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Mausolée Omar Bongo: une souricière politique ?
Publié le lundi 7 avril 2014   |  Gabon Review


Omar
© Autre presse par DR
Omar Bongo Ondimba, président gabonais de 1967 à 2009.


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Alors qu’elle bénéficie d’une dotation d’une centaine de millions depuis 2010 et d’un peu plus d’un milliard de franc CFA pour la construction du mausolée Omar Bongo Ondimba, le fondation portant le nom du défunt président gabonais a lancé un appel à contributions ouvert à tout le monde. Remarques et interrogations sur cette étonnante opération qui sent bon le stratagème politique.

Les Gabonais ont découvert, le 28 mars dernier, un appel à contribution lancé par la Fondation Omar Bongo Ondimba en vue de financer la construction, à Franceville, d’un mausolée pour Omar Bongo Ondimba. Il n’en a pas fallu plus pour que le citoyen lambda en vienne à penser que «les Bongo sont fauchés. Pour construire un joli tombeau à leur père, ils en sont réduits à demander de l’argent aux gens ?», ainsi que s’est interrogé un quidam dans un café de Libreville.

Signé de Pascaline Mferri Bongo, président d’honneur de la fondation susnommée, cet «appel à contribution» publié dans les quotidiens L’Union et Gabon Matin, vise «dans un souci de mémoire collective», à «donner à chaque personne physique ou morale la possibilité d’une participation directe à la construction» du mausolée d’Omar Bongo Ondimba. Le grand public a ainsi découvert là, un tantinet surpris, l’existence d’une fondation simplement dénommée Omar Bongo, vu que seule la Fondation Omar Bongo pour la Paix, officiellement créée en mars 2005, était connue et s’était notamment fait remarquer par l’organisation d’arbres de Noël au bénéfice des enfants en difficulté, la célébration des journées mondiales de la Paix, de l’holocauste et de l’arrêt des crimes contre l’humanité. Mais cette fondation ne s’était pas encore illustrée sur ce qui devrait être son véritable fonds de commerce : la défense de la mémoire et de l’œuvre d’Omar Bongo.

Œuvre, mémoire et délit de patronyme

S’étant enfin signalée sous son vrai jour, l’on ose croire que cette fondation s’attèlera désormais à la défense de l’œuvre et de la mémoire d’Omar Bongo, créneau sur lequel elle ne s’est pas vraiment illustrée, alors que depuis 2009 la mémoire d’Omar Bongo est assez souvent bafouée. Si, en décembre 2008, elle avait déposé, au parquet de Libreville, une plainte restée sans suite contre les ONG Transparency International et Sherpa qui avaient auparavant porté plainte contre le défunt président gabonais et deux autres chefs d’Etat africains dans le cadre de l’affaire des biens mal acquis, la Fondation Omar Bongo Ondimba s’est curieusement montrée impassible lorsque l’œuvre et la mémoire d’Omar Bongo ont été outragés. A l’instar du «délit de patronyme» dont Ali Bongo avait déclaré être victime.

«Délit de patronyme, signifie que Ali Bongo souffre à cause du nom de son père, que c’est parce qu’il s’appelle Bongo Ondimba qu’il est accusé de certaines choses. Cette déclaration ayant un lien avec les biens mal acquis, on avait donc compris qu’Ali Bongo voulait ainsi dire que c’est monsieur Omar Bongo seul qui méritait d’être médiatiquement lynché au sujet des fameux biens mal acquis. Il aurait voulu dire que Monsieur Omar Bongo s’est rendu coupable de biens mal acquis qu’il ne serait pas pris autrement», commente a postériori Laure Patricia Manevy, journaliste à la Nouvelle République, avant de poursuivre : «A ce moment là, en effet, on n’a entendu aucune réaction de la Fondation Omar Bongo. De même, on ne l’a pas entendue lorsqu’un membre du cercle concentrique le plus proche d’Ali Bongo a déclaré en public, s’adressant à Louis Gaston Mayila à la télévision, qu’en 42 ans Omar Bongo n’avait rien fait. On n’a rien entendu de cette fondation lorsqu’un ministre a indiqué que le régime de l’Emergence avait trouvé, en 2009, le Gabon sous la forme d’un champ de ruines.» Il était en effet question, dans tous ces exemples, d’une remise en cause du bilan d’Omar Bongo sur laquelle la Fondation portant son nom ne s’est nullement exprimé.

