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Le maintien de l’ordre à l’heure de l’Emergence
Publié le jeudi 22 septembre 2016  |  Gabon Review
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Les morts et dégâts enregistrés lors des manifestations postélectorales laissent transparaître l’incompétence de la hiérarchie policière, le refus d’entrer dans la modernité du maintien de l’ordre et comme une volonté de faire mentir Ali Bongo qui s’indignait, encore récemment durant la campagne électorale, des tirs sur les populations par Kadhafi. Pour qui roulent les patrons des forces de l’ordre ?À quand l’émergence dans le maintien de l’ordre ?

Le bilan provisoire des émeutes postélectorales fait officiellement état de 4 morts alors que selon le camp Jean Ping, il y en aurait bien plus – «entre 50 et 100». Mais, même s’il n’y avait eu qu’un seul mort, ce serait toujours un mort de trop. Sur le plan matériel, on pense aux boutiques et magasins pillés, aux voitures incendiées, aux bris des ouvertures du Conseil national de la démocratie, à la mise à feu des locaux du quotidien L’Union et surtout à l’incendie de l’hémicycle de l’Assemblée nationale. On n’en serait certainement pas là si le service de maintien de l’ordre avait fonctionné. Ce bilan est donc celui de l’échec de la Police nationale et de toutes les autres forces commisses le 31 août dernier pour contenir la furie des manifestants. Dire qu’on s’y attendait.

Echec de la Police et forces alliées pour le maintien de l’ordre

Comment expliquer en effet que la foule ait pu partir du QG de Jean Ping aux Charbonnages, sans avoir pu être dispersée avant qu’elle ne parvienne au rond-point de la Démocratie ? Comment expliquer qu’elle ait pu avancer ensuite jusqu’aux abords de Gabon Télévision ? Si ce n’est pas un échec des services de maintien de l’ordre, ça y ressemble fort. On se souvient pourtant des simulations d’intervention de la Police face à une foule de manifestants, le 23 juin dernier lors des Journées nationales de la sécurité intérieure. Avec le recul, on pourrait penser que ces parades ne visaient qu’à impressionner le chef de l’Etat. Les nouvelles recrues n’ont vraiment jamais été formées, entrainées au maintien de l’ordre, ni avec des foules sortant d’un stade, ni par des manœuvres. L’échec de l’intervention des forces de l’ordre, le 31 août dernier, pourrait également s’expliquer par la nature des derniers recrutements et par la qualité de leur équipement.

Les derniers recrutements à la Police étaient en effet basés sur l’approche genre. Autrement dit, il a été recruté autant de femmes que d’hommes. L’utilisation de cette parité sur le terrain s’est finalement révélée inféconde. Selon une source policière, un escadron comportant de nombreuses filles et envoyé contenir les émeutes du 31 août à Mouila, a très vite administré à la hiérarchie la preuve de son incapacité à réussir sa mission. L’approche genre a donc induit une diminution des effectifs opérationnels. Ce pourrait également expliquer que les flics semblaient débordés, mais aussi que les forces de 2e et 3e catégories aient été mises à contribution dès le début des opérations.

Les hommes de troupes étaient en effet bien souvent débordés et blasés par le matériel parfois défectueux mis à leur disposition. Ainsi, les deux camions lanceurs d’eau qui campaient au rond-point de la démocratie n’auront pas vraiment été utiles : l’un des canons ne propulsait l’eau qu’à moins de deux mètres tandis que l’autre ne fonctionnait pas du tout. De même, tout au long des affrontements entre la foule et les forces de l’ordre, de nombreuses grenades lacrymogènes n’ont pas percuté, comme si elles étaient de mauvaise fabrication ou de péremption périmé. Les choses se sont passés comme si le matériel avait été acquis au noir, sur le marché de l’occasion, et jamais essayé, notamment dans le cas des camions lanceurs d’eau. C’est donc l’échec des hiérarques des forces de l’ordre qui passent la commande de ce matériel de mauvaise facture. On aura beaucoup parlé d’armée en or ces dernières années au Gabon. On en est visiblement bien loin. Dire que le budget de la Défense était de 100,7 milliards de francs CFA en 2015 pour passer à 120,3 milliards pour l’année en cours, avec 44,95 milliards de francs CFA dédié à «l’Equipement des Forces». Qu’a-t-on fait de tout cet argent ? acheter de l’équipement bas de gamme et défectueux ? Les hiérarques de forces de l’ordre et de défense ont absolument des comptes à rendre à ce niveau.

