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Chômage, précarité, informel, sexe, alcool et petit banditisme : le mal-être de Port-Gentil
Publié le jeudi 6 mai 2021  |  Gabon Review
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© AFP par Steve JORDAN
Second tour des élections législatives 2018 au Gabon
Samedi 27 octobre 2018. Libreville. Opération de vote lors du deuxième tour des élections législatives
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Plombée par deux facteurs – la chute à partir de 2014 du cours du pétrole, et la pandémie du Coronavirus – la capitale économique du Gabon passe des moments dignes d’un pays décadent. Célébrée le 1er mai, la toute dernière fête du travail illustre une ville ouvrière marquée par le chômage, la précarité et leur cortège d’effets pervers.

La chute du cours de baril de pétrole avait déjà mis à mal l’économie gabonaise, la survenue de la pandémie du Coronavirus est venue enfoncer le clou, paralysant notamment à Port-Gentil les grandes entreprise pourvoyeuses d’emplois.

Ruine de l’économie populaire

Les mesures de lutte contre la propagation de la pandémie du Covid-19, notamment le confinement total puis partiel, ont nécessairement amené à une réorganisation du fonctionnement de l’économie et des ménages. Dans ce contexte, l’économie populaire a été totalement désorganisée. Concept ayant remplacé celui de secteur informel, l’économie populaire désigne «l’ensemble des activités économiques et des pratiques sociales développées par les groupes populaires en vue de garantir, par l’utilisation de leur propre force de travail et des ressources disponibles, la satisfaction des besoins de base, matériels autant qu’immatériels» (Wikipédia). Les petites vendeuses de laitue, d’œufs ou de poisson frais qui livraient notamment les restaurants, ont été privées de leurs débouchés et gains. Les bars, hôtels, snack-bars et motels ont été fermés. Les rassemblements étant limités à 30 personnes, le secteur des arts du spectacle et des œuvres de l’esprit est à l’arrêt total, plongeant littéralement ses acteurs dans l’indigence.

Si ce tableau est observable partout dans les grandes agglomérations urbaines du Gabon, la ville pétrolière semble avoir été la plus atteinte. Petite cité ouvrière ne vivant vraiment que grâce et autour de l’industrie pétrolière, Port-Gentil a été frappée de plein fouet. Plusieurs sociétés de sous-traitance pétrolière ont dû mettre la clé sous le paillasson. D’autres se sont résolues à licencier une bonne partie de leurs agents, parfois sans le paiement total de leurs droits sociaux.

«Pas d’embauche», «Zone de deuil»

Le chômage bat en tout cas son plein à Port-Gentil et la misère gagne la population. Régulièrement, sur les baies vitrées et entrées d’entreprises, des écriteaux indiquent «Pas d’embauche pour le moment. Merci». Et les agents de sécurité, appelés gardiens, se tournent les pouces à longueur de journée devant des guérites que presque personne ne franchi. Le climat est à la tristesse dans la nouvelle zone portuaire de Port-Gentil. Grouillante d’activité et de trafic automobile par le passé, on parvient maintenant à compter le nombre de véhicules y entrant et en sortant, tellement les quais sont déserts. «C’est la preuve que le pays va mal. Et même très mal», lance Jacques Robacki, ancien ouvrier qui dit avoir vécu tout sa vie à Port-Gentil. «Avant tu démissionnais le matin et le soir tu avais retrouvé le même boulot ailleurs. On était trop bien, ce n’est pas comme aujourd’hui où les gens souffrent», regrette cet homme du haut de 65 ans.

«Vivre à Port-Gentil, c’est comme être dans une zone de deuil», commente Pascal O., la petite cinquantaine, au chômage. La situation est énormément stressante, assure ce chef de famille à la recherche d’une débrouille.

Criminalité, alcoolisme, plus vieux métier du monde… «Y a pas un truc là ?»

«La faim chasse le loup hors du bois», dit un proverbe français. Et face à la montée fulgurante du chômage à Port-Gentil, le taux de criminalité prend lui aussi des proportions inquiétantes, «à un tel point que l’on se demande quel fantôme, quel mauvais esprit hante la ville», ironise Pascal O. Presque chaque jour, en effet, les journalistes locaux sont alertés des larcins et autres actes de brigandage. En proie à l’oisiveté et à la débauche, de nombreux jeunes dérivent dans le banditisme à la petite semaine ou la perversion. Arrestations pour viol, vol, braquage, usage ou détention de stupéfiants, escroquerie et autres, alimentent tous les jours les commérages et journaux des deux chaines locales de télévision. C’est à croire que la ville d’Emile Gentil concourt pour la palme d’or de la criminalité au Gabon.

Dans cette ville où les boissons alcoolisées sont désormais vendues dans endroits interlopes appelés «Tsoubous», le plus triste est que des jeunes filles, la quinzaine d’années à peine passée, s’adonnent au plus vieux métier du monde. Il n’est pas rare, en effet, de les entendre aguicher leurs potentiels clients avec des sempiternels bouts de phrases : «On dit quoi ? Y a pas un truc là ? Parle bien, je suis là !». Des codes bien connus des habitués et personnes vigilantes indiquant une disposition au sexe payant. La prolifération à Port-Gentil des lieux de satisfaction des désirs sexuels est éloquente à ce propos. Cette activité clandestine est notamment portée la baisse des tarifs dans la location immobilière (maisons, appartements, studios).

Ville ouvrière ou ville laborieuse pour reprendre la terminologie marxiste, Port-Gentil était bien triste, le 1er mai, lors de la toute dernière fête du Travail. Jadis, pour un tel jour, la ville se parait de ses plus beaux atours. Les travailleurs festoyaient, arpentant les rues durant toute la journée avec la joie de vivre en guise de couvre-chefs. Nécessairement, le 1er mai 2021 alimentera bien de souvenirs des Port-Gentillais dans l’avenir, le souvenir d’une ville crucifiée au croisement des restrictions «covidiennes» et de la contraction économique liée à la chute vertigineuse des prix du pétrole à partir de 2014.
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