. La levée de l’immunité doit servir la justice et renforcer le pouvoir du député. Elle ne doit pas devenir un moyen de livrer le député à des prédateurs ou à des assoiffés de vengeance. On ne peut pas construire une nation au rythme des règlements de comptes et au mépris de l’État de droit. En votant pour la levée de l’immunité de notre collègue aujourd’hui, nous le livrerions, non pas à la noble justice que nous devons tous défendre, mais à ses bourreaux qui ne font plus mystère de leurs intentions, nous rendant de fait coresponsables de ce qui pourrait lui arriver.

Chers collègues,

Je suis à l’aise pour parler. Je le suis d’autant que l’AJEV n’a jamais été ma tasse de thé. Je suis d’autant plus libre d’en parler que lorsque beaucoup étaient couchés, rampaient, leur servaient de serpillères ou de marchepieds, ou encore gardaient une neutralité qui cachait mal leur volonté d’être appelés à la soupe, je leur ai dit, de façon fraternelle mais avec fermeté, ce que je pensais de leur imposture. Et les mêmes sbires qui font du zèle aujourd’hui avaient, à l’époque, et avec le même zèle, été mis à contribution pour essayer de me réduire au silence. Je ne défends donc pas Justin NDOUNDANGOYE. Je défends la République et l’État de droit.
Je voterai donc contre la levée de l’immunité parlementaire de mon collègue non pas pour le protéger, mais pour protéger le député et l’institution qu’est l’Assemblée nationale. Je voterai contre parce que ce qui lui est reproché a été fait dans le silence complice de toutes les institutions de la République, y compris l’Assemblée nationale. Je voterai contre parce que celui qui a nommé les membres de l’AJEV à ces hautes fonctions savait que certains parmi eux avaient des passés judiciaires chargés, que beaucoup parmi eux évoluaient en marge de la morale publique et de l’éthique républicaine.

Chers collègues,

Juger les membres de l’AJEV sans nous juger serait une faute morale. Les juger sans juger les institutions de la République serait injuste. Les condamner sans pointer la responsabilité de nos institutions serait une escroquerie intellectuelle. Les juger sans juger celles et ceux qui ont modifié l’article 13 de la Constitution serait un manquement grave à l’État de droit. C’est cette modification de la Constitution qui a favorisé les impostures passées et présentes. Les juger sans juger celui qui, par l’article 8 de notre constitution, s’est arrogé tous les pouvoirs mais a quand même choisi de sous-traiter ses prérogatives, serait une injustice.

Oui, c’est l’incapacité des institutions à remplir leurs missions qui les a fait rois et qui a permis que cela advienne. C’est cette incapacité d’agir qui fait aussi les nouveaux rois d’aujourd’hui. Car, ce que révèlent les agissements qui sont reprochés à notre collègue et à ses amis, c’est la faillite de l’État de droit, la compromission de nos élites et la faiblesse de nos institutions. S’il y a donc un procès à faire, c’est celui de la déliquescence de notre État.

Loin de moi l’idée d’absoudre ou juger Justin NDOUNDANGOYE. Ce n’est ni mon mandat ni mon intention. Je voudrais simplement que chacun s’interroge, en conscience, sur la responsabilité des institutions dans la survenue des faits dont il est accusé. La question ne peut se poser en termes de responsabilité des uns ou de justice pour certains. Elle doit se poser en termes d’éthique républicaine et d’égalité de tous devant la loi. Il suffit de prendre connaissance des récents agissements de Justin NDOUNDANGOYE pour mesurer combien cet ancien membre du gouvernement doute de l’indépendance de la justice et de la capacité de l’Assemblée nationale à ne pas se soumettre au diktat d’un clan. L’attitude de notre collègue ne résulte pas d’une défiance spontanée mais de l’idée qu’il se fait du fonctionnement de nos institutions et du respect de l’État de droit. C’est pourquoi, je me permets d’en appeler à vos consciences afin que chacun s’interroge sur les voies et moyens de crédibiliser nos institutions. Pour ma part, je voterai non.

Je terminerais mon propos à l’endroit de tous et de chacun par cet épitaphe que l’on retrouve à l’entrée de nos cimetières : « Souviens-toi, j’étais comme toi. »

Vive la République Vive le Gabon éternel.

Par Dr Minault Maxime ZIMA EBEYARD, Député à l’Assemblée Nationale du Gabon, Élu de la commune de Mitzic
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