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La résignation drapée des oripeaux de la neutralité
Publié le samedi 28 fevrier 2015   |  Gabon Review




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Cru et explicite comme «Howl», le célèbre poème en prose d’Allen Ginsberg, le coup de gueule d’Ika Rosira cette semaine est un blues guttural, une litanie brossant le triste tableau des réalités gabonaises. Ces réalités ou vérités qu’un bon nombre de personnes bien-pensantes interdit de pointer du doigt, de critiquer, au nom d’une perfide neutralité elle-même dénoncée par la lucidité poétique d’une petite gabonaise du siècle.

C’est vrai que certains disent qu’il est inutile de répéter, non, de rabâcher ce qui ne va pas, ce qui ne marche, ce qui n’évolue pas, ce qui, semble-t-il, n’est pas près de changer. C’est vrai qu’ils jugent dérisoire de mettre l’accent sur les manquements, les besoins fondamentaux, les manipulations politiques et économiques, voire même sociales.

C’est vrai que parler des injustices commises dans toutes les sphères de la société gabonaise, qu’il s’agisse du milieu de la culture en pensant à la défaite récente et incompréhensible de Queen Koumb au concours Airtel Trace d’Akon ; qu’il s’agisse du milieu éducatif quant à la torture récente des jeunes universitaires qui ne faisaient que dénoncer leurs conditions de vie et d’études déplorables au sein des structures sensées promouvoir leur épanouissement ; qu’il s’agisse du plan de relance économique qui ne semble pas inclure la fourniture d’eau potable et d’électricité à tous les citoyens comme une prérogative essentielle depuis plus de 5 ans. Les choses se dégradent et seuls ceux qui peuvent s’offrir des groupes électrogènes et des systèmes de stockage d’eau voire même de carburant et de gaz, ne ressentent pas réellement l’urgence de la situation.

Qu’il s’agisse de recherches et de développement de nouveaux remèdes, de nouveaux systèmes, de nouvelles structures ou de renforcement positif et de bien d’autres axes qui vont au-delà de la santé, de l’économie, de la culture, de l’éducation et surtout de la politique… en fait, certains pensent qu’il est préférable de ne pas en parler, de ne pas aborder ces sujets, de se concentrer sur le constructif et sur le positif, d’omettre ou d’exclure tout ce qui est négatif dans notre pays.

Le problème avec ce type de raisonnement, c’est qu’on évolue dans une partie du monde dans laquelle, la vérité est un luxe, le silence est d’or, le respect n’est pas dû au mérite. Certaines personnes sont «réellement» au-dessus des lois et nous naissons dans un pays corrompu jusqu’à la moelle. On marche sur du goudron corrompu, on accouche dans des hôpitaux corrompus pour la plupart, on se marie dans des mairies corrompues pour la plupart, on envoie nos gosses dans des établissements scolaires corrompus pour la plupart et ainsi de suite…

La corruption est admise, elle est même génétiquement transmise, parce qu’on n’a pas besoin de nous dire quoi faire. C’est inné ! On sait qu’il faut mouiller la gorge de X, avoir un parent bien placé ou simplement glisser des billets dans une poche pour passer un contrôle, obtenir des papiers, des diplômes, des avantages, des contrats, un avenir plus serein et plus sûr.

On dit que le gabonais se doit de changer de mentalité, que le gabonais doit prendre modèle sur l’esprit d’entrepreneuriat des autres africains qui sont constamment humiliés, maltraités, enviés du fait qu’ils ont choisi le Gabon comme Eldorado. Et que malgré tout ce qu’ils subissent, ils parviennent avec l’argent du Gabon, à subvenir aux besoins de leurs familles, à investir et à construire des buildings dans leurs pays d’origine.

On dit aussi qu’il n’est pas nécessaire de pointer du doigt les dirigeants de ce pays, qu’ils ne sont pas entièrement responsables des échecs et de l’incapacité de certaines personnes à réussir leur vie ou à la gagner simplement. On entend même dire qu’en fait la souffrance des gabonais est relative, qu’on en fait trop, qu’on en parle trop, qu’on met trop l’accent sur ces choses et qu’il ne faut surtout pas se mêler de politique.

En réalité, si certains préfèrent enfiler des œillères et des caches oreilles, si certains préfèrent refuser d’agir pour le commun et ne sont obnubilés que par leurs réussites personnelles ; si certains voient le peuple trimer, les gens agoniser, la misère et la bassesse de certains, l’hypocrisie et le narcissisme des autres et choisissent délibérément la neutralité, c’est tout simplement parce qu’ils ont eu des facilités.

Ils vous diront qu’il suffit de travailler fort à l’école, d’être motivés, de croire en soi, mais ils n’ont pas eu l’enfance café-misère, haillons et pêche au marigot. Ils n’ont pas connu les rations ou la vie d’un unique repas par jour. Ils n’ont pas été à l’école publique entassés à trois sur une table banc bourrées de germes. Ils n’ont pas vécu le fait de partager un trou sans option vidange avec plus de 30 autres personnes en guise de toilette publique durant plusieurs années. Ils n’ont pas eu les sans-confiance comme chaussures toutes saisons. Ils n’ont pas vécu la tristesse des parents quand approche Noël et les anniversaires.

Ils n’ont pas marché du neuf-étages jusqu’aux bas-fonds des mapanes de Louis à l’âge de 6 ou 7 ans pour se rendre ou revenir de l’école. Ils n’ont pas habité dans des maisons en tôle ou semi-tôle ou séjourné dedans en plein mois de mars. Ils n’ont pas vécu dans des maisons en planche, semi-planche, en dur sans peinture ou semi-dur, éloignées de la route ou du sentier boueux qu’on confond à une route ou risqué l’érosion qui fait dire aux imbéciles heureux : «Qui leur a dit d’aller habiter là hein! Kiéééé ! Eux-aussi, c’est se mettre en danger cadeau !!!», comme si le choix avait soudainement cessé d’être un luxe.

En fait, ceux qui choisissent pour la plupart la neutralité n’ont aucune idée de ce que c’est de naître dans la pauvreté, de partir du fond du baril, de suivre la télé chez les voisins parce qu’on a pas chez soi l’électricité à longueur d’années ; de puiser l’eau à la pompe publique, parce qu’on n’a même pas les moyens d’avoir un robinet. Ils ne savent pas ce que c’est de ne connaître personne, de n’avoir aucun parent bien né ou bien placé, de devoir évoluer en partant de rien dans un pays extrêmement riche sans justice et sans équité.

«La vie est dure, le destin s’en écarte, on n’est pas nés sous la même étoile», mais le Gabon est un pays trop, bien trop riche pour qu’on cesse de dénoncer les exactions commises pour camoufler que ce sont toujours les mêmes qui ont des facilités et que ce sont toujours les mêmes qui vivent en passant de difficultés en difficultés, qui doivent patauger dans la misère, éclaboussés par le luxe qui nous pend tous au nez. Un luxe qui n’est réservé qu’à cette poignée d’humains qui écrit des lois, créent des règles, instituent leur propre vision, leur confort et leur standing de vie, comme une norme à respecter et à encourager.

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