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Le dernier front de Gregory Ngbwa Mintsa à Oyem
Publié le mardi 29 avril 2014   |  Gabon Review


La
© Gabon Review par DR
La mise en terre de Gregory Ngbwa Mintsa, combattant des droits de l’homme et de la corruption, décédé le 10 avril dernier.


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Sur ordre du gouverneur du Woleu-Ntem, la Gendarmerie nationale a pris d’assaut la place de l’indépendance d’Oyem pour empêcher qu’un hommage populaire soit rendu à Gregory Ngbwa Mintsa, combattant des droits de l’homme et de la corruption, décédé le 10 avril dernier. Un peu comme de son vivant, Gregory était encore aux premiers rangs de la foule, avant d’être conduit à sa dernière demeure du cimetière protestant de Nfoul. Le film de ses obsèques.

Décédé le 10 avril 2014 au Centre hospitalier universitaire d’Angondjé (CHUA), sis au nord de Libreville des suites d’une pénible maladie, la dépouille du combattant des inégalités sociales et économiques et de la corruption, Gregory Ngbwa Mintsa a été transférée à Oyem, sa ville natale, chef lieu de la province du Woleu-Ntem, le 23 avril dernier.

Mais, auparavant à Libreville, la sortie de Gabosep de l’enveloppe charnelle de celui qu’on appelait affectueusement Pagré (Papa Gregory) a reçu les hommages, plus de deux heures durant, de la société civile, des artistes et autres personnalités publiques, au cours d’une cérémonie haut en couleurs et riche en sons sur l’esplanade de l’école Martine Oulabou, dans le 2e arrondissement de la capitale. Après quoi, Ngbwa Mintsa a été accompagné par une procession de membres de la société civile. La cohorte de piétons escortant le corbillard est passée par le boulevard triomphal Omar Bongo, le quartier Cocotiers, le rond-point de Nkembo, le quartier Sotéga-Sociga, l’ancienne RTG, le rond-point de la Démocratie, le tribunal de Libreville pour arriver à son domicile sis au quartier dit Ancienne Sobraga où s’est tenue une première veillée animée par les chorales de l’Eglise évangélique du Gabon (EEG).

La dépouille mortelle de Ngbwa Mintsa est arrivée, le 23 avril, à l’aéroport d’Oyem aux environs de 14h, par un vol spécial de La Nationale. Plus d’une heure avant l’atterrissage de l’aéronef, l’aéroport grouillait de monde venu accueillir le héros national, Prix de l’Intégrité Transparency International. L’émotion et la tristesse se lisaient sur les visages quand les techniciens de l’aéroport ont sorti la bière de l’avion. Un long cortège d’une centaine de voitures s’est, après quoi, ébranlé en direction de la place de l’indépendance d’Oyem. Le programme des obsèques ayant prévu qu’un hommage de 2h soit rendu à celui que nombreux perçoivent comme un héros national.

A la grande surprise de tous, à l’approche du lieu de l’hommage public préconisé, un cordon d’agents de la Gendarmerie nationale, fortement armé, a barré toutes les issues y menant, intimant l’ordre au cortège de bifurquer au domicile familial par une piste difficile à la conduite automobile. «Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi nous barrez-vous la route ?», demande alors un organisateur des obsèques à un agent qui semblait être l’un des chefs. «Le cortège est trop grand et nous craignons les débordements. Il faut aller directement au domicile familial», a rétorqué l’agent. Malgré toutes les explications, tous les arguments et l’accord signé par le maire de la ville pour occuper, un moment, la place de l’indépendance, rien n’y a fait. Les gendarmes ont plutôt durci le ton en s’arc-bitant sur les consignes qui leur avaient été données.

Une situation qui n’a pas été du goût de la majorité des endeuillés. Une bonne quinzaine d’entre eux, en majorité des jeunes, a décidé de forcer un passage où étaient posté 4 agents de gendarmerie. La situation a fini par dégénérer entre les deux parties. Les endeuillés, décidés d’en découdre avec les 4 gendarmes qu’ils avaient fini par prendre en étau, ne sont revenus au calme qu’à l’appel de la famille du défunt. «Nous ne voulons pas qu’il y ait du bruit sur l’inhumation de Papa Gré. Que tous ceux qui l’ont aimé comme vous le manifestez viennent avec nous se recueillir à la maison», a conseillé l’un des frères aînés de Gregory. Et le cortège, avec difficulté, s’est rabattu au domicile familial par une ruelle très dégradée.

Il n’empêche qu’une centaine de partisans de Gregory a fini par se regrouper sur la place de l’indépendance et a effectué une petite marche jusqu’au gouvernorat en vue de demander la démission de Gustave Meviane M’Obiang du gouvernorat du Woleu-Ntem. Car, à en croire Jean Christophe Owono, ancien député de la commune d’Oyem, actuel conseiller municipal de cette même ville et membre du comité d’organisation de ces obsèques, quelques jours avant le transfert de la dépouille mortelle de Gregory, des démarches régulières avaient été entreprises aux cabinets du maire de la ville et du gouverneur de la province en vue de l’occupation de la place de l’indépendance, mais aussi à celui du commissaire de ville en vue de l’encadrement de la cérémonie par police. Curieusement, près d’une heure avant l’arrivée de l’avion qui ramenait l’enveloppe charnelle de Gregory et alors que la mise en place était terminée sur la place de l’indépendance, le gouverneur y a débarqué, flanqué du commissaire de ville, pour intimer l’ordre aux organisateurs de quitter les lieux et de ne plus organiser leur cérémonie. «J’ai levé l’accord du maire et je dis que vous ne ferez pas votre cérémonie ici. Allez faire vos hommages chez-vous. C’est moi qui suis encore le chef du Woleu-Ntem», a rétorqué Gustave Meviane à tous les arguments et justificatifs.