Dans le même ordre d’idée, la Fondation s’est éclipsée lorsque le symbole par excellence de la posture de grand défenseur de l’Unité africaine, adoptée par Omar Bongo toute sa vie durant, a été démoli. La tenue à Libreville du sommet de l’OUA en 1977, fut en effet le seul moment où Libreville a été la capitale de l’Afrique et ce qui symbolisait le mieux ce grand moment de l’histoire contemporaine du Gabon et de l’œuvre de Bongo était la cité dite de la Démocratie. «La Fondation Omar Bongo Ondimba n’a pas été entendue lorsque cette fameuse cité de la Démocratie a été démolie. Pas plus on ne l’a entendu quand a été démoli l’un des principaux hôpitaux construits par Omar bongo : la fondation Jeanne Ebori. On ose croire que maintenant qu’elle s’est signalée au grand jour, elle donnera de la voix sur toutes les atteintes à la mémoire et à l’œuvre d’Omar Bongo. Quelle est donc cette structure censée défendre l’œuvre et la mémoire de quelqu’un et qui croise les bras quand son fonds de commerce est attaqué ?», fulmine un architecte

Chausse-trappe politique ?

L’appel à contribution lancée par cette fondation semble, par ailleurs, opportun. Il s’effectue au moment où des démissions notables sont enregistrées au sein du parti d’Omar Bongo : celle d’un ancien secrétaire général et celle d’un proche du défunt président, fondateur du Parti démocratique gabonais (PDG). Le contexte pourrait pousser à se demander si la sortie de la Fondation Omar bongo Ondimba n’a pas un lien avec ces démissions.

L’appel à contribution de la Fondation Omar Bongo Ondimba pourrait, en effet, se transformer en un piège tendu à l’ancienne baronnie du PDG, à tous les «Bongoïstes», à tous ceux qui se reconnaissent d’Omar Bongo, de sorte qu’en répondant à cet appel à contribution, ils seront publiquement remerciés par la suite, leurs noms apparaîtront naturellement dans les quotidiens nationaux, sur une liste comportant des personnalités controversées comme celles de la légion dite étrangère. Des anciens barons du PDG devenus opposants seront listés aux côtés des Ayatollahs du régime de l’Emergence. Ce qui nécessairement sèmerait le doute et le trouble au sein de l’opinion publique qui estime bien souvent que l’actuelle adversité pouvoir/opposition ressemble à un deal secret n’ayant pour but que d’assurer la quiétude au pouvoir d’Ali Bongo.

«Au plan politique, il conviendrait de s’interroger sur la portée d’une telle demande. Que seraient amenés à penser les Gabonais s’ils devaient voir figurer au nombre des contributeurs Jean Ping, Zacharie Myboto, Chantal Gondjout, Casimir Oye Mba, Jean Eyéghé Ndong, Jacques Adiahénot, etc. N’est-ce pas là un piège ? Les enfants d’Omar Bongo ne sont-ils pas de nouveau en train de vouloir nous jouer le coup de l’Union Sacrée autour de leur Papa ? Les contributeurs éventuels de l’opposition comme de la majorité feraient bien d’y réfléchir à 2 fois», souligne un ancien député.

Plus loin, il faut imaginer la cérémonie d’inauguration de ce mausolée. L’évènement sera nécessairement présidé par Ali Bongo qui se retrouverait ainsi trônant sur un parterre d’invités comptant d’illustres opposants qui seront là à titre de donateurs invités. L’effet sur l’opinion n’en serait que dévastatrice pour ceux-ci. On en vient à se demander, pourquoi en effet avoir lancé cet appel qui ressemble à une basse manœuvre de récupération politicienne ; un appel qui ressemble également à une manière de dire à tous ceux qui sur-interprètent les frottements qui pourraient exister entre Ali Bongo et Pascaline Mferri Bongo que jamais celle-ci ne roulera pour personne d’autre que son frère.

