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Instabilité gouvernementale : l’efficacité de l’Etat en doute
Publié le mardi 15 octobre 2019  |  Agence Gabonaise de Presse
Remise
© Autre presse par dr
Remise officielle du nouveau Code des hydrocarbures au Premier ministre, chef du gouvernement, M. Julien Nkoghe Bekale
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Le vendredi 4 octobre dernier, le Premier ministre gabonais a communiqué les réaménagements intervenus dans la composition du gouvernement. Un léger remaniement suivi d’une démission obligeant Julien Nkoghé Békalé à revoir sa copie. Ces changements récurrents alimentent le spectre d’une instabilité gouvernementale qui a des conséquences sur la continuité et l’efficacité de l’État.

Lorsque les crises ministérielles font partie des choses courantes et se soldent par un changement constant de gouvernement, les constitutionalistes et politologues s’accordent à parler d’instabilité gouvernementale ou ministérielle. De manière classique, ces dernières sont caractéristiques des régimes parlementaires et interviennent souvent quand le gouvernement dispose d’une majorité fragile au parlement.

Dans le cas du Gabon, où le régime est, selon la Constitution, semi-présidentiel, il y a peu d’analyses et de communications autour de ces changements récurrents (environ six en 10 mois). Des changements dont le lien est à priori difficile à établir avec des résultats électoraux qui ont donné une majorité obèse au PDG, le parti au pouvoir et, où l’évaluation des ministres, annoncée début mai par le Premier ministre, est manifeste. Qu’est-ce qui cloche ? Depuis janvier, on a noté des départs conséquents. D’abord celui du Premier ministre, Emmanuel Issozé Ngondet, ensuite le vice-président de la République, Pierre-Claver Maganga Moussavou et, enfin, une bonne brochette de ministres et de délégués anciens et nouveaux dont certains ont à peine passé deux à six mois au gouvernement.

Cette pratique qui cristallise l’attention du public, comme lors de la mise à mort dans les combats de Gladiateurs dans la Rome antique, aboutit certes à un renouvellement de la classe politique, mais ne garantit pas pour autant, la stabilité institutionnelle nécessaire à la continuité et à l’efficacité de l’État. Dans ce contexte, les ministres ont-ils véritablement le temps d’asseoir et de suivre de bout en bout leurs feuilles de route ? La question taraude les esprits tant dans le public qu’auprès de certains membres du gouvernement. La démission d’Arnaud Calixte Engandji Alandji, ministre des Travaux publics, au lendemain de sa nomination à la Décentralisation, la Cohésion et au développement des territoires, confirme cet état de fait et actualise la maxime de l’ancien ministre français Jean-Pierre Chevènement : «Un ministre ça ferme sa gueule. Et si ça veut l'ouvrir ça démissionne !». Le directeur de cabinet du président, Brice Laccruche Alihanga a d’ailleurs rappelé cette donne, en version locale, «Celui qui boude, il bouge !»

Cependant, les changements de titulaires des portefeuilles ne sont pas toujours anodins. Ils s’accompagnent le plus souvent de l’abandon d’un certain nombre de projets et d’actions initiés par les prédécesseurs, si ce n’est de la révision ou de la résiliation de contrats. Toutes choses que rechignent les investisseurs. La protection des investisseurs n’étant pas le souci premier notamment dans l’exécution des contrats, les conséquences sont immédiates. C’est d’ailleurs l’une des raisons de la dégringolade du Gabon, 169e dans le classement Doing Business 2019 de la Banque Mondiale, quand le Rwanda 29e mondial et 2e africain fait pâlir d’envie.

De plus, en sus du changement d’hommes et de femmes, il y a aussi un changement dans les dénominations des ministères. Autant de faits qui s’ajoutent à cette instabilité qui fait de plus en plus jaser l’opinion. Même si la pratique de changement d’intitulé est courante et classique, car elle permet de donner plus de cohérence et de lisibilité aux politiques publiques qui seront menées, ces chamboulements effectués en quelques mois ont des conséquences néfastes sur le fonctionnement de l’administration. Parmi celles-ci, le changement de tous les papiers à en-tête, le changement d’intitulés et de ministres entraîne souvent une reprise de bon nombre de procédures administratives déjà entamées. Sont ainsi impactés, les diplômes, les situations administratives des agents de l’Etat, les partenariats, les contrats etc. tous ces faits accroissent aussi la lenteur administrative devenue proverbiale au Gabon.

Ces changements brouillent aussi la lecture des politiques gouvernementales et affaiblissent les énoncés politiques et, partant, la parole publique. Le cas du ministère du tourisme est patent. Il est passé de ministère plein, à un portefeuille greffé à deux super-ministères en 10 mois et ne peut donc faire l’objet de la même attention. Or, les différents gouvernements ne cessent de présenter le tourisme comme un secteur clé dans la stratégie de développement de l’économie. Il faut donc une cohérence entre les discours et les actes.

Un autre bémol de ces remaniements, est la concentration de plusieurs portefeuilles dans les mains d’un seul membre gouvernement alors que les attentes dans chacun de ces domaines sont criantes. C’est le cas du ministère de l’intérieur, de la justice, Garde des sceaux et du ministère des Transports, de l’Equipement, des Infrastructures et des Travaux Publics qui auraient gagné à être divisés.

Au demeurant, pour une efficacité de l’action gouvernementale et une meilleure évaluation de ses membres, l’exécutif gabonais gagnerait à rationaliser davantage les allers et venues au sein du gouvernement qui s’apparentent aujourd’hui à un éternel recommencement.

Louis-Philippe Mbadinga
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