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Paul-Marie Gondjout : «La France a mal à l’Afrique»
Publié le jeudi 19 janvier 2017  |  Gabon Review
Paul-Marie
© Autre presse
Paul-Marie Gondjout, secrétaire général adjoint de l’Union nationale (UN, opposition)
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Inspiré par une tribune publié dans le JDD du week-end dernier, axée sur la quasi-dépendance mutuelle entre la France et l’Afrique, le Secrétaire exécutif adjoint chargé des élections à l’Union nationale, livre à travers le libre-propos ci-après, publié in extenso, son point de vue sur une «relation (qui) doit faire sa mue». S’il invite la France à reconnaître qu’elle a acquis sa puissance grâce à l’Afrique, Paul-Marie Gondjout lui propose 5 principales approches pour l’aider à «inverser la longue tendance baissière de ses parts de marché en Afrique».

Après le sommet Afrique-France de Bamako les 13 et 14 janvier dernier, nombre d’observateurs continuent de se demander ce qu’il faut retenir de ce type de rassemblement qui pourrait être dit du jardin afro-français, ou franco-africain, c’est selon. J’ai lu une tribune libre dans le Journal Du Dimanche (JDD), signée de Jean-Louis Borloo, Jack Lang, YJ Djimi et Pascal Lorot, sous le titre de «La France a besoin de l’Afrique». Elle m’a inspiré la réflexion suivante :

On note aujourd’hui que dans son rapport à notre continent, la France perd du terrain. Son positionnement est perçu, tantôt comme peu ou pas cohérent, et tantôt comme une absence de vision à long terme de ce qu’elle entend mettre en œuvre ou renforcer en termes de stratégies politiques, économiques et militaires avec le continent. La politique de la France était critiquée et objectée sous les ères gaulliennes et mitterrandienne ; mais elle avait, à ces époques, le mérite de la cohérence et d’un objectif clair de rayonnement international de ce pays, qui passait, entre autres, par son positionnement économique, politique et militaire en Afrique.

Qu’en reste-t-il aujourd’hui, si ce n’est une hypocrisie entretenue de part et d’autres des différents pouvoirs français et des présidences africaines francophones ?

D’un côté il y a la France qui se tourne vers l’Europe en lorgnant du coin de l’œil l’Afrique, dans une forme d’indifférence, feignant d’oublier que sans elle et son énorme potentiel encore peu exploité, elle ne serait probablement pas la 2ème puissance européenne. De l’autre côté, il y a les Pouvoirs africains qui font semblant de se désintéresser de la France mais se précipitent à Paris pour conforter un pouvoir quand ils sont en mal de légitimité ou la veille des élections, pour s’y faire adouber. Un jeu qui semble être de dupes, mais qui n’en est pas.

Alors oui, je dis comme l’affirment Jean Louis Borloo, Jack Lang, Yves Justice Djimi et Pascal Lorot, que «la France a besoin de l’Afrique» et celle-ci a aussi besoin de la France dans un autre type de relation qui ne voudrait pas que la France ait choisi de se marier à l’Europe en prenant pour maitresse l’Afrique.

De mon point de vue, cette relation doit faire sa mue, et la France doit humblement reconnaître qu’elle doit aussi sa puissance, sa liberté et son indépendance, à l’engagement de l’Afrique à ses côtés ; d’abord sous l’ère de la tutelle coloniale, et ensuite à travers des relations spéciales tissées après 1960 avec les anciennes colonies devenues indépendantes, qui lui ont permis, à bon marché, de jouir quasi exclusivement de ressources qu’elle n’aurait pu avoir ailleurs, dans les mêmes conditions.

Cette reconnaissance aura le mérite d’impulser une dynamique nouvelle, et de décomplexer une relation vis à vis de l’Afrique, pour s’engager dans la voie d’une vraie coopération d’intérêts objectifs, basée sur le respect des règles de l’économie de marché et de l’Etat de droit, et sur celui des valeurs démocratiques et des droits humains. C’est souvent dit, mais si peu de fois appliqué, qu’on assiste à une confusion qui naît du traitement à géométrie variable, de situations pourtant similaires selon que tel ou tel pays est sur la sellette.

Prenons le cas du Gabon, mon pays, où bien qu’ayant officiellement soutenu la Mission d’Observation des Élections de l’Union Européenne, la France a choisi, malgré le rapport accablant de cette mission, de se taire sur la forfaiture du candidat d’un régime vieux de 50 ans, qui ne finit pas de mettre le Gabon à genoux par le pillage de ses ressources, la corruption, le déni de droit, etc. Un régime qui fracture gravement le tissu social, et qui est un frein au développement et à l’intégration économique sous régionale.

Même au nom du cynisme politique, on ne peut pas vouloir quelque chose d’une main et la rejeter de l’autre. C’est incohérent.

Loin de moi l’idée que la France doive décider dans le processus des élections dans nos pays. Mais tout de même, comment peut-on laisser faire quelque chose quand on a la capacité politique et militaire de peser sur le cours des évènements, pour que la vérité et la souveraineté des peuples soient établies et respectées. Faire le contraire c’est de la non assistance à peuple en danger, et dans le cas du Gabon, la France qui y entretient une base militaire et des personnels dans les forces de sécurité et de défense, doit assumer une partie des massacres des sicaires du pouvoir perpétrés sur des populations innocentes et dont elle a forcément eu connaissance.

L’incohérence, c’est aussi quand le discours n’est pas en conformité avec les vrais objectifs visés.

On ne peut pas nous faire croire que quand la France intervient en Afrique, elle ne cherche pas à influer sur sa politique, encore moins à capter ses ressources. Je serai heureux et me sentirai respecté que le discours le reconnaisse pour enlever de moi ce doute qui me forcerait à penser que l’intervention française serait le résultat d’un altruisme ou d’un humanisme désintéressé. Je cale dessus, et cela n’aide pas à nous comprendre pour faire avancer les choses entre la France et l’Afrique.

La France s’est depuis mise à dos une grande partie de la jeunesse et des élites africaines. A leurs yeux elle ne représente plus que le passé, laissant l’avenir aux nouvelles puissances de ce monde.

Alors oui, il faut faire évoluer les rapports entre l’Afrique et la France, pour leur donner un nouveau sens. Certes la langue que nous avons en commun nous rappelle que nous avons avec la France des liens de vieille sécularité, mais si la France veut inverser la longue tendance baissière de ses parts de marché en Afrique pour espérer participer à l’émergence de l’Afrique et maintenir sa position en Europe et dans le monde, je vois les approches suivantes, pour amorcer des relations nouvelles et productives qui amènerait la France à :

1- Investir lourdement en Afrique dans les infrastructures, et se départir de la philosophie d’économie de «comptoir» héritée du passé ;

2- Renforcer et/ou Créer des partenariats pour des pôles de recherches orientées vers les besoins locaux ;

3- Substituer aux efforts de dépenses liées aux accords de défense, des efforts dans l’investissement pour des formations de pointe, par le biais de partenariats locaux ou interétatiques ;

4- Revoir les critères de fonctionnement du Franc CFA (FCFA) et attacher à la garantie de sa convertibilité, des conditionnalités politiques comme le respect scrupuleux des règles de l’alternance démocratique, et la transparence dans la gestion des affaires publiques, notamment les finances publiques des Etats ;

5- Redéployer la coopération militaire et policière, pour la garantie de la sécurité mutuelle des Etats.

Paul-Marie Gondjout, Secrétaire exécutif adjoint chargé des élections à l’Union nationale (UN).
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