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Tribune Libre | Des dialogues de sourds à la République parlementaire
Publié le mercredi 22 mars 2017  |  Gabon Review
Noël
© Autre presse par DR
Noël Bertrand Boundzanga, leader du Club 90
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En prélude à la tenu du dialogue politique souhaité par Ali Bongo Ondimba, et à laquelle, il ne prendra certainement pas part, le fondateur du «Club 90», une «majorité citoyenne» en opposition à la majorité présidentielle, Noël Bertrand Boundzanga, fait sa proposition du régime qui irait mieux au Gabon, afin d’offrir au pays et à sa population une chance de vivre dans un pays prospère et en paix. L’Universitaire, auteur de «Le Gabon, une démocratie meurtrière (2016)», ouvre la discussion dans la tribune libre, ci-après.

Ma proposition est la suivante : passer du régime sémi-présidentiel à une République parlementaire, avec un pouvoir exécutif détenu par un Premier ministre qui dépend du pouvoir législatif. En ce sens, Ali Bongo serait président de la République, mais ne détiendrait pas le pouvoir exécutif qui, lui, échoirait au Premier ministre, chef du gouvernement et première autorité de l’administration publique. Ali Bongo serait ainsi épargné des menaces de poursuites judiciaires, mais des discussions de fond devraient permettre de lui confier des fonctions symboliques et aussi de représentation. La fonction de président de la République est soumise au vote pour un mandat de sept ans renouvelable, ainsi il n’y a pas de transmission héréditaire du pouvoir.

La présente proposition n’est certainement pas la meilleure. Mais tous les pans de notre société doivent être attentifs et se sentir concernés par la crise qui mine notre pays afin de faire des propositions qui transcendent les clivages et donnent une chance au Gabon et aux Gabonais de vivre dans un pays prospère et en paix. La discussion est donc ouverte. Mais en deux mois, on pourrait régler cette crise et ramener la sérénité au Gabon.

Ali Bongo ne veut pas quitter le pouvoir, c’est certain ; ses soutiens aussi ne veulent pas perdre les privilèges de ce pouvoir, c’est évident. En plus, il n’est que la figure incarnant ce pouvoir ; derrière, ils sont nombreux. C’est une nébuleuse. Et s’il faut massacrer, la nébuleuse massacrera. Elle en a déjà fait la preuve. Elle détient la force publique, notamment l’armée, et la puissance financière publique. La nébuleuse a les moyens de la contrainte.

Jean Ping n’est plus en capacité de faire tomber Ali Bongo. Lui aussi incarne une volonté populaire mais qui ne possède pas les moyens de ce qu’elle désire. Cette volonté populaire ne veut plus d’Ali Bongo comme président. L’élection du 27 août 2016 a permis de le démontrer, mais ce n’était pas suffisant pour mettre un terme au règne des Bongo. Jean Ping a pu compter ensuite sur la communauté internationale. Mais la diplomatie est un théâtre d’ombres. Il est évident que l’Union européenne prononcera des sanctions contre le régime, mais celles-ci n’ont pas vocation à faire partir Ali Bongo. Il suffit de voir Pierre Nkurunziza au Burundi pour s’en convaincre. Et puis, cette communauté internationale a déjà tellement trompé le projet de l’alternance démocratique au Gabon, qu’il n’est plus bien intelligent de se fier à elle. Les liens d’affaires, maçonniques, claniques… démontrent qu’ils sont plus forts que la démocratie. Dans l’opposition, certains évoquent un soulèvement populaire. En théorie, c’est toujours bien d’y penser ; en pratique, c’est une espérance inatteignable… même si trois cents personnes décidaient de devenir une chair à canons. Les Gabonais sont pacifistes, et on ne peut pas leur en vouloir.



La société civile sape le gouvernement du régime. Les syndicats ont la main dans le cambouis. Gouverner devient pénible pour Issoze Ngondet et Ali Bongo, d’autant que ceux qui doivent être commandés par eux refusent de l’être. Ainsi, dans la Fonction publique, il n’y a presque plus de travail. Une situation qui reflète la crise de l’autorité et met en lumière les risques que court le pays. Les menaces, intimidations, coupures de salaires et arrestations n’ont pas raison de leur volonté de changement. Parfois, la loi du plus fort n’est pas la meilleure. Mais au Palais de marbre, on reste de marbre. Peut-être l’isolement du pouvoir.

La diaspora gabonaise en Europe n’a pas cessé de remettre en cause l’élection d’Ali Bongo ; elle continue à braver l’hiver au Trocadéro, se livrant aussi à la curiosité des contemplateurs de la Tour Effel, défiant la ténacité d’Ali Bongo et sa nébuleuse. Il n’y a rien que le temps ne guérisse, pense-t-on à la Tour de Pise, mais pendant ce temps… L’image du Gabon s’est considérablement dégradée dans le monde.

Or, cette image est notre patrimoine à tous, un argument commercial de taille, un avantage politique historique qu’il est de notre devoir de préserver, de protéger et d’améliorer. De cela, dépendent l’arrivée des investisseurs et donc de la reprise économique, de la création de richesses et de la création d’emplois pour tant de compatriotes qui ont le sentiment de n’avoir pas de dignité parce qu’ils n’ont pas d’emploi. Pendant ce temps, des compatriotes perdent le bénéfice de l’éducation et de la qualité des services publics. Le pays sombre tout doucement… on attend de toucher davantage le fond pour frémir. A cette allure, surtout avec la récente suspension de la Conasysed, il ne serait pas étonnant de voir de nouvelles violences déferler sur les compatriotes, comme ce fut le cas contre les élèves (la jeunesse sacrée et sacrifiée) il y a quelques semaines.

