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Tribune libre | «L’imposture du débat sur l’éligibilité d’Ali Bongo Ondimba à l’élection présidentielle de 2016»
Publié le samedi 2 juillet 2016   |  Gabon Review


Le
© Autre presse par DR
Le Président Ali Bongo Ondimba au sommet de l’Union Africaine à Addis Abeba


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Le processus conviant les Gabonais à élire cette année leur prochain président de la République a atteint sa vitesse de croisière par la publication d’un calendrier électoral qui fixe la date du scrutin au 27 août 2016 et celle du dépôt des déclarations de candidature au 12 juillet prochain, date limite.

L’étape du dépôt des déclarations de candidature à la Commission électorale nationale autonome et permanente(Cenap) est présentée par certains acteurs politiques, comme l’instant de vérité, celui qui aboutira inexorablement à la «disqualification» de la candidature du président Ali Bongo Ondimba par cette institution. Mais à quoi correspond la notion de «disqualification» ?

Disqualifier, «c’est exclure d’une épreuve en raison d’une infraction au règlement» (Robert illustré 2012) ; ou lorsqu’on ne remplit pas les conditions pour y participer.

L’élection, c’est «le choix librement exercé par le peuple en vue de désigner les citoyens appelés à la conduite et à la gestion des affaires publiques de la Nation ou des collectivités locales selon les principes de la démocratie pluraliste» (article 2 loi n°7/96 du 12 mars 1996 portant dispositions communes à toutes les élections politiques, modifiée). Il s’agit donc d’une compétition, mais d’une compétition politique. Les mots dans ce domaine sont importants. Ainsi, pour participer à une élection, il faut être non pas qualifié, mais éligible. Autrement dit, la question qui se pose n’est pas celle de la disqualification, mais bien celle de «l’ELIGIBILITE».

Etymologiquement, le mot est tiré du latin eligibilis, dérivé de eligere qui signifie choisir, trier, élire. L’adjectif éligible qualifie une personne remplissant les conditions nécessaires pour pouvoir être élue. La Constitution gabonaise ne donne pas de définition de la notion, mais énonce l’ensemble des conditions requises pour être élu à la présidence de la République, ce sont les critères ou «conditions d’éligibilité» (Eveline RODRIGUES PEREIRA BASTO, Conditions d’éligibilité du président de la République et démocratie en Afrique subsaharienne). Le terme antinomique est « l’inéligibilité » ; c’est-à-dire, l’incapacité à briguer un mandat électoral lorsqu’on ne remplit pas l’une des conditions nécessaires prévues par la loi.

S’agissant des conditions d’éligibilité, elles sont fixées par l’article 10 alinéa 1 de la loi fondamentale et précisées par l’article 2 alinéa 1 de la loi organique n°10/96 du 15 avril 1996 relative aux conditions d’éligibilité du président de la République, modifiée, qui dispose que «sont éligibles à la présidence de la République, tous les gabonais des deux sexes jouissant de leurs droits civils et politiques, âgés de quarante(40) ans au moins et résidant au Gabon depuis douze(12) mois au moins ».

Le même article 2 dispose en son 2e alinéa que «toutefois les personnes ayant acquis la nationalité gabonaise ne peuvent être candidat à la Présidence de la République. Seule leur descendance à partir de la quatrième génération et ayant demeuré sans discontinuité le peut». Il s’agit d’une cause d’inéligibilité fondée sur la question de la nationalité gabonaise.

En fait de disqualification de la candidature d’Ali Bongo Ondimba, c’est en réalité son éligibilité qui est mise en cause par le débat sur son état civil. Mais s’agit-il d’un débat véritablement pertinent ou en réalité d’une imposture ?

Concrètement, Ali Bongo Ondimba est-il concerné par l’inéligibilité prévue à l’article 10 alinéa 3 de la Constitution ? A la veille du dépôt des déclarations de candidature auprès de la Cenap, cette institution ou même la Cour constitutionnelle dans le cas où elle serait saisie, sont-elles compétentes pour rejeter la candidature d’Ali Bongo Ondimba, pour cause d’inéligibilité découlant de la contestation de son acte de naissance par ses challengers?

Répondre à ces questions revient à examiner les conditions de mise en œuvre de l’article 10 alinéa 3 de la Constitution (1), avant d’être fixé sur la compétence de la Cenap et de la Cour constitutionnelle en matière de contestation de la candidature se rapportant à une question touchant l’état et la capacité des personnes(2).

1°/- Les conditions de mise en œuvre de l’article 10 alinéa3 de la Constitution gabonaise.

