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Climat socio-politique : Le défi de la politique au sens noble
Publié le jeudi 16 fevrier 2017  |  Gabon Review
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Le gouvernement gagnerait à envoyer des signaux forts aux forces sociales afin de désamorcer la tension, une période d’austérité étant en vue.

Colère, incompréhension, étonnement… Plus de cinq mois après le déclenchement de la crise post-électorale, la solution de sortie se fait toujours attendre. Se voulant ferme et inflexible, l’actuelle majorité manie la carotte et le bâton. Tout en proclamant son intention d’organiser un «dialogue national inclusif et sans tabou», elle se montre fermée à deux questions d’importance voire préjudicielles, à savoir : la libération de l’ensemble des personnes arrêtées durant les émeutes du 31-août dernier et, la justice pour les familles des victimes. Au-delà, elle s’efforce de minimiser le refus des leaders politiques ou associatifs les plus représentatifs de prendre langue avec elle.

Un caillou dans sa chaussure

Pour ses concepteurs, cette stratégie se comprend et se justifie. Certains la décrivent même comme porteuse et salutaire, l’intransigeance et le recours systématique à la méthode forte étant la marque de fabrique de l’actuelle majorité. Il en avait été ainsi après la présidentielle de 2009. Au lendemain de ce scrutin également contesté, une opération de nettoyage idéologique d’une rare violence fut menée dans l’administration. Après la formation du gouvernement alternatif d’André Mba Obame, des oukases de tous ordres s’abattirent sur son parti et ses partisans : de nombreux fonctionnaires furent privés de leurs salaires et l’Union nationale fut dissoute dans des conditions surréalistes. Il en a aussi été ainsi à la veille de la dernière présidentielle : tous les activistes présumés ou toutes les personnes soupçonnées de pouvoir animer la rue furent systématiquement mises aux arrêts. Pour des motifs pas toujours évidents, des leaders associatifs et des syndicalistes passèrent ainsi par la case prison. Certains y sont encore aujourd’hui.

À première vue, l’actuelle majorité a de bonnes raisons de se montrer dure et rude. Ayant jusque-là usé et abusé de l’intimidation, elle croit en l’efficacité de sa méthode. Feignant de rechercher une solution politique globale, elle agit cependant sur les individus : elle tente de mettre chacun face à lui-même et à sa destinée personnelle. Pour tout dire, elle veut semer les germes de la désunion en amenant chaque citoyen à analyser l’avenir à l’aune de ses intérêts ou de sa condition. Surtout, elle entend mettre en exergue une absence de solidarité et un manque d’empathie supposés, espérant susciter découragement et démobilisation au sein de la population.

Peu lui chaut si le Dialogue national pour l’alternance voulu par Jean Ping a mobilisé des énergies d’horizons divers. Peu lui importe si les Gabonais de l’étranger continuent inlassablement de battre le pavé. Les dénonciations et recommandations du Parlement européen relatives aux droits humains ne l’émeuvent pas davantage. De son point de vue, tous ces faits ne menacent pas directement sa longévité au pouvoir, même s’ils constituent indéniablement un caillou dans sa chaussure et nuisent gravement à sa crédibilité au plan international. À ses yeux, seuls comptent l’effectivité du pouvoir et ses bénéfices. Contrairement à toute logique démocratique, seul le soutien des forces de défense et des institutions la préoccupe.

Des signaux forts

N’empêche, si elle ne revoit pas sa stratégie, l’actuelle majorité pourrait le payer très bientôt. Et au prix fort. En optant pour l’austérité, lors du sommet tenu à Yaoundé le 23 décembre dernier, les chefs d’État de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac) ont choisi de faire face aux forces sociales. Si les précédents ajustements structurels avaient pu être imposés, c’était en raison du contexte de parti unique. Naturellement, il n’en sera pas de même cette fois-ci. Sur bon nombre de points précis, il faudra négocier avec les syndicats et plus largement la société civile. Dès lors, la propension de l’actuelle majorité à bander les muscles devient incompréhensible. Et pour cause : réduire le train de vie de l’État revient à revoir à la baisse la dépense publique, singulièrement la masse salariale, les intérêts de la dette, le fonctionnement et les subventions. Peut-on réduire la masse salariale sans procéder à des charrettes ou à des réductions de salaires ? Est-ce possible dans un contexte d’animosité vis-à-vis des syndicalistes les plus emblématiques ? Est-il possible de réduire l’assistance à des entités assurant une mission de service public sans susciter une grogne sociale ? Est-ce envisageable dans un climat de rancœur généralisée ?

Au demeurant, la situation actuelle mène droit à une impasse. Sans le savoir, la majorité au pouvoir est en train de créer les conditions d’un blocage complet du pays à court ou moyen terme. Elle ne peut s’entêter à user de la coercition. Si elle entend affirmer son autorité, les forces sociales, elles, semblent déterminées à ne pas s’en laisser conter. Au train où vont les choses, on peut déjà pronostiquer un durcissement à venir, un raidissement des positions. Or, dans la perspective de la mise en œuvre d’un éventuel plan d’ajustement structurel, il est urgent de désamorcer la tension politico-sociale. Il en va de l’aboutissement des négociations préalables à la mise en œuvre du plan d’ajustement structurel dont les composantes seront arrêtées avec le Fonds monétaire international (FMI). De deux choses l’une alors : soit le gouvernement réussi à mâter et réduire toute contestation politique ou sociale ; soit il envoie, dès à présent, des signaux forts à l’ensemble des forces sociales. Autrement dit, soit il opte pour un interminable «jeu de main, jeu de vilain» aux conséquences incertaines ; soit il prend l’option de la politique au sens noble, avec les concessions subséquentes. Mais, pour faire des concessions, il faut savoir placer l’intérêt général au-dessus des intérêts particuliers et partisans. L’actuelle majorité en est-elle capable ? Là réside le vrai défi…
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