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Garde-à-vue et détentions abusives : l’état stationnaire
Publié le samedi 2 mars 2019  |  Gabon Review
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© Autre presse par DR
Le palais de justice de Libreville
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Garde-à-vue de plusieurs jours – voire mois -, détentions préventives pendant des années : de nombreux Gabonais ou étrangers se retrouvent mis en examen de façon arbitraire, et la situation ne semble pas s’embellir dans le pays. Trafic d’influence, mauvaise gestion dans la machine justicière ? Les raisons sont multiples.

«Vous arrivez la première fois, première comparution, et puis on vous envoie en détention préventive, et puis, on vous oublie, des années durant. Moi j’ai des clients qui n’ont jamais été jugés. Il y en a qui ont cinq ans de détention préventive, il y en a qui ont huit ans de détention préventive», dénonçait sur TV5 Monde Me Pie Makanga dans un reportage diffusé le mardi 26 février.

Au Gabon, les cas sont multiples de citoyens ou étrangers enfermés abusivement ; leur mise en examen étant allée au-delà des délais légaux. La loi gabonaise prévoit pourtant que la garde-à-vue ne dépasse pas 48 heures, renouvelable une fois sur ordre du Procureur de la République ; les militaires pouvant passer un mois en garde-à-vue.

En matière de détention préventive, les délais ne vont pas au-delà de six mois pour délit de droit commun, et un an pour crime, sauf renouvellement de quelques mois sur ordre du procureur. Les détentions préventives devraient rester une exception, indique aussi la législation.

Aucun chiffre n’est disponible au niveau national sur ces dépassements des délais légaux. Mais plusieurs avocats estiment que la moitié des détenus criminels à Libreville n’ont pas vu de juge depuis plus d’un an. Conséquence : des prisons surpeuplées, des dossiers qui se perdent et des familles qui désespèrent de voir leur parent sortir. Plus grave encore pour les victimes et les proches : les cas de détention au secret. C’est ce qu’ont subi pendant près d’un an Stempy Obame, Alain Mbela et Armel Mouendou, trois proches de Jean Ping, qui disent avoir été séquestrés par les autorités dans un endroit tenu secret. Ils affirment qu’ils ne cessaient de demander à voir un juge ou un avocat sans que cette faveur ne leur soit accordée.

Trafic d’influence

Pourquoi autant de garde-à-vue et détentions abusives au Gabon ? Pour Me Paulette Oyane, le problème de dépassements des délais légaux sont une des conséquences des «trafics d’influence» et des «abus de pouvoir», qui sont «quotidiens» dans le pays. «J’ai eu des cas de trafic d’influence dans tous les dossiers que j’ai traités. Je prends un exemple au hasard : deux jeunes femmes se battent, si l’une d’elle a des relations haut placées, elle pourra les faire valoir ses relations pour faire pencher la justice en sa faveur», explique Me Oyane. Et quand une personne haut placée décide de la mise en détention ou de la libération de quelqu’un, la justice aura du mal à faire face, témoigne l’avocate qui dit s’être battue pour une plus grande indépendance du pouvoir judiciaire tout au long de sa carrière.

Les hommes de loi savent aussi que plus l’affaire se politise, plus elle devient compliquée. Si le gouvernement nie la présence de prisonniers «politiques» dans les prisons, l’opposition et la société civile réclament toujours la libération d’opposants comme Landry Amiang Washington, Bertrand Zibi, en détention préventive depuis trois ans. L’activiste Hervé Mombo, sorti de prison le 5 février et qui avait passé 16 mois en détention préventive à la prison de Libreville pour propagande, rappelle que son dossier était vide à la sortie.

Machine judiciaire grippée

Tout n’est pas une question d’abus de pouvoir. La machine judiciaire gabonaise est elle aussi minée par des problèmes de gestion. Pour Me Maguisset, le management des ressources humaines est, à lui seul, un problème : «par exemple, nous avons un souci, c’est le roulement du personnel de justice. Souvent, les dossiers se perdent car les magistrats changent de poste, et les gens se retrouvent en détention abusive par manque de suivi. Autre souci : les cabinets d’instruction sont souvent débordés, car il y existe un manque de juges d’instruction».

Autre aspect : les grèves du personnel de justice. Entre 2016 et 2018, des grèves de plusieurs mois de magistrats et de greffiers ont largement retardé toutes les procédures. La rentrée judiciaire de 2019 semble pour l’instant s’être déroulée sans problème majeur, si ce n’est que la session criminelle de Libreville prévue en janvier n’a pas eu lieu. «Les 50 millions de francs CFA prévus pour cette session ont tout simplement disparus. La nouvelle procureure de la Cour d’Appel, Marie-Blanche Mbambiri, n’a pas trouvé l’argent», témoigne une source judiciaire.

Dans tout cela «ce sont toujours les plus faibles qui pâtissent des manquements de la justice», déplore Me Oyane : «ceux qui n’ont pas de moyens financiers, de relations hauts placées, auront plus de chance de faire de la garde-à-vue ou de la détention abusives».
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