Après avoir rappelé les conditions d’éligibilité, en son article 10 alinéa 1, la Constitution énonce clairement à l’alinéa 3 du même article que «toute personne ayant acquis la nationalité gabonaise ne peut se présenter comme candidat à la Présidence de la République. Seule sa descendance ayant demeure sans discontinuité au Gabon le peut, à partir de la quatrième génération».

Il est important de rappeler que la formulation de cette disposition est issue de l’article 7 de la Loi n°047/2010 du 12 janvier 2011 portant révision de la Constitution. Cette loi a été promulguée par le président Ali Bongo Ondimba, lui-même, par décret n°126/PR du 12 janvier 2011.

Autrement dit, deux ans à peine sorti du contentieux électoral de 2009, au cours duquel avait déjà été excipée sa prétendue inéligibilité, Ali Bongo Ondimba n’a pas cru devoir modifier cette disposition constitutionnelle, alors même qu’il disposait d’une majorité plus que confortable au Parlement.

Pour notre part, cela traduit le fait que le Président Ali Bongo Ondimba ne se sent pas concerné par les conditions d’éligibilité de l’article 10 de la Constitution dans son volet relatif à la nationalité.

Sur le plan procédural, la mise en œuvre de l’article 10 alinéa 3, impose à ceux qui soutiennent l’inéligibilité du président de la République, de démonter qu’il a acquis la nationalité gabonaise.

Or, selon le Code de la nationalité, l’acquisition de la nationalité gabonaise après la naissance peut s’opérer par l’effet du mariage (art.20 à 24), de l’adoption (art.25 à 26), de la réintégration (art.27 à 29), et de la naturalisation (art. 30 à 32).

Il revient donc à ceux qui contestent l’éligibilité du président sortant de produire l’acte par lequel, il aurait acquis la nationalité :

-par l’effet du mariage : l’acte de mariage et ce conformément aux dispositions de l’article 234 du Code Civil.

– par l’effet de l’adoption : le jugement d’adoption en vertu de l’article 462 du Code Civil

– par l’effet de la réintégration (article 27 du Code nationalité) ou de la naturalisation (article 30 du Code de nationalité) : le décret du Chef de l’Etat.

En l’absence d’un tel acte, tout débat portant sur l’article 10 alinéa 3 de la Constitution est inopérant. Loin d’être juridique, il s’agit plutôt d’un palabre purement politique.

A preuve, l’appel de Monsieur Oye Mba «à constituer un pool de juristes et d’avocats en vue d’engager un contentieux pré-électoral» est révélateur de l’impertinence technique du débat. Il semble donc que les pourfendeurs de la candidature d’Ali Bongo Ondimba aient mis la charrue avant les bœufs.

2°)- De la Cenap et de la Cour constitutionnelle.

La loi n°7/96 du 12 mars 1996 portant dispositions communes à toutes les élections politiques, modifiée par la loi n°007/2013 du 22 juillet 2013 encore appelée « Loi commune » ou « Code électoral stricto sensu » (Aller aux élections en République Gabonaise, Petit Manuel de Procédure, David IKOGHOU MENSAH, p.15), nous indique en son article 14a, que la Commission électorale nationale autonome et permanente(Cenap) est chargée au titre de ses missions non permanentes de « recevoir et examiner les dossiers de candidatures aux élections présidentielles, législatives, sénatoriales, municipales et départementales… ».

Aux termes de l’article 66 alinéa 2, de la loi commune «tout électeur concerné qui s’estime lésé ou qui a connaissance des faits ou acte de nature à constituer un cas d’inéligibilité ou d’incompatibilité peut contester une ou plusieurs candidatures devant la Commission électorale compétente avant qu’elles ne soient rendues publiques dans les conditions fixées par la loi».

L’alinéa 3 précise qu’ «une fois rendues publiques, les candidatures ne peuvent faire l’objet d’un recours que de la part d’un candidat devant la Cour constitutionnelle saisie dans les soixante-douze heures de cette publication. La cour constitutionnelle statue dans les cinq jours de sa saisine».

Le régime du contentieux de la contestation de candidature se ramène en réalité au contentieux de l’éligibilité.

S’agissant d’Ali Bongo Ondimba, il lui est reproché de ne pas être né gabonais, mais d’avoir acquis la nationalité gabonaise

Une seule question : la Cenap pourra-t-elle rejetée la candidature d’Ali Bongo Ondimba pour ces motifs ?

La réponse est simple : la Cenap est radicalement incompétente pour toute contestation de candidature se rapportant à l’état et à la capacité des personnes, c’est-à-dire à l’«ensemble des éléments de droit privé caractérisant l’existence juridique et la situation familiale de la personne» (Lexique des termes juridiques, Raymond Guillien et Jean Vincent, Dalloz 13e Edition, 2001, p.246).