Si tel est vraiment le stratagème, «Il est tout de même malheureux que la mémoire d’Omar bongo soit exploitée à des fins aussi bassement politiciens», pense un universitaire gabonais qui poursuit : «D’autant plus qu’Omar Bongo est mort en fonction et non à la retraite. De ce fait, la construction de son mémorial est du ressort de l’Etat. L’Etat gabonais manque-t-il de ressources financières pour construire à son défunt président un mémorial ? Et même si on admettait qu’une fondation privée en vienne à construire ce mémorial, cette fondation manque-t-elle d’argent ? N’a-t-elle pas assez de donateurs ?», interroge un universitaire. On en vient à se demander avec cet enseignant si Omar Bongo n’a rien légué à sa famille, à titre de patrimoine personnel, au-delà de tout ce qu’on peut dire sur l’origine de sa fortune. «Le patrimoine d’Omar Bongo, la fortune qu’il a pu légué à sa famille ne permet-elle vraiment pas de construire un mausolée ?», s’est interrogé, à propos, un boute-en-train dans un café du centre ville de la capitale gabonaise.

Un mausolée déjà financé par l’Etat

De l’argent, la Fondation Omar Bongo Ondimba a commencé à en recevoir deux ans après sa reconnaissance, sous le récépissé N°194/MIDCLSI/SG/ZER du 21/11/2008, comme un établissement d’intérêt général. Elle bénéficie ainsi, depuis 2010, d’une subvention annuelle inscrite au Budget de l’Etat. Cette dotation qui était de 130 millions de francs CFA de 2010 à 2013, a été ramenée à 104 millions pour l’année 2014. Si dans la règle, il faut un minimum de 5 ans d’existence pour qu’une fondation puisse être reconnue d’utilité publique et bénéficier, à ce titre, de financements publics, il n’en a nullement été le cas pour la structure dont il est question et l’on est en doit de s’interroger sur la légalité des financements publics de la Fondation Omar Bongo Ondimba.

Outre les fonds publics alloués à cette fondation, on note que les deniers publics financent la construction du mausolée en projet, puisqu’il ressort du documentaire budgétaire de la loi de finances rectificative pour 2013 qu’une dotation de 1,04 milliard de francs CFA a été affectée à la réalisation de ce mausolée. S’il est tout à fait normal que la construction du mausolée d’un ancien chef d’Etat décédé en fonction soit financée par les fonds publics, il est néanmoins raisonnable de s’interroger sur le montant final de l’ouvrage et le choix du maître d’ouvrage, dès lors que ces crédits sont placés sous la gestion de l’Agence nationale des grands travaux (ANGT). Qui donc est le maître d’ouvrage pour la réalisation du mausolée dont il est question ? Est-ce l’Etat gabonais – à travers quel ministère ?- ou la Fondation Omar Bongo Ondimba ? Qui est le destinataire de ces travaux ? Qui en a réalisé les plans ? Qui les a validés ? Autant d’interrogations qui resteront confinés dans la nébuleuse habituelle de certains mouvements financiers que le public et la presse n’a cesse de déplorer.

Par ailleurs, la dotation budgétaire pour la construction de ce mausolée n’étant pas une subvention à la Fondation Omar Bongo Ondimba, l’Etat devrait donc directement être en charge de sa construction. Dans ce contexte, comment procédera donc la Fondation avec les contributions qu’elle serait amenée à recevoir ? L’appel à contribution s’adressant aussi bien aux personnes physiques qu’aux personnes morales, comment les entreprises doivent-elles se comporter en face d’une telle demande ? «N’est-ce pas là une forme de racket déguisé dès lors que les entreprises auront peur des conséquences pouvant advenir du constat, par les organisateurs de l’opération, de leur refus de participer au financement du mausolée d’Omar Bongo ?», interroge une jeune dame, cadre à la Direction générale des impôts, qui sait donc de quoi elle parle. Ce qui amène à se demander si cela n’ouvre-t-il pas la porte à toutes sortes de dérives, concernant notamment les établissements et entreprises publiques tels que la CNAMGS, la CNSS, l’Oprag, les multiples Agences et autres qui voudront faire du zèle ? Et que dire des compagnies pétrolières qui ne manqueraient pas de verser cette contribution pour l’imputer ensuite à leurs impôts ?

Mais, la fondation Omar Bongo Ondimba a-t-elle bien reçu les montants figurant dans loi de finances rectificative de 2013 ou sait-elle que l’ANGT en a été alimenté ? Si tel est le cas, pourquoi donc vient-on ainsi humilier l’Etat gabonais ? «C’est une humiliation pour l’Etat gabonais que de laisser ainsi démonter qu’il n’est pas capable d’offrir à Omar Bongo un mémorial, au point où il faut appeler au tout venant. Que l’Etat dénonce ce communiqué», estime l’ancien député sus cité.

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