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Cercle vicieux
Publié le vendredi 30 octobre 2015   |  Gabon Review




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Piquée au vif par la déshumanisation des commerçantes de la Gare routière de Libreville, cyniquement exhibées à travers une vidéo, tournée par un policier et devenue virale, Ika Rosira, la muse pamphlétaire de Gabonreview, joue ici un blues scriptural exacerbé (en vers les policiers) et plein de commisération pour les héroïnes de la classe laborieuse.

Tout le monde a sa petite histoire avec ces fichus brigands déguisés en policiers au Gabon. En pleine nuit, comme en plein jour, devant témoins, ils maquillent leurs crimes, en prétextant des contrôles de police durant lesquels, s’ils le pouvaient, ils vous colleraient des amendes pour les poux sur votre tête, les boutons sur vos peaux, et la salive dans votre bouche, des contraventions pour votre ventre plein, pour vos poches encombrées et pour l’air que vous leur soutirez de par votre débrouillardise. Il semble qu’ils vivent mal leurs échecs devant toutes formes de réussite, même les plus minimes, en bref, la sécurité intérieure de tout un pays est assurée par une grosse bande d’aigris qui sévit de la mairie à la police, protégés par la même forme de corruption qui s’offre des poignées de portes en or, pendant que la misère institue sa propre hiérarchie et pousse de plus en plus de gens à leur extrémité. Tout le monde le sait, rien ne se fait, c’est motus et bouche cousue, parce même si au sein de cette organisation, il peut y avoir des exceptions, on a le malheur d’avoir une police corrompue jusqu’à l’os.

Tout le monde sait qu’il s’agit de racket, mais leur racket a plus l’allure d’une toute nouvelle forme de mendicité que d’escroquerie aux yeux de ceux qui font la pluie et le beau temps, quand on sait leur salaire de misère, leurs conditions de vie pitoyables, l’étendue de leur galère. Quand on voit les camps de concentration dans lesquels ils vivent avec toutes leurs familles, on se demande comment ils peuvent oser frapper sur leurs frères, leurs mères, leurs pères ; comment ils font pour obéir aux ordres ; comment ils font pour jouer à la main du maître, quand eux-mêmes sont les déchets visibles d’un système qui ne leur profite pas. Sans rien y comprendre on excuse, leur comportement.

Tout le monde sait comment ils s’en prennent aux automobilistes, aux commerçants, au petit peuple. On a même l’impression qu’en fait les bangando (les voyous du quartier, violeurs, menteurs, braqueurs, bagarreurs) se recyclent en allant enfiler l’uniforme, histoire de spolier de manière légitime les gens de la cité et bénéficier de tous les privilèges que peuvent conférer l’uniforme. Tout le monde sait pourtant que ce sont des faux gens, des arrivistes, des illettrés, des pistonnés, des complexés, des ivrognes, des drogués, des désaxés pour la plupart qui finissent par porter l’uniforme de la guigne qu’on assimile à la protection des biens et des personnes à tort et à travers.

Tout le monde sait que les conditions de vie des femmes sont impensables. Elles sont battantes, elles sont résolues, elles sont résilientes, elles assurent sans équivoque l’avenir de leurs enfants, elles remplacent avec brio tous ces pères démissionnaires, qui réfléchissent au singulier. On sait tous qu’elles triment, qu’elles courbent l’échine, qu’elles se forcent, qu’elles continuent d’avancer même en rampant, qu’elles continuent d’avancer en serpentant, même si leurs conditions de vie laissent à désirer. Tout le monde sait que ce sont ces femmes qui nourrissent le pays. Ces femmes qui font la route, qui se lèvent tôt et se couchent tard pour assurer l’avenir de leurs enfants. Tout le monde sait que ces femmes sont braves, qu’elles méritent du respect, qu’elles donnent l’exemple à toutes celles qui préfèrent dealer ce qu’elles ont entre les jambes au lieu de vendre des arachides, du poisson, du gombo, du piment au marché ou sur le bord de la route. Elles bossent sans logement social, sans pension, sans garantie, sans privilèges. Elles bossent sans régime de retraite, sans assurance sociale, sans aides financières. Elles travaillent sans crédit, sans allocations. Elles travaillent même sans syndicat, avec comme seul objectif nourrir et assurer l’avenir de leurs enfants.

Tout le monde sait qui sont les bourreaux, les oppresseurs, et qui sont les victimes, les opprimés, qui sont les pions, qui tire les ficelles, qui sont ceux qui érigent la barrière et creusent le fossé entre ceux qui font semblant de parler au pluriel et qui agissent et réagissent au singulier et ceux auxquels on n’accorde même pas le droit de s’offusquer. Tout le monde sait que les taxes qu’on leur impose, que les abus dont elles sont victimes au quotidien, n’ont aucun sens dans un pays dit de liberté, dans un pays dit de droit. Tout le monde sait à quel point l’impudicité des mères est la toute dernière forme de contestation qu’elles connaissent. On attend peut-être que ceux et celles qui souffrent au Gabon commencent à s’immoler par le feu ou à concocter des cocktails Molotov pour ouvrir les yeux sur le fait que la misère, la corruption, la souffrance, l’indifférence, l’irrespect ont atteint des proportions inégalées jusqu’à ce jour. N’attendons pas que le petit peuple ne soit plus capable d’endurer toute cette désolation pour réagir. Le problème, ce n’est pas tant qu’une personne puisse les filmer, en rire et diffuser la vidéo de leur détresse, le problème vient du fait qu’on en soit rendus là : au point que nos mères se dénudent et exposent toute l’ingratitude de leur vie pour obtenir un tout petit peu plus de considération.

Tout le monde sait qu’un jour, on reprendra notre pays.

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