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Révision constitutionnelle/Sénat : Fracture morale
Publié le samedi 1 avril 2023  |  Gabon Review
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© Autre presse par DR
Remboursement par la CDC des cautions versées par les candidats sénateurs lors des dernières élections au Gabon
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Les sénateurs ont adopté le projet de la loi portant révision de la Constitution. N’ayant fait aucun amendement, leur vote ne sera jamais légitime. Et leur zèle les condamnera toujours.

Entre les parlementaires et leurs mandants, les lignes de fracture n’en finissent plus de s’élargir. A la suite des députés, les sénateurs ont adopté la projet de la loi portant révision de la Constitution. A la quasi-unanimité, ils ont jugé bon de rien y changer. Ni la non-limitation des mandats présidentiels ni le scrutin uninominal majoritaire à un tour n’ont suscité de réserve. Bien au contraire. Ils ont choisi de tout entériner avec célérité. En 2021, il s’était écoulé 24 jours entre la présentation du projet en Conseil des ministres et le vote du Congrès. Cette fois-ci, 27 jours ont suffi pour engager la destinée de tout un peuple. Comme si le Sénat n’avait rien entendu des critiques adressées à l’Assemblée nationale. Comme si ses membres n’avaient de compte à rendre à personne. Comme si l’Histoire commençait et s’arrêtait avec eux.

Des diables dans le bénitier

Ce vote n’éclairera en rien l’opinion sur la pertinence de cette initiative. Il ne lui permettra pas non plus de cerner le sens de l’engagement des parlementaires. Surtout, il ne mettra pas fin au débat sur l’utilité d’une seconde chambre, généralement décrite comme un inutile gouffre à sous. En revanche, il légitimera les critiques sur cette « sombre législature», la seule à avoir modifié la Constitution deux fois en deux ans et à avoir trituré tous les textes fondamentaux. Du Code civil au Code pénal, toutes les lois essentielles ont été passées au scalpel. Comme si le Gabon n’avait jamais été administré. Comme s’il fallait absolument remettre en cause les fondements de la société, de l’Etat et de la République.

Certes, cette révision constitutionnelle fut actée durant la Concertation politique de février dernier. Certes, d’éventuels amendements du Sénat auraient entraîné la mise en place d’une commission mixte paritaire. Certes, en cas de désaccord, la version de l’Assemblée nationale aurait été retenue, conformément à la procédure du dernier mot. A ces arguties, on opposera ce constat : exceptés les zélotes du régime, pas grand monde n’approuve les recommandations de cette concertation. De l’avis général, elles traduisent une fracture morale. En témoigne, la campagne d’explication initiée par certains participants, condamnés à s’agiter comme des diables dans le bénitier. En témoigne aussi, cette diatribe du secrétaire exécutif du Consortium des organisations de la société civile pour la transparence électorale et la démocratie au Gabon (Coted-Gabon) : «L’intégrité des processus électoraux n’étaient nullement le but recherché par les sbires du régime qui ont conçu cette mascarade.»

Volte-face et négation du vote populaire

Comme la démocratie, la République ne saurait être l’affaire de quelques-uns. Comme elle, elle poursuit un but : l’intérêt général. Comme elle, elle repose sur un principe : la participation à la prise de décision. Comment y parvenir quand des institutions font montre de surdité volontaire, rejetant toute proposition voire tout débat ? Comment y arriver quand elles refusent de jouer leur rôle, se satisfaisant de petites combines ? Ou quand elles se ferment au reste de la société, au risque de se couper d’elle ? Ces questions, le Sénat a refusé de se les poser, préférant agir avec docilité et dans le seul intérêt d’un camp. Manquant à ses devoirs, il n’a pas examiné la loi, se contenant de l’enregistrer. Les sénateurs pourront toujours arguer de leur qualité d’hommes politiques ou de militants. Leur vote n’en deviendra pas légitime pour autant. Ils pourront dénoncer un procès en sorcellerie. Leur zèle les condamnera toujours. S’ils avaient émis des amendements, ce texte serait encore en discussion.

Pour se faire une idée de la portée de leur action, les sénateurs doivent jeter un œil dans la rétroviseur. En janvier 2018, ils validaient le retour au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Cinq ans plus tard, ils reconsidèrent cette idée, sans l’avoir jamais expérimentée et sans pouvoir convaincre du bien-fondé de leur volte-face. En juillet 2019, ils pénalisaient l’homosexualité. Dix mois plus loin, ils revenaient sur leurs pas, alimentant le débat sur une supposée dépénalisation. En janvier 2021, ils accordaient au président de la République le droit de nommer certains parmi eux, se gardant d’interroger la légitimité de parlementaires ainsi désignés. Par-dessus tout, ils banalisaient leur qualité d’élus, se laissant tondre la laine sur le dos par des personnalités nommées. Comment expliquent-ils la présence de sénateurs désignés au sein du bureau ou à la tête de groupes parlementaires ? N’y voient-ils pas une atteinte aux valeurs démocratiques et à l’esprit de nos institutions ? N’y voient-ils pas une négation du vote populaire ? S’ils veulent mériter le titre de «vénérable », les sénateurs élus doivent commencer par se poser ces questions.
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