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Ali Bongo, sur un baril explosif de pétrole ?
Publié le lundi 24 fevrier 2014   |  Gabon Review


Ali
© Autre presse par DR
Ali Bongo Ondimba, chef de l’Etat de la république du Gabon


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Une psychose de coup d’Etat pouvant être orchestré par Total a gagné du terrain ce week-end, après la question d’un journaliste de RFI au porte-parole de la présidence gabonaise, concernant le redressement fiscal de la filiale locale de la compagnie pétrolière française. La vendange des commentaires.

Vendredi 21 février 2014. Palais de la présidence de la République à Libreville. Conférence de presse du porte-parole de la présidence de la République. Un journaliste, correspondant de Radio France Internationale (RFI), interroge au sujet de l’échange de communiqués entre Total Gabon et la Direction générale des impôts (DGI) : «M. le Porte-parole, cette guerre de communiqués ne risque-t-elle pas de conduire le pays vers le mur ? Car, l’histoire du pétrole, que ce soit dans le monde arabe ou ici en Afrique, a démontré que tous les dirigeants qui ont cherché à introduire un peu de transparence dans la gestion de cette manne, ont soit perdu le pouvoir ou perdu la vie. On se souvient aussi de ce qui se passe au Niger avec un groupe aussi influent.»

Interprétation

Réponse d’Alain-Claude Billie By Nzé au journaliste : «M. Yves Laurent Ngoma, correspondant permanent de RFI au Gabon, je suis partagé entre répondre à votre question et considérer, vu l’organe pour lequel vous travaillez, que vous passez donc un message aux autorités gabonaises de faire attention, soit à perdre le pouvoir, soit à perdre la vie. Est-ce que c’est bien ce que j’ai compris ?» «Ce n’est pas exactement ça», rectifie le journaliste. Et Billie By Nzé de se lancer dans une tirade passant par la procédure de Direction générale des impôts, prenant au passage l’exemple du redressement fiscal de Google par le gouvernement français, pour conclure : «Mais nous aurons retenu que Radio France Internationale met en garde les autorités gabonaises.» Ce que, bien entendu, le journaliste de RFI a réfuté de vive voix dans la salle. Il indiquera par la suite aux confrères de Gabonreview l’interrogeant sur cette interprétation de sa question qu’elle ne lui a été inspirée par personne d’autre que lui-même, sans arrière-pensée et simplement au regard de ce qu’il sait de l’histoire.

Exemples historiques

On se souvient en effet, en prenant pour preuve le site historia.fr, qu’«En août 1953, la CIA et le SIS britannique renversent le gouvernement iranien du Dr Mossadegh […] il a eu l’imprudence de s’opposer à l’Anglo-Iranian Oil Company, en nationalisant le pétrole.» On se souvient également de ce que Robert Mbelo, ancien diplomate de la RDC et spécialiste des Questions approfondies de Relations Internationales et africaine, a soutenu que Kadhafi n’a été évincé et tué que parce qu’il fallait faire main basse sur son pétrole. Plus près du Gabon, on se souvient également de ce que le Français Jean-Pierre Cot, ancien ministre délégué chargé de la Coopération (1981-1982) et ancien député européen, avait dénoncé «une guerre privée au Congo-Brazzaville menée par Elf [aujourd’hui Total - ndlr], renversant le président Pascal Lissouba, en 1997, pour défendre ses intérêts» (Le Monde diplomatique, janvier 2001).

Le journaliste de RFI a donc de bonnes raisons de s’inquiéter, d’interroger ou d’attirer l’attention. Et avec lui quelques confrères. En effet, dans les débats qui s’en sont suivis hors du palais, l’un d’entre eux note : «Le contentieux entre Total Gabon et l’Etat gabonais à travers la DGI n’est pas une affaire d’Etat. Sauf que là il s’agit du pétrole et les grandes puissances qui tirent les ficelles derrières ces sociétés deviennent allergiques quand il s’agit de dévoiler au grand jour leurs petites magouilles.»

