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Annulation de l’ordonnance n° 015/PR/2015: clair-obscur et brume
Publié le samedi 12 decembre 2015   |  Gabon Review


Le
© Autre presse par DR
Le nouveau siège de la Cour constitutionnelle.


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Si les décisions de la Cour constitutionnelle sont sans appel, elles doivent au minimum protéger la chose publique, défendre le bien commun et promouvoir l’intérêt général. Dans le rejet de la tentative de réorganisation de la justice, trop de zones d’ombre et d’interrogations font craindre une nouvelle manipulation juridique à des fins politiciennes.

Quel regard les générations futures poseront-elles sur la gestion du pays par le PDG, sur son rapport aux règles démocratiques et sur la capacité des institutions actuelles à protéger la République ? Certains ont déjà risqué le parallèle avec l’apartheid de sinistre mémoire. D’autres ont convoqué l’imposture du régime de Vichy et l’occupation allemande de la France pour qualifier la période présente. En Afrique du Sud, la domination de la minorité blanche sur la majorité noire était fondée sur des lois taillées sur-mesure. Le procès de Rovonia fut l’œuvre d’une cour qui prétendit avoir dit le droit. Entre juillet 40 et novembre 42, Pétain promulgua 12 actes constitutionnels dont le cinquième était relatif à la Cour suprême de justice. De Gaulle fut condamné à mort par le tribunal militaire permanent de la 13ème région, siégeant à Clermont-Ferrand, pour trahison, atteinte à la sûreté extérieure de l’État et désertion en temps de guerre. Les généraux qui composaient ce tribunal allèrent même jusqu’à prononcer sa dégradation militaire et la confiscation de ses biens.

La lecture de ces faits historiques devrait conduire les dirigeants d’institutions, et plus largement les dépositaires de l’autorité de l’Etat, à faire preuve de prudence, de recul et de prospective dans leurs choix, Or, il n’en est rien. Dans ce registre, la Cour constitutionnelle tient le haut du pavé. Depuis maintenant 25 ans, la Cour constitutionnelle se comporte comme si elle est détentrice d’une vérité immuable, comme si le jugement de l’histoire lui importe peu, comme si les intérêts de ses membres prévalent sur ceux de la communauté nationale. Tous les requérants ayant eu l’outrecuidance de la saisir hors de la bannière PDG ou au nom du gouvernement ont invariablement été déboutés, quand leurs requêtes n’ont pas été jugées irrecevables. Et quand ces deux prétextes semblaient trop gros voire grossiers, la juridiction constitutionnelle choisissait la fuite en avant, se déclarant incompétente pour éviter de se prononcer. Rien de moins ni de plus.

Une singulière gardienne des lois

Dans une ou deux générations, les étudiants en sciences politiques et droit constitutionnel en feront certainement un sujet d’étude. Les journalistes s’en serviront, sans doute, pour étayer leurs arguments ou plutôt pour illustrer ce qu’il convient d’éviter. Devons-nous pour autant nous ériger en donneur de leçons ou en moralisateur ? Que nenni… La République et la démocratie ne sont pas des générations spontanées. Bien au contraire, elles sont l’aboutissement de processus souvent critiques et heurtés. Comme tous les enfantements, elles se font dans la douleur. Les errements et outrances de la Cour constitutionnelle peuvent donc s’expliquer ou se comprendre. Deviennent-ils légitimes, admissibles et respectables pour autant ? Y répondre par l’affirmative serait abjurer le sens de la République : la gestion de la chose publique, la protection du bien commun et la défense de l’intérêt général.

L’histoire de la Cour constitutionnelle est jalonnée de dénis de droit, fraudes à la loi, forfaiture et abus de pouvoir. En tout temps et en toute circonstance, la connivence institutionnelle et la défense d’intérêts particuliers ou privés l’ont conduite à faire la loi au lieu de dire le droit. Malgré les origines politiques de la plupart de ses membres – pour l’essentiel d’anciens ministres ou des militants PDG connus et reconnus -, nonobstant leurs liens matrimoniaux ou familiaux, elle n’a jamais accepté de s’appliquer le principe de suspicion légitime, refusant systématiquement de se récuser quand la demande lui a été formulée. Une bien singulière gardienne des lois, tout de même…

Généralement, invariablement, la Cour constitutionnelle sert le même argument, formulé de différentes manières mais ramenant à la même réalité supposée : la prétendue méconnaissance, par les requérants, du fonctionnement des institutions, normes et procédures. Certains d’entre eux ont même été accusés d’incivisme ou de ne pas être capables de saisir la subtilité de certaines choses. D’autres ont été frappés d’inéligibilité. Que répondre face à de telles certitudes ? Que dire devant de tels arguments d’autorité ? Faut-il faire remarquer que le statut de juge constitutionnel s’octroie par nomination et non par concours ? Doit-on relever qu’il relève du fait du prince et non de quelque qualité exceptionnelle ? Depuis la Conférence nationale de 1990, les Gabonais militent pour une réelle démocratie. Ils veulent des institutions républicaines, impartiales.

Prudence

Si les décisions de la Cour constitutionnelle sont sans appel, elles doivent au minimum protéger la chose publique, défendre le bien commun et promouvoir l’intérêt général. En vertu de quoi doit-elle faire triompher la subjectivité ? Au nom de quoi doit-elle toujours valider les décisions de la majorité ? Pour bien montrer que la gestion de l’appareil d’Etat rime avec défense d’intérêts particuliers ? Les intérêts privés n’ont rien à faire en République. Et la République n’a pas à s’en accommoder. Les institutions sont au service du bien commun : toute autre conception est antirépublicaine. Si l’annulation de l’ordonnance n° 015/PR/2015 du 11 août 2015 portant organisation et fonctionnement de la justice a été accueillie par un concert d’applaudissements, le passé de la Cour constitutionnelle devrait inciter à la prudence voire à la vigilance.

Il semble prématuré voire risqué de se lancer dans des éloges tous azimuts ou de se laisser aller à cette grandiloquence intellectuelle qui a conduit certains à proclamer le ″triomphe de la démocratie″. Pourquoi la Cour constitutionnelle a-t-elle choisi de traiter cette saisine effectuée hors délais ? Pourquoi s’est-elle sentie obligée de se réfugier derrière une prétendue impossibilité d’auto-saisine ? Quel contenu donne-t-elle à l’article 84 de la Constitution qui en fait ″l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics″ ? Comment entend-elle matérialiser ce rôle ? Peut-elle indiquer les conditions de modification d’une loi organique ? Quel sens donne-t-elle à l’article 60 de la Constitution qui dispose que : ″Les lois organiques (…) sont délibérées et votées selon la procédure législative normale″ ? Au-delà des considérations éthiques et de gouvernance démocratique, n’est-ce pas à dire qu’une ordonnance pouvait bien être prise en l’espèce ? Trop de zones d’ombre et d’interrogations font craindre une nouvelle manipulation juridique à des fins politiciennes. Les nouvelles du front intérieure, de la vie du PDG voire les positionnements supposés ou réels des protagonistes de cette affaire laissent croire à un micmac de plus. Les développements à venir permettront assurément de mieux cerner la situation actuelle. Ceux qui pavoisent aujourd’hui pourraient bien se réveiller avec la gueule de bois demain. A la fin des fins, la Cour constitutionnelle semble être restée dans sa posture habituelle : le clair-obscur voire la brume. Prudence…

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