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Larmes pour la Cité de la Démocratie et autres démolitions
Publié le jeudi 19 decembre 2013   |  Gabon Review


Cité
© Gabon Review
Cité de la Démocratie à Libreville


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Il est bien indiqué que le président Ali Bongo mette tout en œuvre pour offrir aux Gabonais un cadre de vie en conformité avec son aspiration à l’émergence économique du Gabon. Mais plutôt que d’accumuler les vestiges et les beautés architecturales, on procède à leur démolition. Les palais des spectacles et de banquets de la Cité de la Démocratie sont tombés dans l’après-midi du 15 décembre 2013. On en pleure presque.

A la suite d’autres bâtisses témoins de l’histoire du Gabon ayant subi la loi «émergente» de la démolition, les palais des spectacles et des banquets de la Cité de la Démocratie, traces s’il en est du travail architectural d’Omar Bongo et de la tenue au Gabon du sommet de l’OUA en 1977, sont tombés dans l’après-midi du 15 décembre 2013 par dynamitage, malgré le cri de détresse de l’Ordre gabonais des architectes qui proposait «des mesures conservatoires du patrimoine architectural du Gabon», et la «réhabilitation» de l’ensemble des trois bâtiments dans les règles de l’art en conservant les programmes initiaux.

Au pouvoir depuis 1967, le président Omar Bongo Ondimba avait lancé, dans la deuxième moitié des années 70, un vaste chantier de construction du Gabon avec la construction de routes, d’un chemin de fer, de ports, de centrales hydroélectriques, d’hôpitaux … Mais aussi, d’un nouveau palais présidentiel, d’un palais des conférences et de la Cité du 12 mars (devenue Cité de la Démocratie depuis la conférence nationale en 1990). Son legs au Gabon, pourrait-on dire.

Le président Ali Bongo Ondimba succédant à son père est conscient d’un défi : faire mieux que son père avec les contraintes de la mondialisation et le développement tout azimut des nouvelles technologies. Ainsi embarqué dans son ère, le numéro un gabonais propose aux Librevillois via son PSGE, de faire de leur ville, la «ville centre de l’Afrique centrale» afin de le hisser au 1er rang du tourisme d’affaires dans la sous-région, devenir la vitrine culturelle et la grande capitale des réunions, des congrès internationaux et du tourisme d’affaires.

Cet objectif n’est pas sans conséquence et les modalités de sa mise en œuvre très peu appréciées des Gabonais qui, libres de penser, s’offrent, chacun, une interprétation à tort ou à raison selon le projet initié par le chef de l’État. Mais, en majorité, les réprobations convergent vers la problématique de la conscience historique ou, plus simplement, de ce que l’on laissera aux générations futures comme patrimoine architectural lorsque l’on opte pour la démolition (et non la conservation).

Après avoir subi la disparition de plusieurs ouvrages qui faisaient les cartes postales du Gabon et de Libreville, et dont les noms servent encore de repères géographiques, bien qu’il soit actuellement difficile de prouver leur existence, notamment l’hôtel Dowé, l’hôtel Dialogue, l’hôtel Rapontchombo, la tradition destructrice s’est récemment perpétuée sous l’ère de l’«Émergence» avec le complexe hospitalier Jeanne Ebori, démoli pour présence d’amiante et sous le fallacieux prétexte qu’il ne répondait plus aux normes. Si tant est que cela pourrait servir d’argument, les édifices abritant cette fondation créé en juin 1985, auraient pu servir de siège à d’autres administrations en manque de locaux, à l’instar du ministère des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Artisanat et du Commerce, éparpillé à travers Libreville.

Construits en effet en 1976, pour abriter le sommet de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), les palais des spectacles et de banquets de la Cité de la Démocratie ont donc subi la furie destructrice de l’Emergence à la gabonaise. Leurs décombres devraient faire place à des projets «novateurs de développement» comportant, selon des sources bien informées, des espaces sportifs et des infrastructures nouvelles. «Il s’agit de reconstruire la cité de la Démocratie pour la réadapter à des événements à venir qui seront annoncés en temps opportun. Ça va demeurer un centre important des rencontres internationales, mais qu’il faut moderniser. Il ne sera pas question de moderniser en maintenant les mêmes éléments aux mêmes endroits. Il s’agit de réorganiser», précisait le porte-parole de la présidence, Alain Claude Billie By Nzé, lors de l’une de ses rencontres avec la presse.

On devrait donc se demander pourquoi le vieux Londres ou le vieux Paris, qu’admirent bien les dirigeants Gabonais, puisqu’ils aiment à y séjourner, n’ont pas été démolis. Et pourquoi le Gabon a-t-il acquis, à Paris, L’hôtel particulier Pozzo di Borgo construit à partir de 1706 ? Autrement dit, pourquoi donc les édifices gabonais n’auraient-ils pas pu se bonifier avec le temps et les différentes réfections ?

Drôle de manière en tout cas d’enrichir ou de développer le pays que celle de détruire son patrimoine. On pensait pourtant que l’enrichissement se fait par accumulation. Le dictionnaire Larousse n’indique-t-il pas que s’enrichir, c’est devenir plus riche par l’addition de nouveaux éléments ? Ce n’est pas ce à quoi on assiste avec ces destructions. On devrait donc et pourrait pourtant accumuler, parce qu’il y a bien de la place autour de Libreville, ville qui gagnerait à s’étendre et à excentrer son administration et autres activités.

On serait donc tenté de penser que le Gabon est plutôt entré dans un processus d’appauvrissement, vu que les destructions vues à Libreville n’obéissent à aucun chronogramme logique. On n’en voudra pour exemple que la destruction des abords de la route nationale, de la Gare routière de Libreville au PK 12. Et, deux ans bientôt après cet élargissement supposé de la voie, aucun chantier n’a démarré en ces lieux. Le fameux chantier de la fluidification la déserte Lalala-Centre-ville non seulement se fait à vitesse de tortue, mais se heurte en plus à une improvisation rythmée par les contraintes du terrain ou par la disponibilité des moyens financiers. Tout se passe comme si les fonds pour rebâtir ne sont pas d’abord trouvés avant les démolitions. «Il est plus facile de détruire que de construire», écrivait Alphonse de Lamartine. C’est sans doute pourquoi, il valait mieux réhabiliter l’hôtel Dialogue plutôt que de le démolir pour laisser place depuis lors à un terrain vague broussailleux sur lequel l’«Emergence» n’a visiblement aucun projet.

Les grands édifices aujourd’hui démolis ont marqué les photographies du Gabon en tant qu’excellents équipements urbains en leur temps et ils ont marqué l’inconscient des Gabonais. «Considérer que l’œuvre de la génération précédente est «ringarde» et ne mérite que la démolition (et non la conservation) expose les auteurs de ces usages à un certain retour du bâton», soulignait l’Ordre gabonais des architectes lorsqu’il déplorait la démolition de l’hôpital Jeanne Ebori.

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