Des cagoules et des morts

Il est enseigné, dans toutes les vraies écoles de police, qu’un blessé dans une opération de maintien de l’ordre en indique résolument l’échec. Dans l’idéal, l’opération de maintien de l’ordre doit donc se solder sans blessé ; un mort, un seul, en indique donc l’échec total. Les émeutes du 31 août dernier ont permis très vite d’observer des failles, révélant des signes d’une incompétence grave avec des entorses aux règles en vigueur dans le monde entier en matière de maintien de l’ordre. Il est surtout à déplorer, en 2016 dans un pays qui clame son aspiration à l’émergence, un pays qui se vante d’un ancrage dans la modernité, que l’on puisse dénombrer des morts dans une manifestation. Dans la civilisation, on ne meurt plus dans les manifestations. À moins de terroristes dûment identifiés, de prise d’otage ou de gros caïds à cueillir, on ne tire pas sur les antagonistes et d’ailleurs les tâches de ce genre sont confiées aux forces spéciales.

Le 31 août dernier, on remarquait sur le théâtre des émeutes la présence d’hommes encagoulés dans les forces de l’ordre ; une pratique apparue dans le GIGN et le RAID français lors des prises d’otages et banalisée au Gabon. Si le GIGN et le RAID n’interviennent cagoulés que lors d’interpellations au domicile des malfaiteurs, afin de protéger leur anonymat, au Gabon «la pratique est folklorique et ne peut se justifier que pour masquer des éléments rapportés, des infiltrations dans les équipes», note un ancien agent de la Police judiciaire. Il n’y avait dans les rues de Libreville, ni prise d’otages ni actes terroristes tels que désignées conventionnellement. Rien donc ne justifiait la présence d’hommes encagoulés. Tout comme rien ne justifiait l’utilisation d’armes de 4e catégorie.

Sous Nicolas Sarkozy, les émeutes de 2005 dans les banlieues françaises avaient enregistré des violences urbaines inouïes, des magasins avaient été pillés, des voitures incendiées, des policiers pris pour cibles avec des cocktails Molotov et parfois des armes à feu, mais jamais, jamais les services de maintien de l’ordre français, n’ont tiré sur les manifestants. Au terme de 18 nuit consécutif de violences, avec 126 policiers et gendarmes blessés durant les affrontements, le bilan humain de 4 morts parmi la population n’était pas la conséquence de tirs des forces de l’ordre. On était dans la civilisation, même si très remonté, Sarkozy alors ministre de l’Intérieur avait parlé de «nettoyer la cité au karcher».

Une ère nouvelle dans le maintien de l’ordre

Dans la civilisation, ce qui devrait également être le cas sous l’émergence à la gabonaise, le recours à la force dans le maintien de l’ordre est encadré par deux notions doctrinales : l’absolue nécessité de son emploi et la proportionnalité. Le but du maintien de l’ordre n’est évidemment pas de causer de blessés graves ou de décès parmi la foule, mais aussi d’éviter que les forces de l’ordre ne soient elles-mêmes blessées. D’où les notions de distance, d’armes spécialisées. La doctrine dans le maintien de l’ordre liste en effet les armes à feu pouvant être utilisées dans les situations comportant des attroupements de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l’ordre public (atteinte aux personnes ou à des institutions). On y retrouve les lanceurs de grenades lacrymogènes, assoudissantes et leurs munitions, les lanceurs de balles de défense, le fusil à répétition de précision. Celui-ci étant censé être utilisé seulement à titre de riposte en cas d’ouverture du feu sur les représentants de la force publique. Mais aussi des grenades de désencerclement, produisant de fortes détonations et projetant des plots de caoutchouc, ou encore des Taser (pistolet à impulsion électrique).

Dans la civilisation et donc sous l’émergence, on ne meurt plus dans les manifestations, on ne tue plus dans les manifestations. De nombreux témoins et leaders de l’opposition parlent pourtant de tirs à balles réelles lors des dernières émeutes au Gabon. Pourtant durant la campagne électorale échue, le président Ali Bongo, interviewé sur Africa 24, déplorait et condamnait le fait que Mouammar Kadhafi avait fait tirer sur son peuple. Comme quoi, Ali Bongo ne saurait accepter de laisser tirer sur son peuple. Ce qu’il a littéralement confirmé le 13 septembre dernier dans son discours radiotélévisé à la Nation. «Avant d’être président de la République, j’ai occupé des fonctions qui ont mis la sécurité des Gabonais sous ma responsabilité, notamment en tant que ministre de la Défense nationale. Jamais je n’ai mis la vie d’un Gabonais en danger, jamais je n’ai attenté à leur liberté. Je sais que la violence ne laisse qu’une chose derrière elle ; cette chose c’est le malheur», a rappelé Ali Bongo. Devrait-on alors penser que l’actuel ministre de la Défense ou encore celui de l’Intérieur auront été les donneurs d’ordre pour que des Gabonais soient tués durant les dernières émeutes ? Ne seraient-ils pas attelés, dans une sorte de zèle, à faire mentir le président de la République, pourfendeur de Kadhafi tirant sur son peuple et pas peu fier de n’avoir jamais mis la vie d’un Gabonais en danger lorsqu’il était à la Défense ? Sinon, qui a ordonné, ce que l’opposition taxe de massacre ? Dans les sociétés civilisées on ne meurt plus dans les mouvements de revendications, même lorsque le Kärcher sarkozien s’impose.
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