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Fusion ANGT/Fonds routier : L’avenir désormais en confiance pour les affairistes
Publié le samedi 31 janvier 2015   |  Gabon Review




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La fusion annoncée de l’Agence nationale des grands travaux et du Fonds routier appelle des éclaircissements. Elle suscite des questions en termes de gouvernance et transparence autant qu’elle semble faire le lit de futurs arrangements à la limite du licite.

«PSGE : La gueule de bois», titrait, il y a quelques temps Gabonreview en référence aux difficultés rencontrées par l’exécutif dans la mise en œuvre d’un programme de gouvernement jugé hors-sol (lire par ailleurs «PSGE : la gueule de bois»). Nous évoquions alors le remplacement des piliers «Gabon vert», «Gabon industriel» et «Gabon des services» par une constante et rébarbative référence à la stratégie d’investissement humain du Gabon dans les discours officiels. A nos yeux, cela traduisait la prise en compte de «l’urgence sociale» et l’effectivité des «soucis de la gestion». Ali Bongo se serait bien épargné ces ennuis s’il n’avait entamé son mandat par des réformes à tout-va, décidées de façon unilatérale, sans s’assurer de leur pertinence juridique, leur bien-fondé institutionnel, leur soutenabilité financière et leur acceptabilité sociologique.

Pressé, emporté par une sorte de fougue, décidé à en faire voir de toutes les couleurs, à bluffer ses contempteurs, le président de la République a voulu donner l’image d’un dirigeant réformiste, en action. Très ou trop vite, il a pris des décisions radicales, décapitant la technostructure administrative en une nuit et transformant une bonne partie de l’administration centrale en établissements publics aux contours juridiques flous et systèmes de gestion inappropriés. Très ou trop vite, il est allé au-delà de son programme, sans prendre le temps d’interroger la justesse des réformes engagées ou d’expliquer à l’opinion publique le sens des sacrifices attendus. Avec la fusion annoncée de l’Agence nationale des grands travaux (ANGT), structure emblématique de son mandat, et du Fonds routier en une Agence nationale des grands travaux d’infrastructures (ANGTI), il entame un genre de rétropédalage chargé de sens, une sorte de reculade lourde de non-dits.

Une voie vers la corruption à grande échelle

Ajoutant la suspicion à l’incompréhension, cette fusion intrigue et laisse perplexe. En décidant de cela, Ali Bongo a-t-il mesuré les conséquences induites en termes de gouvernance ? A-t-il songé aux effets et impacts sur la transparence dans la gestion financière ? A-t-il évalué l’opérationnalité d’une telle entité ? On peut faire siens les arguments avancés par le Conseil des ministres. On est libre de croire en la thèse de l’adaptation aux contingences de la mise en œuvre du schéma directeur national d’infrastructures. On a la latitude de soutenir les allégations relatives à la nécessité de maîtriser les coûts, garantir la qualité des ouvrages et respecter les délais d’exécution. Mais on ne peut éluder l’évocation des mêmes raisons lors de la création de l’ANGT. On ne doit oublier les justifications jadis avancées pour défendre l’onéreux et mirifique contrat d’assistance technique passé entre l’Etat et Bechtel. Surtout, on est contraint de se souvenir des conditions de la naissance du Fonds d’entretien routier, conçu comme une réponse à la pression des bailleurs de fonds, notamment la Banque mondiale et l’Union européenne, qui avaient conditionné la poursuite de leur appui aux projets routiers à la mise en place d’un dispositif fluide, exclusivement dédié au financement de la maintenance des infrastructures routières. Surtout, on se doit de constater la concentration de pouvoirs ainsi induite, la maîtrise d’ouvrage délégué et le financement relevant désormais de la même entité.

