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Suite aux propos de Moubelet-Boubeya: Nécessité d’un recadrage
Publié le mardi 12 janvier 2016   |  Gabon Review


Pacôme
© Autre presse par DR
Pacôme Moubelet-Boubeya


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Le ministre de l’Intérieur ayant fait montre d’un anachronisme et d’une outrance sidérants, il faudra sans doute lui rappeler qu’aucun régime respectueux des règles et soucieux de l’intérêt général ne peut se satisfaire de parodies d’élections, de scrutins cosmétiques, de victoires volées ou confisquées et surtout du mépris du suffrage universel.

La présidentielle de 2016 est-elle jouée d’avance ? A-t-elle encore un sens, un enjeu ? Vaut-elle la peine d’être organisée ? Ne faut-il pas en faire l’économie ? Ne vaut-il pas mieux en désigner, dès à présent, le vainqueur ? Lancinantes, ces questions reviennent depuis la publication de la correspondance de l’ancien secrétaire général du Conseil national de sécurité au ministre de l’Intérieur. Selon Léon-Paul Ngoulakia, Pacôme Moubelet-Boubeya aurait affirmé : «Aucun opposant ne pourra être élu tant que je serais ministre de l’Intérieur». Comme il fallait s’y attendre, cette affirmation relance la polémique sur la crédibilité de l’ensemble des scrutins organisés depuis 90. Dans le même temps, elle met la classe politique nationale face à ses responsabilités. Pour tout dire, elle appelle une réaction ferme et méthodique.

Attribuée tantôt à Pascal Lissouba tantôt à Omar Bongo Ondimba, la maxime selon laquelle «On n’organise pas des élections pour les perdre» est un non-sens. Si elle était vraie, si elle se voulait porteuse de mieux-être pour les nations, Valery Giscard d’Estaing et Nicolas Sarkozy n’auraient pas perdu des élections organisées par des administrations mises en place par leurs soins. Jimmy Carter et George Bush «père» non plus. Il en va de même pour Nicéphore Soglo, Abdoulaye Wade, Abdou Diouf, Goodluck Jonathan… Aucun régime démocratique, nul pouvoir respectueux des règles, pas un gouvernement soucieux de l’intérêt général ne peut se satisfaire de parodies d’élections, de scrutins cosmétiques et de victoires volées ou confisquées. Mieux : le mépris du suffrage universel ne saurait devenir une norme en République.

La revendication du statut de démocratie suppose l’acceptation d’un principe simple mais fondamental : «Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple», selon la célèbre formule d’Abraham Lincoln. De ce point de vue, le peuple est, tout à la fois, administré, administrateur et bénéficiaire. Il est la mesure de toute chose. A travers plusieurs variantes, selon des règles précises et admises par tous, la démocratie représentative est, au fil du temps, devenue synonyme de démocratie. Parlementaire, semi-présidentielle ou présidentielle, elle se fonde toujours sur une exigence essentielle : le respect de la citoyenneté et du vote. En clair, il ne peut y avoir de démocratie sans respect des droits civils et politiques, sans égard pour le suffrage universel. N’en déplaise à Pacôme Moubelet-Boubeya, les institutions ne sont pas une source du pouvoir. Malgré ses extravagances verbales, cette fonction est dévolue au peuple souverain et à lui seul.

L’expérience du passé

A dire vrai, le propos du ministre de l’Intérieur se fonde sur une certitude anti-démocratique : le primat des institutions sur le peuple. Manifestement, Pacôme Moubelet-Boubeya raisonne comme s’il lui appartient de désigner le président de la République. A la légitimité populaire, il préfère une autre forme, sortie de son imaginaire: la légitimé institutionnelle. Or, jusque-là, Ali Bongo n’a eu de cesse d’affirmer avoir été élu par le peuple gabonais. Si son ministre de l’Intérieur peut déjà proclamer la «défaite» prochaine de l’opposition, on est fondé à se demander s’il a vraiment été élu en 2009. Dès lors, une question de fond surgit : les résultats de la prochaine présidentielle sont-ils déjà connus ? Dans les chaumières, salons feutrés et bistrots du pays, d’aucuns redoutent une réponse positive. Certains rappellent les vaudevilles de 93 et 98. D’autres sont encore traumatisés par les événements de 2009.

D’une manière générale, les observateurs inclinent à penser comme le ministre de l’Intérieur. Ils fondent leurs avis sur l’expérience du passé. L’interruption du processus électoral en 93 a transformé les institutions en chantres des intérêts particuliers. L’instauration du scrutin à tour unique en 2003 a définitivement consacré la primauté de la légalité sur la légitimité. La charge des forces de défense contre les leaders de l’opposition, en 2009, a relégué les élections au rang de formalité. Le propos de Pacôme Moubelet-Boubeya devient-il pertinent pour autant ? On pourra toujours plaider un certain réalisme ou une franchise naïve. Jamais, on ne devra le tolérer. En aucun cas, on ne s’en accommodera.

Echéances constitutionnelles

Désormais, la réaction des partis d’opposition est attendue. Bien entendu, certains parleront de fanfaronnade. D’autres choisiront de mettre Pacôme Moubelet-Boubeya au défi. N’empêche, un de ses lointains prédécesseurs, Antoine Mboumbou Miyakou, s’était déjà laissé aller à des telles rodomontades avec des résultats peu flatteurs : après 26 ans de régime prétendument démocratique, le Gabon n’arrive toujours pas à concevoir une liste électorale fiable, l’impartialité du ministère de l’Intérieur, de la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap) et de la Cour constitutionnelle est toujours sujette à caution. Et si elles demeurent des échéances constitutionnelles, les élections sont toujours aussi peu crédibles.

Le ministre de l’Intérieur a-t-il laissé parler son cœur ? A-t-il privilégié ses intérêts personnels au détriment de ceux de la communauté nationale ? Au fond, Pacôme Moubelet-Boubeya a parlé comme s’il était au service ou d’une monarchie absolue de type despotique ou d’une mafia politicienne. Son propos n’est pas digne d’un ministre. Il ne saurait s’entendre en république ou en démocratie. Sur ce point, il a offert des verges pour se faire battre, faisant montre d’un anachronisme et d’une outrance sidérants. Davantage qu’à l’opposition, il appartient maintenant au président de la République et au Premier ministre de réagir. Qu’on le veuille ou non, la question de fond reste posée : la prochaine présidentielle vaut-elle encore la peine d’être organisée ? De la réaction du président de la République dépend la réponse à cette question. Se taire reviendrait à cautionner ce propos. En l’espèce, le silence d’Ali Bongo est de nature à vider la prochaine présidentielle de tout son sens. Sa passivité légitimerait toutes les options, y compris les plus nuisibles.

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