La psychose a donc ainsi été jetée dans la tête de tous ceux qui, de près ou de loin, se souviennent des malheurs qui parfois entourent l’exploitation des richesses du sous-sol, dont l’or noir, sur le continent africain. L’exemple nigérien du journaliste de RFI est d’ailleurs très actuel avec un grand groupe minier qui pinaille contre la hausse des impôts et frais douaniers. Dans ce pays, en 1974 le pouvoir fut renversé par «un coup d’Etat au service du nucléaire»

Psychose du coup d’état au service des intérêts pétroliers

«Ali Bongo Ondimba est-il donc en danger de mort pour avoir lancé un redressement fiscal à Total ? Au nom des réformes et de la justice sociale, le président s’expose-t-il directement aux foudres de Total ? Aucun analyste politique ne serait prêt à parier sur une attitude de neutralité de la grande France dont le président, François Hollande, prône pourtant la mort de la Françafrique mais serait prêt à donner un coup de main à une société qui pèse dans l’économie française et qui possède les lobbyistes les plus intrigants», a commenté à son tour Arnaud Tchombo du mensuel gabonais La nouvelle République. Et sa consœur, Patricia Manévy de renchérir : «Le Gabon à travers son premier responsable politique est sur la voie du pacte social et son financement passe par des recouvrements très importants comme les milliards que l’Etat gabonais réclame à Total qui pensait opérer en République bananière. Cette époque est révolue. Il va falloir que ces messieurs passent à la caisse. Sur cette opération avec Total comme sur celle de la suspension des fonds communs, la majorité des Gabonais semblent se liguer derrière leurs autorités».

«Le scénario d’une atteinte à l’intégrité physique du chef de l’Etat gabonais ou à un renversement de son régime, commandité par des puissances occidentales tapies derrière le géant pétrolier n’est pas à proscrire ou encore la manipulation d’un leader gabonais avide de pouvoir pour chercher à déstabiliser le régime en place est aussi sur la table», pense un jeune conseiller de ministère, avant de noter ; «le gabonais d’hier n’est plus celui d’aujourd’hui, il est rare d’agir quand les plans d’exécution sont connus de tous les Africains qui vivent dans les pays ou coule le pétrole.»

Les Gabonais sont donc vraisemblablement sur le qui-vive concernant la stabilité de leur pays. Le contexte est tel que la moindre égratignure sur leur président aura désormais sinon son bouc-émissaire tout trouvé du moins son principal suspect. Mais, Ali Bongo est-il vraiment en danger ? Certains le pensent au regard de ce que Total a indiqué qu’elle «engagera tous les recours nécessaires pour faire valoir ses droits et assurer la défense de ses intérêts». En attendant, pense le jeune conseiller de ministère cité plus haut : «La seule façon de combattre toute tentative de coup d’État fomenté par l’impérialisme est de la dénoncer et de dire la vérité partout où l’on peut.» C’est sans doute pourquoi certains blogs proches du pouvoir on titré ce week-end : «Total Gabon menace Ali Bongo à travers RFI», d’autres ont affiché la vidéo du journaliste de RFI tandis que le journal en ligne infosgabon a titré : «Vers la déstabilisation du Gabon par Total ?»

Vers un happy end ?

Pourtant, ainsi l’a spécifié Alain-Claude Billie By Nzé, le porte-parole de la présidence de la République, «La Direction générale des impôts avant d’envoyer cet avis, j’imagine, a eu des échanges avec l’entreprise et dans le cheminement normal, ces échanges vont se poursuivre […] Et donc, qu’il y ait communiqué de Total auquel répond une communication de la Direction générale des impôts, il me semble que c’est une procédure tout à fait normale. Ce qui va être essentiel c’est la suite.» La compagnie pétrolière a également indiqué qu’elle «a toujours agi en conformité avec les lois gabonaises et est donc confiante dans le fait que ce contentieux trouvera une suite favorable»

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