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Commémoration du 31 août 2016 : Le pourrissement
Publié le vendredi 3 septembre 2021  |  Gabon Review
Gabon
© AFP par MARCO LONGARI
Gabon : affrontements à Libreville après l’annonce de la victoire d’Ali Bongo
Mercredi 31 Aout 2016. Libreville
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Cinq après l’assaut contre le quartier général de Jean Ping, le dialogue est définitivement rompu.

C’est l’un des épisodes les plus traumatisants de notre histoire récente. Cinq après l’assaut contre le quartier général de Jean Ping, l’émotion est toujours aussi vive. La frustration aussi grande. La réconciliation aussi éloignée. Censé reconstruire la confiance, le Dialogue national d’Angondjé n’a pas eu l’effet escompté. Pour de nombreux observateurs, cette rencontre fut une simple partie de bonneteau. En présidant la cérémonie de commémoration de la mémoire des victimes, le 31 août dernier, Jean Ping s’est voulu définitif : «Leur rêve reste (le sien et celui de ses soutiens) : la libération du Gabon.» C’est dire si ces événements fondent la démarche du leader de la Coalition pour la nouvelle République (CNR). C’est aussi dire si les consultations électorales à venir en porteront la marque. C’est, enfin, dire si le vivre-ensemble semble affecté pour bien longtemps.

Enquête nationale indépendante

Comment est-on arrivé là ? En raison d’une mauvaise appréciation de la situation. Sans s’en donner les moyens, les protagonistes ont, dès le départ, tout misé sur la Cour pénale internationale (CPI). Déterminé à intimider l’opposition, le gouvernement passa à l’offensive le premier. Le 21 août 2016, dans une requête adressée au cabinet de la procureure générale de la CPI, la ministre de la Justice d’alors, Denise Mekam’ne Taty, accusait Jean Ping d’avoir tenu des propos constitutifs d’«une incitation au crime de génocide», évoquant des «actes de torture perpétrés dans (son) quartier général (où) un individu (avait) été retrouvé ligoté et victime de traitements inhumains et dégradants, ses pieds ayant été troués à l’aide de clou.» En réponse, les avocats de Jean Ping transmirent, le 15 décembre de la même année, un mémoire en défense, accusant à leur tour le gouvernement d’être l’auteur de «crimes contre l’humanité.»

Un peu plus d’une année plus tard, la CPI décida du classement sans suite, disant ne pas avoir des raisons de «croire que les actes présumés commis (…) dans le contexte des violences postélectorales (…) constituent des crimes contre l’humanité.» Même si la première Chambre préliminaire s’est ensuite montrée disposée à rouvrir le dossier, les choses restèrent en l’état. Depuis lors, le dialogue est définitivement rompu. N’en déplaise aux zélateurs du pouvoir, la réconciliation ne se décrète pas. Visant la déculpabilisation collective après un épisode douloureux, elle résulte d’un processus complexe : si les victimes doivent s’exprimer publiquement, les auteurs présumés doivent reconnaitre leurs actes, quitte à en répondre devant la justice. Au lieu de minimiser les événements ou de s’engager dans une guerre des chiffres, le gouvernement aurait gagné en diligentant une enquête nationale indépendante. Il se serait ainsi donné les moyens d’établir un bilan consensuel en permettant aux victimes et à leurs familles de faire leurs dépositions. Il aurait aussi pu documenter les faits, en conserver les preuves. Au besoin, il aurait demandé aux auteurs de battre publiquement leur coulpe, avant d’initier un mouvement collectif vers le pardon. De tout cela, il n’a rien été, le pouvoir ayant fait le double choix de la coercition et de l’usure par le temps. Peine perdue…

Repasser les plats

On ne peut se satisfaire du climat politico-social actuel. A deux ans de la prochaine présidentielle, il y a tant de raisons de nourrir des inquiétudes. Selon une récente enquête, 75% des Gabonais disent ne pas avoir confiance dans les forces de défense et de sécurité. Accusées de partialité, les institutions, notamment l’inénarrable Cour Constitutionnelle et le très controversée Centre Gabonais des élections (CGE), sont regardées de travers. Comme si cela ne suffisait pas, l’actualité récente a relancé le débat sur l’instrumentalisation de la province du Haut-Ogooué à des fins politiciennes ou électoralistes. Pendant ce temps, une bonne partie de l’élite en devenir refuse de rentrer au pays. Criant sa colère, elle dit être entrée en «résistance». Affichant sa rancœur, elle affirme être déterminée à aller «jusqu’au bout.» Récemment encore, elle s’est signalée à travers la France. Pour ces jeunes compatriotes, le retour à une vie apaisée passe nécessairement par la vérité sur les événements du 31 août 2016.

Pourtant, en septembre 2017, Emmanel Issoze-Ngondet se prononçait en faveur d’une «loi d’amnistie qui traiterait au cas par cas certains situations engageant des personnes qui se seraient rendues coupables» d’exactions. Aux dires de l’ancien Premier ministre, «le gouvernement (avait) pris la décision de mettre sur pied une commission nationale chargée de mener des enquêtes en vue de clarifier ces situations-là.» Face aux exigences d’une certaine opinion et aux réticences de sa majorité parlementaire, il fut contraint de battre en retraite. Depuis lors, c’est le pourrissement. Comme si l’histoire doit repasser les plats. Au grand dam de son peuple.
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