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Clap de fin pour Philippe Mory
Publié le mardi 21 juin 2016   |  Gabon Review


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© Autre presse par DR
Clap de fin pour Philippe Mory


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Décédé par suicide, le 7 juin dernier, Philippe Mory, acteur, réalisateur, père du cinéma gabonais, a été inhumé le 18 juin 2016 à Lambaréné… dans la simplicité et le mystère.

Original et excentrique, Philippe Mory l’aura été jusqu’au bout de son aventure humaine : il a été inhumé le 18 juin dernier à Lambaréné dans une sépulture à deux caveaux ; l’un pour le cercueil vide ayant servi tout au long des obsèques, l’autre pour la dépouille mortuaire, enveloppée dans un linceul blanc et déposée à même la terre.

Cet enterrement inédit, le père du cinéma gabonais l’avait voulu tel quel, le répétant assez souvent à Jean Justin Maury Ngowemandji, son fils aîné, qui l’a expliqué à la quarantaine de personnes ayant accédé au lieu de l’enterrement, dans le cimetière Galwa de Lambaréné où les femmes étaient interdites pour la circonstance. Surréaliste : pour un chrétien, un enterrement de type littéralement musulman, placé sous les auspices de rites traditionnels. Pourquoi ? La réponse est à trouver dans la spiritualité. L’homme était vraisemblablement un franc-maçon, si l’on s’en tient au concept d’«Orient éternel», évoqué dans un bon nombre d’oraisons funèbres ce jour-là et propre à cette société secrète.

Philippe Mory refusait également des obsèques en grande pompe. Il aura donc eu des funérailles en toute simplicité. Contrairement à ce qui se serait passé à Libreville si elles s’y étaient déroulées, près d’une centaine de personnes seulement a fait le déplacement de Lambaréné. Une délégation du ministère de la Communication emmenée par son secrétaire général ; une autre de l’Institut gabonais de l’image et du son (Igis) avec de nombreux agents, son PCA et son directeur général ; des cinéastes indépendants, des fans, des amis, parents et connaissances, ont convergé vers le quartier Atongowanga, au domicile du fils ainé de l’acteur et réalisateur, par ailleurs maire du 2e arrondissement de la ville du milieu, le sus nommé Justin Maury Ngowemandji. Le passage à la maison mortuaire de certaines personnalités de la localité n’a pas manqué d’être remarqué, notamment Richard Auguste Onouviet, président de l’Assemblée nationale, Ida Réténo Ndiaye Assonouet, ancienne ministre, ou encore Alevina Chavillot, notable de la localité.

Alors qu’il a vécu ces dernières années dans la bohème artistique, la veillée mortuaire du monument du cinéma gabonais s’est déroulée dans la villa plutôt somptueuse de son fils, à l’entrée de laquelle se dressait une sorte d’affiche de film titrée «Philippe. L’acteur ne meurt jamais». On pouvait y lire : «La Cage s’est refermée, Les Tams Tams se sont tus, Pour le retour de l’Enfant du village, On ne t’enterrera pas le dimanche». Un jeu de mots sur les titres de ses œuvres cinématographiques, en tant qu’acteur ou réalisateur.

À l’intérieur de la villa, autour d’une chapelle ardente de bonne facture, des oraisons à ne plus en finir, parmi lesquelles celle du Pr Daniel Franck Idiata, auteur d’une biographie de l’artiste – «Le prix de la liberté, vérités sur Philippe Mory, l’icône gabonaise du cinéma africain»-. Ou encore celle de l’Igis, clamée par l’acteur Jean-Claude Mpaka, mais surtout celle de Patrice Révangué Zavrosa, un «ami et frère», qui a fait découvrir que Philippe Mory avait écrit des poèmes depuis la prison centrale de Libreville où il avait été incarcéré, en 1964, pour avoir participé cette année-là au coup d’État contre Léon Mba.

Ainsi, dans un poème titré «Inquiétude», Mory écrit :

«Les pétales se détachent de la fleur gaiement

Et s’envolent au gré des souffles nouveaux,

Un éclair éclate du ciel incolore, violence et sang

L’Afrique pleure autour d’un vieux tombeau

Le ciel se couvre de nuages mouvants et puants,

Le continent ahuri tombe en sales lambeaux.»

Dans un autre poème, «La Course», Philippe Mory qui flaire la mort, selon le mot de Patrice Révangué Zavrosa, écrit depuis la prison centrale de Libreville en 1967 :

«Comme l’étoile filante que regarde le passant,

La vie meurt à la fin de la course

Mes sens se perdent et se retrouvent

Pour se dissoudre dans l’ivresse du vivre !

Demain… c’est loin

La course est longue

Maintenant ! Oui maintenant !

Chacun vit sa part du rêve !

Le vainqueur de tout corps qui combat

La pourriture est encore la pourriture !

Paré de ses beaux habits, l’homme ressemble à la société :

La pourriture est dans le ventre !»

Des textes qui auraient pu être écrits un peu avant ce fatidique 18 juin 2016, lorsque l’acteur a décidé de quitter la planète des hommes. Actuel. Trop actuel.

Une cohorte d’une centaine de personnes a marché derrière le corbillard pour accompagner l’acteur à sa dernière demeure dans un cimetière traditionnel préservé comme un parc national, une forêt dans les hauteurs de l’île centrale de Lambaréné. La boucle s’est ainsi bouclée. Né en 1932, Philippe Mory avait 84 ans.

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