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France - Moukagni-Iwangou : Le Gabon «une sorte de démocratie à l’exportation»
Publié le jeudi 25 fevrier 2016   |  gabon libre


MOUKAGNI-IWANGOU,
© Autre presse par DR
MOUKAGNI-IWANGOU, Président de l’Union du Peuple Gabonais (UPG)


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A six mois de l’élection présidentielle, le président de l’Union du peuple gabonais (UPG-Loyaliste) fait l’état des lieux du paysage politique au Gabon. Des conditions d’organisation des élections à la mobilisation de l’opposition, en passant par le regard de la France, il se lâche sur mondafrique.com. Ci-après, la retranscription l’entretien vidéo publié, le 23 février dernier, par le site français.

Mondafrique : Prévue l’été prochain, la présidentielle est l’une des échéances capitale dans le pays. Quel regard portez-vous sur cette échéance électorale ? Le Gabon est-il dans une transition démocratique, comme l’ont été le Burkina Faso ou encore le Bénin ?

Jean de Dieu Moukagni-Iwangou : Nous sommes loin du compte ! Mais permettez-moi, avant toute chose, de restituer à l’histoire tous ses mérites. C’est le président Pierre Mamboundou qui a créé l’Union du peuple gabonaise (UPG), ici à Paris, le 14 juillet 1989. Un symbole de grande proximité avec le peuple français… Cela dit, le Gabon est effectivement engagé, comme beaucoup d’autre pays, dans un processus démocratique d’ici à août 2016. Malheureusement, la comparaison s’arrête là ! Le Bénin, le Burkina Faso, le Sénégal… nous administrent la leçon de tout le contraire : alors que dans ces espaces-là, la souveraineté du peuple est parfaitement respectée, au Gabon, l’élection est totalement manipulée et la perspective de 2016 n’est pas de nature à nous rassurer de ce point de vue-là.

Est-ce à dire que le pouvoir organise les élections à sa façon, à travers le truquage des listes électorales ou encore le contrôle des médias ?

Tout y passe. D’abord la liste électorale qui est, hélas, totalement manipulée. Mon parti a obtenu l’adoption d’une loi électorale qui garantit, par la biométrie, l’identification sécurisée de l’électeur. Sauf que le gouvernement s’est ingénié, s’acharne à ne pas mettre en place la biométrie, de sorte à permettre de signaler l’électeur lorsqu’il entre dans un bureau de vote sur la question de savoir s’il a déjà accompli son devoir ailleurs. Sur le coup, l’élection au Gabon c’est le rendez-vous des votes multiples planifiés par le gouvernement, pour fausser totalement les résultats.

La biométrie justement, le pouvoir dit que c’est très cher, qu’il n’a pas les moyens avec la baisse du prix du baril de pétrole. C’est un pouvoir pauvre en quelque sorte…

(Sourire) C’est un pouvoir pauvre qui s’offre beaucoup de distractions. Nous sommes un pays qui invite chez lui tous les évènements de distraction du monde mais qui se prévaut d’être démuni lorsqu’il s’agit simplement d’identifier ses électeurs. La biométrie est un instrument de bonne gouvernance. Et donc l’affirmation par le gouvernement du défaut de moyens, est en fait un aveu et une reconnaissance de ce que la transparence n’est pas à l’ordre du jour.

Pourtant, dans de grands journaux français, l’on découvre de grands dossiers d’enquête sur le pouvoir gabonais, sur Ali Bongo qui redistribue aux pauvres… On a l’impression d’un pouvoir, par rapport à celui du règne d’Omar Bongo, avec une nouvelle classe aux commandes. Serait-ce donc, aujourd’hui au Gabon, des gens honnêtes qui sont au pouvoir ?

Votre question mérite quelques précisions. La première pour rappeler que le Gabon a vécu pendant 42 ans sous la férule d’un homme : Omar Bongo. Rappelé à Dieu, il a été automatiquement succédé par son fils. Pour tout dire, dans un régime qui se prévaut de la République, où homme règne pendant 42 ans et est immédiatement succédé par son fils, nous sommes clairement dans une monarchie républicaine. C’est la première chose qu’il est bon de rappeler. A partir de là, tout ceci éclaire ce qui va arriver. Nous avons une sorte de démocratie à l’exportation. C’est une grande campagne de communication, de publicité, pour vanter les mérites d’un régime que nul ne vérifie à l’intérieur ; mais qui à l’extérieur, notamment ici en France, voile à d’autres pays que le chef de l’Etat soit au pénal ici, notamment à travers la procédure des biens mal acquis ou encore la question de sa filiation.