La fusion de l’ANGT et du Fonds routier trahit une non-prise en compte des spécificités des différentes entités et des engagements inhérents à leur création. Elle de nature à opacifier la gestion des projets. Naturellement, elle va nous éloigner de la transparence tant clamée. Paradoxe stupéfiant, elle va indubitablement faciliter la concussion et la corruption à grande échelle. Inévitablement, elle douchera l’enthousiasme des bailleurs et autres partenaires privés désireux de contribuer au financement des infrastructures. Sauf à se croire au pays des Bisounours, on ne peut pas soustraire le financement du regard et du contrôle d’une tierce personne, le confier à son utilisateur et prétendre ensuite œuvrer pour la transparence. Même si la maîtrise d’ouvrage a aussi pour rôle d’arrêter les enveloppes financières prévisionnelles et assurer le financement des projets, cette répartition des tâches ne vaut pas toujours pour la maîtrise d’ouvrage déléguée. Or, jusque-là, la répartition des tâches était la suivante : à l’Etat la maîtrise d’ouvrage, à l’ANGT la maîtrise d’ouvrage délégué (lire par ailleurs l’article de Désiré-Clitandre Dzonteu). Bien entendu, la gestion financière était assurée par d’autres entités étatiques, notamment le Fonds routier.

Mauvaise nouvelle pour la route, bonne nouvelle pour les affairistes

Par souci de s’affirmer comme réformiste, par envie de prouver sa capacité à faire face à la conjoncture actuelle, l’exécutif a décidé de réformer le Fonds routier, sans songer à ses engagements internationaux et au message sous-jacent. Déjà, lors des assises du groupe focal Afrique central de l’Association des Fonds d’entretien routier d’Afrique (Afera) tenues à Kinshasa en juillet 2013, il avait été question d’une «absence totale des critères de performance des régies administratives» du Fonds routier dirigé par Landry Patrick Oyaya. Il lui avait alors été recommandé de «recourir de plus en plus au partenariat public-privé, pour encourager la compétitivité et l’efficacité et promouvoir les petites et moyennes entreprises (PME) dans l’exécution des travaux d’entretien». La gouvernance du Fonds routier était déjà en cause. Et les modifications l’ayant fait passer de FER 2 à FR n’indiquaient rien de bon.

Au demeurant, la réforme annoncée n’est pas une réponse aux problèmes actuels. Elle ne règle en rien la double question de la performance du Fonds routier ou de l’efficacité de l’ANGT. Rappelant étrangement celle ayant conduit à la fusion des directions générales du Budget, du Contrôle des ressources et des marchés publics en une direction générale du Budget et des Finances publics, elle semble être du même tonneau. Procédant de la même mécanique, elle a un parfum de stratagème visant à faciliter le siphonage des finances publiques. Il aurait été plus opportun de réformer le Fonds routier, de manière à en faire un mécanisme de mobilisation des financements de contrepartie pour l’ensemble des projets d’infrastructures. Il serait ainsi devenu un mécanisme de financement complémentaire alimenté par des taxes et redevances prélevées dans des secteurs autres que la route. Vu sous cet angle, il est permis de douter de la pertinence de l’initiative gouvernementale voire d’en surveiller étroitement la mise en œuvre.

Dans le contexte actuel, marqué par la baisse tendancielle des cours du baril de pétrole et des réformes organisationnelles dans le secteur des finances publiques, de nombreuses questions subsistent. Le Fonds routier n’a-t-il pas pu faire la preuve de son utilité et de sa spécificité ? Quelle perception en avait l’exécutif, singulièrement la présidence de la République ? La redevance d’usure de la route (Rur) et toutes les autres taxes liées à l’exploitation de véhicules ou à l’utilisation des routes vont-elles servir à financer d’autres types d’infrastructures ? Les financements du Fonds routier obtenus à partir du budget général de l’Etat auront-ils valeur de contrepartie dans le cadre d’éventuels partenariats public/privé ? Quel sera le rôle de la trésorerie spéciale de la présidence de la République dans les opérations de l’ANGTI ? Quid de la passation des marchés ? L’ANGTI va-t-elle représenter le Gabon à l’Afera ? Ou, le Gabon va-t-il quitter cette structure africaine ? Sur tous ces points, on aimerait en savoir davantage. Pour l’heure, la fusion du Fonds routier et de l’ANGT est une mauvaise nouvelle pour la route et une bonne pour les affairistes de tout poil, qui voient s’ouvrir un «avenir en confiance», un boulevard pour les petits arrangements entre amis.

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