Concrètement, l’état et la capacité des personnes sont traités en droit gabonais par le Code civil, il s’agit notamment des questions se rapportant aux droits de la personnalité, au nom, au domicile à l’état civil (actes de naissance, actes de décès…)…

La Cenap ne peut donc pas sur le fondement de l’article 117 de la loi commune rejeter une candidature dont la contestation est fondée sur une question touchant à l’état et à la capacité des personnes, telle la contestation d’un acte de naissance.

Les visites au siège de la Cenap ou les menaces, pressions et autres invectives à l’endroit de son président et de ses membres ne peuvent rien changer à cette disposition légale.

Par contre, pour les éventuels requérants-électeurs, qui viendraient à succomber à l’issue de la contestation de candidature d’Ali Bongo Ondimba devant la Cenap, l’article 66 in fine de la loi commune, dispose qu’« en cas d’inexactitude des faits dénoncés, l’électeur s’expose, le cas échéant, aux sanctions pénales prévues au titre X de la présente loi ». Concrètement, l’article 137 de la Loi commune dispose qu’ ils encourent d’une peine d’emprisonnement d’un mois et d’une amende de 24.000 à 35.000 francs ou de l’une de ces deux peines seulement (article 98 Code pénal) ou de l’interdiction du droit de vote et d’une inéligibilité pendant cinq ans(05) au moins et dix(10) ans au plus(article 104).

Il faut donc éviter les recours fantaisistes et mal fondés en droit.

-Quid de la Cour constitutionnelle ?

Tout comme la Cenap, la Cour constitutionnelle est incompétente lorsqu’elle est saisie d’une contestation de candidature fondée sur des moyens se rapportant à l’état et à la capacité des personnes et ce en application de l’article 117 de la loi commune à toutes les élections.

Il faut indiquer que la Cour a déjà eu à se prononcer dans ce sens, notamment par la décision n°005 du 11 février 2015(nous omettons volontairement de nommer les parties) par laquelle elle considéra « qu’il est constant que les prétentions développées par Messieurs X……tendant à voir la Cour Constitutionnelle statuer sur l’authenticité de la pièce d’état civil de Madame Y….. ; qu’il s’agit là d’une question qui a trait à l’état et à la capacité des personnes ».

Poursuivant sa motivation la Cour relève « qu’il est acquis que les compétences exercées par la Cour Constitutionnelle sont des compétences d’attribution que la Constitution, sa loi organique ainsi que les autres lois et règlements lui confient ; qu’en d’autres termes, la Cour constitutionnelle ne peut statuer en dehors desdites attributions ».

Pour la Cour « aux termes des dispositions de l’article 117 de la loi n°7/96 du 12 mars 1996 portant dispositions communes à toutes les élections politiques, modifiée, susvisée, les questions touchant à l’état et à la capacité des personnes relèvent de la compétence exclusive des juridictions judiciaires ».

Cette position jurisprudentielle a été rappelée par madame la présidente de la Cour constitutionnelle au cours du discours qu’elle prononça à l’occasion de l’audience de rentrée solennelle de la haute juridiction, le 21 janvier 2016, en ces termes « toutes les questions se rapportant à l’état des personnes, tels le faux en écritures publiques, l’authenticité des actes d’état civil, la nationalité, et j’en passe ressortissent à la compétence des juridictions ordinaires et, de ce fait, échappent complètement à la compétence de la Commission Electorale Nationale Autonome ou à celle de la Cour Constitutionnelle ».

L’on comprend donc que pour obtenir l’invalidation d’une candidature fondée sur une question se rapportant à l’état et la capacité des personnes, il faut impérativement accompagner sa contestation d’une décision rendue par la juridiction judiciaire compétente et devenue définitive.

Dans le cas d’Ali Bongo Ondimba, sauf erreur ou omission de notre part, nous n’avons pas connaissance de l’existence d’une décision judiciaire devenue définitive à propos de son acte de naissance ou de sa «situation administrative». Aussi, en l’absence d’une telle décision, la candidature d’Ali Bongo Ondimba sera purement et simplement validée.

En somme, les Gabonais ne doivent pas se laisser distraire par la vacuité d’un débat inopérant et pernicieux : Inopérant, en ce que sur le plan technique, les conditions de mise en œuvre de l’article 10 alinéa 3 de la Constitution gabonaise se sont pas réunies ; pernicieux, car ce débat mu par la haine est nuisible pour la paix sociale et la stabilité politique de notre pays.

Maître Tony.S MINKO MI NDONG

Avocat

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