A l’escalade de la violence, peut succéder la violence. Mais ce n’est certainement pas ce que veulent les hommes épris de paix ainsi qu’ils le clament, tels qu’Ali Bongo, Marie-Madeleine Mborantsuo, Emmanuel Issoze Ngondet, Etienne Massard, Noël Matha, André Dieudonné Berre, Guy Nzouba Ndama, Jean Ping, Casimir Oyé Mba, Léon Paul Ngoulakia, Bruno Ngoussi, Barro Chambrier, Zacharie Myboto, Jean Rémy Yama… Il faut se ressaisir. OUI, IL FAUT SE RESSAISIR !!!! De toutes parts, il n’y a que des Gabonais, même d’adoption. Il faut permettre à ceux qui veulent travailler de travailler, de manière à conduire le pays vers la prospérité recherchée et les populations vers le bien-être voulu.

Transcender les clivages. Pour sortir de cette inertie meurtrière, en tenant compte des hommes en concurrence et de la volonté de bâtir paisiblement notre nation encore fragile, les uns et les autres devraient transcender leurs égos et laisser la primauté au Gabon, selon l’expression héritée de Léon Mba : «Gabon d’abord».

Ma proposition est la suivante : passer du régime sémi-présidentiel à une République parlementaire, avec un pouvoir exécutif détenu par un Premier ministre qui dépend du pouvoir législatif. En ce sens, Ali Bongo serait président de la République, mais ne détiendrait pas le pouvoir exécutif qui, lui, échoirait au Premier ministre, chef du gouvernement et première autorité de l’administration publique. Ali Bongo serait ainsi épargné des menaces de poursuites judiciaires, mais des discussions de fond devraient permettre de lui confier des fonctions symboliques et aussi de représentation. La fonction de président de la République est soumise au vote pour un mandat de sept ans renouvelable, ainsi il n’y a pas de transmission héréditaire du pouvoir.


J’y vois au moins un avantage. Au sein du PDG et de la majorité, nombre de personnalités sont épuisées et désespérées d’être sous la tutelle politique d’un Bongo. Ce sera l’occasion pour elles de s’affranchir de la puissante famille et creuser leur sillon au sein même du PDG. Puisque le statut de président de la République prive celui qui occupe cette fonction d’une appartenance à un parti politique. Le PDG ne serait donc plus un patrimoine des Bongo, mais des militants. De vrais courants idéologiques pourraient y naître qui donneraient lieu à de véritables choix politiques. Côté opposition, une vraie espérance pourrait naître au moins parce qu’elle ne serait plus confrontée à l’ogre Bongo qui, dans l’ordre ou le désordre, gagne toujours les élections. Le Premier ministre sera élu pour cinq ans, renouvelable deux fois. Pour assurer à tous les partis la même égalité de chance de gagner les élections législatives, il deviendra nécessaire de plafonner les budgets de campagne et surtout de contrôler son financement.

Cette réforme appelle évidemment d’autres réformes, notamment celles relatives au pouvoir de nomination. Ni le président de la République ni le Premier ministre ne sera plus le chef de la magistrature suprême. Le Procureur de la République sera élu par les pairs parmi les magistrats ayant candidaté. Il en est de même pour le président du Conseil national de la Communication qui sera élu parmi les journalistes ou un profil en communication ayant postulé. La société civile serait représentée au sein du CNC. L’objectif visé est d’assurer aux magistrats et aux journalistes leur pleine liberté professionnelle.

Que devient alors la Commission électorale nationale autonome et permanente ? Il convient, de prime abord, de souligner que le ministère de l’Intérieur ne prend plus aucune part dans le processus électoral, à l’exception de celui d’assurer la sécurité publique. Dans un contexte où le Gabonais ne fait confiance à aucun Gabonais, il faudra recourir à l’expertise extérieure, l’ONU par exemple, pour organiser ces élections. Le Gabon utilisera sa souveraineté pour recourir librement à un organisme international qui aura la charge d’organiser les prochaines élections législatives, avant octobre 2017. Quand la confiance mutuelle entre Gabonais sera revenue, une Commission électorale sera créée pour organiser les élections politiques au Gabon. Elle comptera à parité les représentants des partis politiques de la majorité, de l’opposition et de la société civile.

La présente proposition n’est certainement pas la meilleure. Mais tous les pans de notre société doivent être attentifs et se sentir concernés par la crise qui mine notre pays afin de faire des propositions qui transcendent les clivages et donnent une chance au Gabon et aux Gabonais de vivre dans un pays prospère et en paix. La discussion est donc ouverte. Mais en deux mois, on pourrait régler cette crise et ramener la sérénité au Gabon.

Je me trompe, peut-être, mais c’est ce que je pense.

Auteur : Noël Bertrand Boundzanga, universitaire, auteur de Le Gabon, une démocratie meurtrière (2016), membre du Club 90
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