Nous avons les premiers collaborateurs du chef de l’Etat qui répondent de la criminalité transfrontalière organisée, ici même. Pendant ce temps, la justice gabonaise ne trouve pas à redire. C’est tout le plus complet d’une République bananière, qui attache du prix à plaire à l’extérieur, par des campagnes de communication, mais qui de l’intérieur garde les choses en l’état.

Vous évoquiez la mise en examen de Maixent Accrombessi, directeur de cabinet du chef de l’Etat gabonais…

Le plus proche collaborateur du chef de l’Etat, en effet, répond de blanchiment au pénal.

Justement, au Gabon, quels ont été les commentaires ou encore les réactions suite à cette affaire ?

Lorsque qu’il rentre au Gabon de sa liberté provisoire, il est accueilli en grandes pompes.

Pensez vous que la communauté internationale, notamment la France, est assez vigilante sur ce qui se passe en termes de règles démocratiques au Gabon ?

Au travers de la France, nous lançons un appel à la communauté internationale pour qu’elle puisse étendre les limites de la République, de la démocratie au cas du Gabon.

Y a-t-il eu un progrès avec Hollande par rapport à Sarkozy, qui avait cautionné la fausse élection d’Ali Bongo au pouvoir ? Aujourd’hui, le pouvoir français est-il plus vigilent en matière démocratisation au Gabon ?

Il y a un frémissement heureux que l’on doit saluer. Nous voulons que la communauté internationale accompagne le Gabon sur ce chemin de la démocratisation…

Vous parliez d’un frémissement, lequel ?

Nous félicitons par exemple que Manuel Valls ait, par exemple, sans fioriture aucune, ait déclaré sur la place publique qu’Ali Bongo n’a pas été élu. Nous devons également nous féliciter de ce que, sur la passation des marchés publics, la justice française ait pris l’initiative et la responsabilité de mettre en examen l’entourage immédiat du chef de l’Etat.

L’opposition serait d’autant plus forte qu’elle serait unie. Travaillez-vous à cette unité ? D’aucuns estimant qu’unis face à Ali Bongo, vous avez des chances de créer un rapport de force favorable…

Nous travaillons à l’unité et en même temps à la clarification (…) Aujourd’hui, l’opposition qui était unie autour de 27 composantes, a clarifié cette position. Parce qu’une chose est d’être unie et l’autre est de gouverner ensemble. Nous pensons qu’il y a eu une clarification heureuse et on peut s’en féliciter.

27 composantes, ça fait quand même beaucoup pour un pays d’à peine un million d’habitants…

Oui mais 11 c’est encore mieux ! Sur les aspects statistiques, il y a comme des leurres. Le Front, pour ce qui nous concerne, c’était 27 composantes. Dans ces composantes, il y avait dix partis politiques et 17 personnalités individuelles. Tout ceci a donc participé à gonfler les chiffres, à donner l’impression qu’il y a une majorité quelque part, alors qu’elle n’était que factice.

Quelle est la principale faiblesse du pouvoir dans la prochaine échéance électorale ?

Le pouvoir en place a un bilan à défendre. Et ce bilan est des plus catastrophique (…) Lorsque vous sortez les indicateurs globaux, qui bien sûr affichent des scores plutôt flatteurs, les indicateurs de qualité, hélas, placent le Gabon au rang des pays pauvres. Ce qui n’est pas acceptable ! Lorsqu’une minorité regorge de superflus et que la majorité manque de nécessaire, la rupture sociale est dans les faits. Aujourd’hui, le Gabon doit absolument réaliser ce passage heureux par les urnes, que le peuple choisisse librement ses dirigeants, sous peine hélas, de vivre une rupture dont nous serons tous les victimes.

Retranscrit par Stevie Mounombou

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