Les organisateurs sont alors rentrés dans une colère noire. Qualifiant la réaction du responsable administratif de la province d’énième provocation envers les fils d’Oyem. «Ç’en est de trop avec ce gouverneur. C’est la deuxième fois qu’il le fait. Il a eu la même réaction lors du décès de Pierre Claver Nzeng. Aujourd’hui c’est avec Gregory. C’est quoi cet excès de zèle ? Il veut retourner chez lui les talons devant ? Ou bien il veut qu’on le brûle vif ?», entendait-on dans la foule déchainée. Ce n’est que grâce à l’intervention du commissaire de ville qui a ramené, in extrémis, le gouverneur dans sa voiture pour quitter les lieux que le pire a été évité.

Au domicile familial où un livre d’or avait été ouvert, le déroulé des évènements a été marqué par le recueillement de la famille, des alliés, de la société civile, des amis et connaissances et de bien de quidams. Une ambiance religieuse, entretenue par les cantiques des chorales qui se relayaient et qui étaient entrecoupés par les prêches du pasteur Samuel Obame Zogo a tenu éveillée l’assistance jusqu’au lendemain.

Le 24 avril, aux environs de 11h, une messe a été dite en la mémoire de Gregory à la paroisse de l’unité du Centre communautaire d’Oyem (CCO) par le pasteur Samuel Obame Zogo qui a appuyé son homélie sur le chapitre 14, verset 1 à 3 de l’évangile selon Saint Jean qui dit «Que votre cœur ne se trouble point. Croyez en Dieu. Croyez en moi. Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon père. Si ce n’était pas le cas, je vous l’aurai dit. Je vais vous préparer une place. Et lorsque je m’en irai et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi afin que là où je suis, vous y soyez aussi». Une manière de conseiller de ne pas avoir peur de la mort. S’en est suivi le dépôt des gerbes de fleurs, dont celle de l’Hôtel de ville d’Oyem a été très remarquée. On notera également l’hommage de Marcel Libama, syndicaliste qui représentait la société civile. Dans un petit speech, il a qualifié Grégory d’homme humble, véridique et multidimensionnel. «Issu d’une famille des plus grandes bourgeoisies du Gabon. Marginalisé pour ses convictions, la pensée de Grégory Ngbwa Mintsa reste en jachère. Un patriote comme il en faut s’en est allé», a regretté le syndicaliste de l’Education Nationale qui n’a pas manqué de retracer le combat de l’homme, ses convictions et ses qualités.

Ecrivaine bien connue et sœur ainée de Grégory, Justine Mintsa Mi Eya, née Elo’o Mintsa, a résumé la vie de «l’Intègre» dans une oraison funèbre émouvante retraçant le parcours de l’expert en communication, homme politique, écrivain et acteur de la société civile qu’a été Gregory Ngbwa Mintsa, à qui le prix de l’intégrité a été décerné en 2010 par l’ONG internationale Transparency. Justine Mintsa a précisé qu’on ne saurait parler de Grégory sans faire mention de son intelligence, de son talent, de sa générosité, de son raffinement, de ses coups de colère, de ses complicités, de l’amitié, de la tendresse, de l’affection ou de son courage. Contée par Justine Mintsa, une anecdote mérite d’être ici relayée : «Une fois, il a tenu une conversation depuis notre résidence de Batterie 4 jusqu’au Cap Estérias, en ne faisant que des alexandrins, c’est-à-dire, en ne faisant que des vers de 12 pieds. Il était fascinant sur le plan intellectuel. Quand moi, admirative, pétrie d’admiration, je lui disais, «Papa Gré, tu es un génie». Modestement, humblement, il me rétorquait «Je nie»». Et de trancher : «Papa Gré, tu étais un héros sur plusieurs plans. Pars en paix. Tu as combattu le grand combat» avant d’ajouter «Grégory Ngbwa Mintsa était marié. Père de trois filles et grand-père de trois petits-fils. Mais la véritable famille de Papa Gré n’est pas sa famille nucléaire, mais elle s’étend à l’humanité toute entière».

Après l’église, le cortège, devenu plus grand qu’à l’arrivée de la dépouille mortelle à Oyem, s’est rendu au cimetière de Nfoul. Au moment de déposer Grégory dans son ultime repos, l’émotion et la tristesse avaient envahi tous les cœurs meurtris présents au cimetière. Très peu ont pu retenir leurs larmes. Même les hommes ont sorti les mouchoirs de leurs poches pour essuyer leurs larmes.

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