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Climat postélectoral : Ali Bongo peut-il s’en tirer ?
Publié le jeudi 3 novembre 2016  |  Gabon Review
Cérémonie
© Autre presse par DR
Cérémonie d`investiture du président Ali Bongo
Mardi 27 septembre 2016. Libreville. Le président réélu du Gabon, Ali Bongo Ondimba a prêté serment en présence de quatre chefs d’Etat africains et de plusieurs personnalités.
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Le président de la République s’est maintenu au pouvoir grâce au soutien inconditionnel des institutions et des forces de défense. Mais, dans la conduite quotidienne des affaires de la cité, ces soutiens atypiques ne sont pas d’une grande utilité.



La conquête, la conservation et l’exercice du pouvoir d’Etat n’ont pas grand-chose de commun. Ils ne requièrent ni les mêmes compétences, ni les mêmes moyens, ni les mêmes acteurs, ni le même timing. Omar Bongo fut sauvé par une intervention de la Légion étrangère française en 1990. La Légion étrangère n’a rien pu faire ensuite pour éviter les événements dramatiques de février 1994. Il avait réussi à transformer les Accords de Paris en instrument de légitimation et de renforcement de son pouvoir. Les Accords de Paris l’ont, par la suite, condamné au consensus mou, lequel a davantage escamoter les problèmes au lieu de les régler. Le « Doyen» a avait érigé la ruse en principe de gouvernance. Sa gouvernance a, au finish, été unanimement contestée, y compris par ses héritiers naturels et politiques.

Moyens inopérants

S’étant maintenu au pouvoir au terme d’une élection chaotique et meurtrière, Ali Bongo doit pouvoir méditer cela. Les institutions et forces de l’ordre étant victimes d’une défiance populaire, il doit réfléchir à l’impact de cet état de fait sur sa gouvernance. Et pour cause : dans la conduite quotidienne des affaires de la cité, ces soutiens atypiques ne suffisent plus. Pire, ils se révèlent inutiles voire contreproductifs. Ils lui ont permis de conserver le pouvoir mais ne peuvent nullement l’aider à l’exercer. Comme on pouvait le prévoir, ni Paulette Ayo Akoly et la Cour d’appel judiciaire, ni René Aboghé Ella et la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap), ni Pacôme Moubelet-Boubeya ou Lambert-Noël Matha et le ministère de l’Intérieur, ni Marie-Madeleine Mborantsuo et la Cour constitutionnelle, ni les différents chefs d’état-major ne peuvent aujourd’hui faire redémarrer une machine administrative évoluant dans un climat anxiogène.

C’est connu : pour son fonctionnement régulier, l’administration a besoin de moyens juridiques, matériels et humains. Ces éléments sont aujourd’hui totalement inopérants, le processus électoral ayant été conduit hors de toute norme et sans égard pour personne. Là où il fallait sacraliser le droit et consacrer le respect des instruments juridiques, les personnalités en charge de l’organisation de cette élection ont décidé de tout saccager. Sans en mesurer la portée, elles ont volontairement délégitimé tout le corpus juridique national. L’exemple venant d’en haut, il est aujourd’hui difficile d’exiger l’application des textes. Sauf, bien entendu, à laisser penser à une application à la carte.

Loi d’airain de la démocratie

Manifestement, Ali Bongo est victime de ses soutiens. La paralysie observée dans l’administration est d’abord une réponse à leur attitude. Pourtant censés être au service de l’intérêt général, ces dirigeants d’institutions ont fait des choix pas toujours conformes à leurs missions. Ils ont accumulé les décisions surréalistes et mesures scélérates. Ils ont modifié unilatéralement le contenu de lois, pris des libertés avec les règles de l’arithmétique, initié des interprétations spécieuses des textes pour finir par donner le sentiment de se prendre pour le peuple souverain.

