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La CNLCEI: Une autorité administrative indépendante en léthargie…
Publié le vendredi 29 aout 2014   |  Gabon Review


Dieudonné
© Autre presse par DR
Dieudonné Odounga Awassi, le président de la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite (CNLCEI)


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Malgré des révélations faites par la presse sur des scandales financiers, la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite (CNLCEI) a du mal, depuis près de douze ans, à tenir son rôle : veiller à la bonne gestion des deniers publics et de procéder à des enquêtes délicates. Au moment où certains observateurs demandent sa dissolution pure et simple, car, vu ses résultats, elle commence à coûter cher au contribuable, la CNLCEI se doit plus que par le passé de sortir de sa léthargie.

Où est donc la CNLCEI ? Que fait-elle ? On a du mal à voir ce qui coince. La CNLCEI dispose depuis quelque temps déjà d’une administration d’une quarantaine de personnes, de moyens roulants et de textes législatifs et réglementaires pour dépister les gestionnaires indélicats. L’institution a aussi et surtout, à sa tête, des magistrats rompus à la tâche. Après deux magistrats de l’ordre financier -Pascal Ndzemba et Vincent Lebondo Le-Mali – entre 2003 et 2013, c’est au tour d’un magistrat de l’ordre judiciaire, Odounga Awassi, de présider aux destinées de cette autorité administrative indépendante. Qu’est-ce qui coince alors ? Pourtant, ce ne sont pas les cas de détournement qui manque.

Il est vrai que les magistrats n’ont pas beaucoup réussi dans l’organisation des élections au Gabon depuis la mise en place des autorités indépendantes comme la Commission nationale électorale (CNE), ancêtre de la Commission électorale nationale autonome et permanente (CENAP). Il est vrai que c’est un corps de métier qui n’a pas toujours bonne presse au Gabon, mais on avait quand même cru que, nommés pour diriger une institution comme la CNLCEI, les magistrats mettraient tout leur savoir-faire pour faire éclater la vérité, feraient infliger des sanctions aux mauvais gestionnaires et qu’ils feraient même -pourquoi pas ?- tomber des têtes.

Avant l’arrivée d’Odounga Awassi il y a une quinzaine de mois comme président de la CNLCEI, son prédécesseur avait affirmé que la corruption causait d’année en année une perte sèche de 500 milliards CFA aux caisses de l’Etat. Celui-ci s’était complu à n’organiser que des séminaires de sensibilisation devant conduire, croyait-il, les responsables financiers à une certaine orthodoxie. Mais il n’avait rien fait des ’’92 dossiers’’ qu’il disait détenir et qui allaient être instruits par la justice. Résultats des courses : il s’en est allé comme Pascal Ndzemba, avant lui, avec un bilan illisible et invisible. Les deux mandats de cinq ans assurés par l’un et l’autre se sont achevés sans qu’on ait pu voir un début de frémissement dans la mission qui est la leur de «lutter contre l’enrichissement illicite». Pourtant, les champs d’intervention de la CNLCEI sont immenses.

Des détournements de deniers publics, des indélicatesses en tout genre, souvent relayées par la presse, laissent l’autorité administrative indépendante de marbre. Il reste que ce mutisme de la «Commission de London» fait tâche dans un Etat qui a décidé d’assainir les finances publiques et d’asseoir une orthodoxie dans la gestion des deniers publics. Des institutions comme la CNLCEI devaient participer à cette nécessaire «révolution des esprits» que l’opinion appelle de tous ses vœux. Les autorités politiques n’ont pas, elles aussi, fait mystère de leur volonté de voir la CNLCEI passer enfin à l’action.

Mais que fait cette commission ? Que peut faire cette institution qui devait être classée parmi les institutions incorruptibles, dynamiques et efficaces de la République ? Trop embourbée dans un excès de prudence qui la confine à la léthargie, la CNLCEI semble avoir mis des œillères, et elle donne le sentiment qu’elle ne voit rien, qu’elle n’entend rien, et qu’elle n’a rien à dire. Dans des pays comme la France, une dépêche, un article de presse, un reportage radio ou télévisuel font réagir la justice. Des enquêtes sont parfois diligentées après une révélation par voie de presse. La CNLCEI qui suscite, depuis près de douze ans, du scepticisme dans l’opinion, est, bien que frappée d’une myopie originelle et apparemment incurable, à un tournant : ou elle perdra définitivement sa crédibilité si elle ne donne aucune suite aux dossiers en sa possession, et on devra la fermer, car elle commence à coûter cher au contribuable, ou elle donnera d’elle une image positive en montrant un peu de volontarisme. En effet, des universitaires et des ONG anti-corruption comme ’’Publiez ce que vous payez’’, se demandent s’il ne vaudrait pas mieux renforcer les missions de la Cour des Comptes et dissoudre la CNLCEI.

En tout cas, alors que son prédécesseur avait demandé à être jugé sur ses résultats -qu’il n’a finalement pas eus, Odounga Awassi, lui, «ne dit rien, ne fait pas grand-chose», pour reprendre l’expression de Maître Louis-Gaston Mayila. Alors que Vincent Lebondo Le-Mali voulait marquer les esprits par des actions spectaculaires – il ne s’était finalement limité qu’à des séminaires et conférences de presse, la position du président actuel faite de discrétion et d’un effacement total, est incompréhensible et plutôt embarrassante pour les institutions internationales qui en avaient sollicité la création et pour les garants d’une nouvelle gestion des fonds publics. Comment entend-il faire de la CNLCEI une institution reconnue et respectée, une structure à l’indépendance affirmée, dont les décisions seraient peu critiquées ?

Au moment où le gouvernement vient de lancer, à travers la Cour des Comptes et les services de renseignement, une opération ’’mani pulite’’ (mains propres) à la gabonaise – de nombreux administrateurs de crédits sont en effet auditionnés depuis quelque temps à la Cour des Comptes, à la DGR et au B2-, Odounga Awassi et ses collaborateurs ont là une occasion de «se montrer» face à la haute administration et à ses gestionnaires dévoreurs de fonds publics et corruptibles à souhait !

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