Ce rejet des normes, ce sentiment de toute-puissance et ce mépris pour l’autre ont inévitablement débouché sur une frustration généralisée, un sentiment d’humiliation largement répandu. Doit-on s’en étonner ? La mise au pas forcé de la population a, de tout temps et sous toutes les latitudes, été un pari risqué. L’atonie générale actuelle l’atteste. Après plus de trois décennies passées dans les arcanes du pouvoir, Ali Bongo découvre subitement une loi d’airain de la démocratie : la fin ne justifie pas les moyens. Pendant sa campagne, il l’a ressenti. Il avait anticipé la situation actuelle, se disant prêt à une «discussion sans tabou» dès le 24 août dernier. Pour y parvenir, il lui fallait l’emporter sans donner le sentiment d’avoir été imposé, sans radicaliser les positions et sans rompre le lien social.

Malheureusement, la cohésion sociale a été atteinte comme jamais. Comme on pouvait le redouter, les conditions de la proclamation des résultats et le traitement particulier du mécontentement populaire ont lacéré notre vivre ensemble. Les organisateurs de ce scrutin ont-ils conscience d’avoir joué avec le feu ? Croient-ils avoir servi la collectivité ? De leur propre chapelle, s’élèvent des voix pour inviter à renouer les fils du dialogue. Est-ce possible ? Est-ce opportun ? Pour l’heure, l’administration, singulièrement le système scolaire, paie le prix de leur parti pris, de leur inconséquence et de leur incompétence.

Issue conditionnée

Le dialogue appelé de ses vœux par Ali Bongo est fraîchement accueilli par l’opposition et une bonne partie du corps social. Jean Ping, le premier, avait annoncé devoir lancer sa propre initiative. De nombreuses forces sociales ont, depuis, dit le soutenir. Contrairement à la rhétorique vaniteuse des zélotes de l’émergence, l’ancien candidat consensuel de l’opposition conserve une forte capacité de nuisance. Ayant officiellement appelé à voter pour lui en août dernier, la Convention nationale des syndicats du secteur éducation (Conasysed) pourrait très bien renvoyer la rentrée des classes à la Saint-Glinglin. Pis, de nombreux leaders syndicaux et associatifs, parmi les plus représentatifs, l’ayant ouvertement soutenu, ils pourraient être tentés de paralyser l’administration ou tout au moins de la faire tourner au ralenti. Les soutiens d’Ali Bongo ne peuvent faire comme si la «journée de deuil», initiée par l’opposition le 6 octobre dernier, n’a jamais au lieu. Ils doivent parfois se résoudre à regarder la réalité en face… Un enlisement de la situation actuelle ? C’est effectivement une issue pour le gouvernement. Mais, elle semble conditionnée.

Si des frictions venaient à apparaître au sein de la coalition formée autour de Jean Ping, si le soutien de la société civile venait à lui faire défaut et si les populations se laissaient gagner par le découragement, Ali Bongo pourrait alors envisager l’avenir avec sérénité. Encore faudrait-il être en mesure de surfer sur cette vague. Or, l’expérience des sept dernières années laisse penser le contraire : malgré les vides successivement créés par la dissolution de l’Union nationale (UN), le décès de Pierre Mamboundou, le retrait forcé puis la disparition d’André Mba Obame, jamais la majorité au pouvoir n’a paru sereine. Systématiquement, elle a fait montre de fébrilité. Invariablement, elle a agi avec brutalité. Avec un dogmatisme consommé, elle a marginalisé une bonne partie de la population. Au final, elle a préparé son propre rejet par la population.

Pour ne pas retomber dans les errements des sept dernières années, pour enfin prétendre gérer le pays tout entier, Ali Bongo devra profondément remanier sa gouvernance. Son régime donne trop souvent le sentiment de n’être ni à la hauteur des défis ni de celui des enjeux, entre petits arrangements entre amis, sectarisme partisan, protection et promotion des zélateurs. Des gouvernants sur la défensive et évoluant dans l’endogamie ne peuvent ouvrir les sentiers de l’avenir. La gestion d’un pays fait appel à d’autres attitudes. Ali bongo peut-il se transcender ? C’est maintenant ou jamais.
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